L’épizootie de grippe équine prend de l’ampleur en France

Dans un contexte de circulation importante de la grippe équine ces dernières semaines en Europe, et en France depuis une quinzaine de jours, de nombreux foyers recensés dans des centres d’entraînement et écuries de Trotteurs et d’un premier cas confirmé chez un cheval de galop, la cellule de crise du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine s’est réunie avant-hier afin d’effectuer un état des lieux de la situation vis-à-vis de la grippe sur le territoire français et définir les recommandations à suivre.



Depuis novembre 2022, les cas de grippe équine se sont multipliés dans plusieurs pays d’Europe du Nord: Royaume-Uni, Pays Bas, Belgique et France. Depuis début décembre, des cas isolés ont été confirmés dans plusieurs départements (Vienne, Loiret), essentiellement au sein de la filière sport et loisirs. Depuis mi-janvier, de nombreux cas ont été signalés dans des centres d’entraînement et écuries de Trotteurs. “Le nombre de cas déclarés et confirmés au Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (RESPE) ne reflète pas cette situation épidémiologique sur le terrain et dénote une sous-déclaration importante des cas de grippe, ce qui a dangereusement ralenti le déclenchement de la cellule de crise et la capacité de réactivité de la filière”, déplore le RESPE dans un communiqué publié hier. Des chevaux confirmés ou suspects sont de fait recensés dans plusieurs zones géographiques (Calvados, Orne, Seine-et-Marne, Alpes-Maritimes, Centre-Est, Région parisienne). “Des liens épidémiologiques ont pu être établis entre certains centres d’entraînement. Des recommandations strictes ont été diffusées par le Trot et des mesures sanitaires ont été mises en place”, ajoute le RESPE.

Les chevaux, même vaccinés, peuvent présenter un pic d’hyperthermie (40°C) qui dure généralement deux ou trois jours, puis toux et jetage. Ces signes cliniques semblent plus sévères chez les jeunes chevaux et équidés arrivant aux dates de rappel. Certains sont aussi asymptomatiques. “Le typage des souches des cas confirmés a permis d’identifier une souche appartenant au Clade 1, comme dans le reste de l’Europe en ce moment. Les souches de Clade 1 ne circulent de nouveau en Europe que depuis 2019 après avoir été absentes pendant une dizaine d’années”, décrit le RESPE.



L’ensemble des rassemblements équestres sous surveillance

Si les courses sont désormais sous haute surveillance, la période actuelle voit débuter la saison de monte toutes races confondues. “Si, pour le moment, aucun cas n’a été signalé ou confirmé au sein de la filière élevage, les mouvements qui vont s’intensifier dans les semaines à venir représentent un risque majeur (rassemblement, brassage de populations différentes, stress, etc.). Des mesures de précaution sont donc vivement recommandées et doivent être appliquées, notamment pour les haras et centres de reproduction, avec vérification stricte du statut vaccinal des chevaux entrants et mise en œuvre autant que possible de la quarantaine à l’introduction”, préconise le RESPE. Les concours et autres évènements équestres vont également se multiplier : le Salon de l’Agriculture, les Salons de présentation d’étalons, meetings sportifs, courses, etc. “Les organisateurs sont invités à appliquer rigoureusement les règlements en vigueur ou, en cas d’absence, à appliquer un protocole sanitaire : vaccination grippe de moins de six mois, suivi de température (avant, pendant et après la manifestation), isolement immédiat en cas d’hyperthermie.”

Concernant la, vaccination, “il est à noter qu’après plusieurs mois de tension dans l’approvisionnement en vaccins contre la grippe, la situation est à nouveau normale. Les stocks sont reconstitués et suffisants. Les vaccins contre le tétanos et contre le tétanos et la grippe ne sont, eux, toujours pas disponibles, mais le rappel contre le tétanos peut être décalé dans le temps”, estime la cellule de crise du RESPE, regroupant l’Association vétérinaire équine française, la Fédération française d’équitation, la Fédération nationale du cheval, France Galop, l’Institut français du cheval et de l’équitation, LABEO Frank Duncombe, la Société française des équidés de travail, la Société hippique française, le Trot, la direction générale de l’Alimentation et le RESPE.



Une défiance des propriétaires et détenteurs en matière de déclaration

“Après une amélioration notable dans le niveau de transparence, la réticence des professionnels vis-à-vis de la déclaration de leurs chevaux malades est à nouveau à la hausse. Cette fois, la défiance semble atteindre également les vétérinaires avec une diminution du nombre de déclarations au RESPE ou du nombre d’analyses de confirmation adressées aux laboratoires d’analyses, en particulier ceux en lien avec le réseau. Cette situation entrave la bonne gestion d’une maladie contagieuse et d’intérêt collectif. Cette sous-déclaration a entraîné un décalage important entre la situation réelle sur le terrain et les indicateurs sanitaires suivis de près par les gestionnaires sanitaires de la filière. Ce retard de réactivité pourrait être préjudiciable tant sur le plan sanitaire qu’économique: diminution du nombre de partants, contraintes renforcées, annulation de manifestations, etc.”, tonne le RESPE.

À ce stade, la cellule de crise invite les organisateurs de rassemblements et les participants, entraîneurs, cavaliers, personnels de soins et autres au respect le plus strict des mesures de prévention et à la mise en place d’un protocole sanitaire des plus rigoureux. “Dans l’intérêt de tous, la cellule de crise recommande également de faire remonter toute suspicion et, surtout tout cas confirmé, via un laboratoire d’analyse ou un test rapide. Pour rappel, les alertes et communications du RESPE garantissent l’anonymat des lieux de détention et des noms des propriétaires et détenteurs d’équidés. Les seules informations diffusées sont celles relatives à l’animal malade, quand elles sont connues (race, sexe, âge et activité) et à son département de détention”, rappelle le RESPE.



La responsabilité de chacun est engagée

Les rassemblements de chevaux (courses, concours, ventes, foires, etc.) sont des lieux propices à la circulation des maladies contagieuses, quelle que soit la situation épidémiologique en cours. Les risques sont d’autant plus importants lors de la circulation avérée de la maladie. Des mesures sanitaires de base sont alors à adopter. Plus un rassemblement regroupe de chevaux, plus le risque est important, d’autant plus si les chevaux viennent de différents horizons avec des statuts sanitaires et vaccinaux différents. “Il est ainsi important de communiquer lorsqu’un foyer se déclare chez soi et surtout de mettre en place des mesures de quarantaine. Cela permet de limiter les risques, mais aussi de sensibiliser l’ensemble des acteurs de la filière sur la bonne gestion du foyer et sur les conséquences possibles de l’épizootie”, martèle le RESPE.

La grippe n’est pas une maladie réglementée, excepté pour les rassemblements et certains règlements spécifiques (courses, monte, etc.). Les services de l’État ne peuvent pas imposer de mesure de gestion particulière. Il en va donc de la responsabilité de chacun d’évaluer les risques pour son ou ses chevaux. Pour rappel, selon l’article L228-3 du Code Rural, “le fait de faire naître ou de contribuer volontairement à répandre une épizootie chez les vertébrés domestiques […] est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75.000 euros. La tentative est punie comme le délit consommé. Le fait, par inobservation des règlements, de faire naître ou de contribuer à répandre involontairement une épizootie dans une espèce appartenant à l’un des groupes définis à l’alinéa précédent est puni d’une amende de 15.000 euros et d’un emprisonnement de deux ans.”