“Une réaction est attendue de la part de la FFE”, Emeric George

Si la Fédération française d'équitation n'a pas encore officialisé sa fin de collaboration avec le sélectionneur national Philippe Guerdat, les messages de remerciements pleuvent depuis hier. Souhaitant recentrer et élever le débat, Emeric George a tenu à réagir à cette possible éviction, à laquelle il s'oppose autant que ses coéquipiers.



“L’éviction de Philippe semblait évidente il y a quelques jours, voire il y a quelques heures, mais je ne sais pas si c’est toujours le cas à l’heure actuelle. J’ai partagé l’interview de Kevin Staut ce week-end car il est le porte-parole le plus emblématique et qu’il reflète bien notre état d’esprit collectif. Évidemment, nous regrettons tous le fond, que nous jugeons injustifié, mais la forme est aussi dommageable lorsqu’on considère ce que Philippe Guerdat a donné à l’équipe de France.
 
Pour la suite, je me dis que cet élan des cavaliers et de l’ensemble de la planète équestre peut être l’électrochoc que le président de la Fédération française d’équitation attendait. Comme l’a dit Kevin, notre conversation a été constructive lors de la réunion qu’il a convoquée. Serge Lecomte a reproché à l’ensemble des cavaliers un manque de résultats ces derniers mois, et en effet les Français sont moins bien placés en haut du classement mondial Longines, et nos performances sont moins probantes. Mais ce constat n’est pas vrai pour tous car de plus en plus de Français sont dans le top deux cent cinquante mondial. On ne fait pas que descendre, il y a simplement des évolutions de carrières liées à tout un tas de facteurs. Certains propriétaires investissent moins, il y a des méformes passagères mais aucune explication globale ne peut être donnée puisque plusieurs facteurs entrent parfois en ligne de compte pour chaque cavalier. Le constat de Serge Lecomte n’est pas illégitime, il attend des performances et la concrétisation d’objectifs comme la qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020.
 
À la base, le but de cette réunion de cavaliers était de trouver des solutions à cette méforme, mais le sujet a été recentré autour de Philippe Guerdat, parce que nous sentions bien les crispations qui existaient au sein du staff fédéral. Il y avait clairement un malaise donc le débat s’est recentré là-dessusÉvidemment, lorsqu’une équipe traverse une période de creux, changer d’entraîneur peut être une solution. On le voit dans le football, lorsqu’il y a des tensions avec le staff ou le président, l’entraîneur est souvent le premier fusible. En l’occurrence, cette solution n’a pas été retenue par l’ensemble des cavaliers.


“L’élan des cavaliers doit rester le plus important”

En réalité, je crois que le débat se doit d’être constructif. Le soutien qui se crée autour de Philippe doit lui faire chaud au cœur, et produira peut-être un électrochoc à la Fédération, qui pourrait revoir sa décision. Lorsque nous sommes sortis de la réunion, nous avons senti que le départ de Philippe était déjà bien engagé. Toutefois, tant que ce n’est pas acté, on imagine toujours qu’un revirement est possible. On ne connaît pas les raisons de cette très probable décision, mais on les devine. Je ne sais pas si Philippe pourrait revenir aux affaires après cette période difficile pour lui. En revanche, on assiste à un acte fondateur et une réaction est attendue de la part de la FFE. 
 
Concernant les objectifs à court terme, qui se cristallisent autour de la qualification olympique que la France pourrait décrocher l’an prochain aux championnats d’Europe de Rotterdam ou lors de la finale mondiale de la Coupe des nations Longines, Philippe me semble être la personne idéale pour les atteindre. Il prend le temps pour tous ses cavaliers, il est très à l’écoute. Il m’est déjà arrivé d’avoir un souci technique avec un cheval qui ne concourait pas en équipe de France, et il m’a donné un coup de main avec plaisir. Pas plus tard que lundi, je lui ai envoyé ma vidéo du Grand Prix CSI 4* de Salzbourg que nous avons pu débriefer ensemble. Ses analyses techniques sont toujours pertinentes. Pour autant, il ne peut pas devenir l’entraîneur privé de quarante cavaliers. Comme l’a dit Alexis Deroubaix, Philippe a donné sa chance à ceux qui se donnent les moyens d’y arriver. 
 
Franchement, je ne comprends pas et je crois que le niveau d’incompréhension est à la hauteur des réactions que cette décision suscite. La sélection pour les Jeux équestres mondiaux de Tryon a été saluée par tous. Évidemment il y a des hauts et des bas dans chaque équipe. Cela se vérifie dans tous les autres sport: l’équipe allemande de football a été sacrée championne du monde en 2014 mais n’a pas franchi le premier tour cette année. Même chose pour la natation française, qui raflait tout il y a dix ans mais qui n’obtient plus de médailles. Le rythme de renouvellement n’est pas le même, mais quand cela va moins bien, il faut simplement redoubler d’efforts. 
 
La situation est certainement délicate pour la FFE mais je pense et j’espère que l’on pourra tirer du positif de cette période. Face à nos messages, ils ont l’opportunité de nous comprendre et de nous écouter car l’élan des cavaliers doit rester le plus important. Je crois que la fédération peut encore sortir de cette situation la tête haute, malgré les incompréhensions. Critiquer Serge Lecomte n’apportera rien de constructif, la solution se trouve certainement dans la prise de considération de notre élan. Pourvu que cela débouche sur quelque chose de positif. Une chose est sûre, cette situation a soudé les cavaliers comme ils l’ont rarement été.”