Thierry Rozier tombe le masque et embrasse son destin
Longtemps dans l’ombre de son père Marcel et de son frère aîné Philippe, sacrés champions olympiques par équipes en 1976 et 2016, Thierry Rozier a tardé à redevenir le cavalier de haut niveau qu’il était dès les années 1980. Après avoir cherché sa voie dans le monde des courses et coaché différentes personnalités, à cinquante ans passés, le cadet de la fratrie s’autorise enfin à rêver d’Olympe et de couronnes de lauriers. Heureux et bienveillant réserviste de l’équipe de France de saut d’obstacles aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, le Bacot a désormais les yeux rivés sur les JO de Tokyo, qu’il espère disputer avec l’excellente Venezia d’Écaussinnes. Et rien ne saurait plus le dévier du chemin qu’il s’est tracé.
Il serait pourtant injuste de cantonner cet homme-là à son rôle d’amuseur public, qu’il perpétue aujourd’hui sur les réseaux sociaux, avec la fraîcheur d’un adolescent. Thierry Rozier est d’abord un cavalier et un homme de cheval que rien n’a pu éloigner bien longtemps de l’univers de la compétition, pas même ses envies d’ailleurs, son arthrose ou une opération du dos subie il y a vingt-cinq ans. Destiné à arpenter les grandes pistes de saut d’obstacles, comme son père Marcel, son frère aîné Philippe et ses oncles Hubert et Michel Parot, il a fini par l’accepter, l’assumer et surtout par y trouver une véritable source d’épanouissement.
À l’aube de ses cinquante-deux ans, lors d’une soirée d’anniversaire bien arrosée de juillet 2016, le Bacot s’est même lancé le défi dingue de retrouver l’équipe de France. Un pari tenu en moins de deux ans et qui en appelle désormais un autre : participer à son tour aux Jeux olympiques, en 2020 à Tokyo. Pour l’accompagner dans cette épopée, il mise sur Venezia d’Écaussinnes (sBs, Kashmir van’t Schuttershof x Lys De Darmen), une jument au grand cœur et dotée des moyens nécessaires. À Bois-le-Roi, fief des Rozier, cette grande alezane que rien n’impressionne partage son barn avec Star (Holst, Singulord Joter x Caretino), une ravissante petite jument noire. Les deux ont été confiées à son ancien coach par Electra Niarchos, aujourd’hui pleinement consacrée à la gestion du glorieux haras familial de Pur-sang.
« Quand vous vous affublez d’un costume de clown et d’un nez rouge, personne ne peut deviner à quoi vous ressemblez à l’intérieur », écrit pour sa part le romancier américain Stephen King. C’est avec cette vérité en tête, et l’envie de percer quelques-uns de ses mystères, que GRANDPRIX est allé à la rencontre de Thierry Rozier, par un beau matin de novembre à Bois-le-Roi. Au gré d’une balade en forêt et au fil d’une longue discussion menée dans le clubhouse qu’il partage avec son frère, cet être sensible, se définissant lui-même comme « un écorché vif », a tombé le masque comme peu de cavaliers oseraient le faire, n’éludant aucune question. Morceaux choisis.
”Je me suis dit que je n’allais pas rester groom toute ma vie”
GRANDPRIX : Comment vous présenteriez-vous dans un entretien d’embauche ?Thierry Rozier : Je dirais quelque chose du genre : « Faites-moi confiance, même à mon âge avancé, vous ne serez pas déçu ! Donnez-moi ma chance pendant un mois, et je pense qu’il
vous sera difficile de vous séparer de moi. Il y a un petit peu de tout dans mon CV, mais ça va se stabiliser un jour ! Il faut juste que le travail soit en rapport avec le cheval. »
G.P. : Quels souvenirs gardez-vous de vos débuts à cheval ?
T.R. : Pour un « fils de », j’ai commencé très tard à monter, vers l’âge de douze ans. À vrai dire, j’avais peur de l’animal. J’étais passionné, j’accompagnais mon père en concours, j’aimais beaucoup regarder et je connaissais tous les chevaux par cœur, mais j’étais un peu trouillard à l’idée de grimper dessus ! À l’époque, mon père était une idole, très médiatique, si bien qu’il y avait souvent des journalistes en reportage à la maison… et des photographes qui lui demandaient tout le temps de nous mettre à cheval mon frère et moi. Une vraie galère ! Du coup, je partais me planquer en forêt et je piquais des crises de nerfs ! Le déclic est intervenu quand mon père a commencé à entraîner des jeunes cavaliers français comme Patrice Delaveau, Éric Levallois, Bosty… Ils étaient tous de ma génération, et venaient régulièrement en stage à la maison. Moi, je groomais les chevaux de mon frère. À un moment, je me suis dit que je n’allais pas rester groom toute ma vie ! Pour faire partie de la bande, je devais monter à cheval. En quelque sorte, ces garçons m’ont donc aidé à franchir le cap. Je me suis fait violence, et j’ai accroché le wagon d’un seul coup, notamment avec Danseur, mon premier cheval.
G.P. : Il paraît que vous avez également la phobie des oiseaux…
T.R. : Oui, c’est une catastrophe ! Si un moineau rentre dans la pièce, je ne réponds plus de rien… Je crois que j’ai été traumatisé par le film « Les Oiseaux », d’Alfred Hitchcock, quand j’étais petit. Ce que je déteste le plus, ce sont les poules. Avant les Jeux méditerranéens d’Almería, en 2005, Jean-Maurice Bonneau nous avait emmenés dans une volière (au Puy du Fou, en Vendée, ndlr), mes coéquipiers (Patrice Delaveau, Simon Delestre et Olivier Guillon, ndlr) et moi. C’était un vrai cauchemar ! Je n’ai d’ailleurs jamais vu la vidéo qu’Olivier Guillon avait filmé ce jour-là !
Retrouvez l'interview complète dans le numéro de décembre/janvier de GRANDPRIX Magazine, disponible en kiosques.