Changement climatique et exigence de bien-être, deux justes raisons de se réinventer
Il est indéniable que le dérèglement climatique et le bien-être animal sont les deux plus grands enjeux auxquels doivent faire face les sports équestres, mais aussi l’élevage de chevaux de sport. Si les avis divergent sur tel ou tel aspect de ces sujets, les professionnels et passionnés n’ont désormais d’autre choix que d’intégrer ces préoccupations et réfléchir à des solutions durables pour la pérennité de ces activités. Tels sont les thèmes développés dans l’Édito du Hors-série élevage de GRANDPRIX, en kiosques depuis hier.
Une année de tous les records. Selon Météo France, 2022 a été la plus chaude jamais mesurée en France métropolitaine. Le réchauffement climatique ne fait que s’accentuer puisque huit des dix années les plus torrides depuis 1900 ont été enregistrées entre 2011 et 2022. Ce phénomène, plus personne ne peut désormais l’ignorer. Pour ne pas s’en rendre compte ou refuser d’admettre l’urgence de prendre des mesures drastiques pour tenter d’inverser la tendance ou, a minima, d’en atténuer les conséquences, il faudrait avoir perdu toute sensibilité ou faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Si le niveau des températures monte, hélas, celui des nappes phréatiques ne fait que baisser. Après cette année 2022 exceptionnelle, 2023 ne débute pas sous de bons auspices puisqu’au moment où ce hors-série passait sous presse, la France enregistrait un record du nombre de jours – plus de trente-deux – sans pluie hivernale conséquente.
Comme toutes les autres filières agricoles, l’élevage de chevaux de sport est déjà impacté par ces bouleversements météorologiques, et le sera sûrement davantage encore à l’avenir. Déficit de production herbagère, hausse des coûts des matières premières, cycles ovariens des juments plus irréguliers, avortements plus nombreux, réactions au soleil, apparition d’autres formes de parasitisme, émergence de plantes toxiques pour les équidés, etc. Ces phénomènes, les éleveurs les constatent déjà sur le terrain. Dans de nombreuses régions, en France et ailleurs, il devient de plus en plus compliqué d’exercer cette activité dans des conditions correctes, si bien que la migration climatique entre désormais dans le champ des possibles. Comme Henry Brugier, dont l’affixe d’Adriers était pourtant fortement associé à la région du Limousin, certains éleveurs ont déjà choisi de venir s’installer au nord de la Loire, où l’herbe est encore assez abondante et riche, même si les impacts du réchauffement climatique y sont également de plus en plus perceptibles.
Aussi préoccupante soit la situation, des solutions peuvent être trouvées pour pallier certains effets néfastes : recherche de nouvelles variétés prairiales adaptées aux fortes chaleurs et à la sécheresse, meilleure gestion des pâtures et de l’eau, évolution des méthodes d’élevage, adaptation des installations, baisse des émissions de gaz à effet de serre de la filière, sobriété énergétique, etc. Ces réflexions, et surtout les actions qui doivent en découler, concernent toute la filière équine. Pour atténuer les impacts présents et à venir, chacun peut – sinon doit – prendre part à l’effort, tel le colibri qui, selon la légende amérindienne, va au fleuve, met de l’eau dans son bec et vient jeter les quelques gouttes recueillies pour éteindre les flammes dévorant la forêt. Pour autant, on ne gagnera pas cette bataille sans une réelle volonté collective, portée par les stud-books, les associations d’élevage et les instituts publics, et relayée auprès des élus locaux, régionaux, nationaux et européens, qui seuls peuvent définir des objectifs contraignants et mettre en oeuvre des mesures fortes pour tenter de sauver ce qui peut l’être. Ce n’est pas parce que les grands de ce monde n’ont pas réussi à inverser la vapeur après vingt-sept COP sur le climat qu’il faudrait laisser le paquebot foncer vers l’iceberg. Il en va de la survie et du bien-être de tous.
Le bien-être, en voilà un autre sujet dans l’air du temps, dont la filière élevage doit se saisir. Comme on a pu le constater lors de plusieurs rassemblements équestres hivernaux, y compris au Jumping international de Bordeaux, début février, les activistes de la « cause animale » se montrent de plus en plus virulents, et l’opinion publique, de plus en plus sensible au respect du bien-être animal, ce qui est vertueux en soi. Il n’est évidemment pas question de renoncer à produire des chevaux, ni à les former, les valoriser et les vendre, mais bien de le faire, à tous les égards, dans le respect de leur intégrité physique et mentale. Bien-être et changement climatique sont étroitement liés, puisque les équidés souffrent également du réchauffement, et il est plus que jamais du devoir de tous les détenteurs de leur garantir des conditions de vie, de travail et de transport adaptées à cette nouvelle donne.
La saison des poulinages battant son plein, souhaitons aux poulains de l’année tout le bien-être du monde, et à tous les éleveurs de les faire… bien naître.