“Quand nos chevaux sont épanouis, ils sont bien plus performants”, Chiara Autin

Gagnante début mars du CCI 3*-S de Montelibretti en Italie, avec son cheval de tête et de cœur Urban Legend Blues (AA, Cook du Midour x Quatar de Plapé), Chiara Autin a démarré la saison 2023 en grande forme. La jeune cavalière de vingt-deux ans, médaillée d’or par équipe aux championnats d’Europe Juniors de Fontainebleau en 2018, est aujourd’hui installée près de Limoges, dans les écuries de Pierre Defrance et Aurélie Riedweg. L’Auvergnate d’origine revient sur ses moments de doutes à la suite de la convalescence de son fidèle gris, et évoque ses objectifs 2023 ainsi que ses ambitions pour l’avenir. Elle partage également sa vision en matière de bien-être animal mais évoque également les enjeux climatiques. 



Comment allez-vous en ce début de saison ? 

Je suis très contente d’avoir repris les concours. L’année dernière, je ne suis pas beaucoup sortie car Urban était blessé et je n’ai pas réussi à trouver d’autres chevaux pour courir les épreuves que je voulais faire. Cette année Urban est vraiment de retour et j’ai trouvé d’autres chevaux pour prendre aussi la relève. 

Qu’était-il arrivé à Urban ? 

Il s’était fait une tendinite à la suite des championnats d’Europe Jeunes cavaliers de Segersjö, en Suède, en fin août 2021. Il s’en est vite remis, mais j’ai pris le temps pour que ça se consolide bien et qu’il reparte sur de bonnes bases. J’avais repris le travail l’année dernière, et fait trois épreuves : un CCI 1*, un CCI 2* et une Pro 2, histoire de le remettre en route, mais sans chercher à le classer. J’ai ensuite profité de la trêve hivernale pour le remettre plus sérieusement au travail et se redonner l’objectif de faire des classements. Il a très bien réagi et est d’ailleurs revenu en très grande forme cette saison. Il est prêt à rattaquer les prochains concours. 

Vous avez très bien commencé l’année avec notamment une victoire à Montelibretti, en Italie, dans le CCI 3*-S. Comment s’est passée cette épreuve ? 

J’ai couru la tournée (le Prosecco Tour, ndlr) qui s’étale sur trois semaines, avec deux week-ends de compétition, ce qui laisse un peu plus d’une semaine aux chevaux pour récupérer. C’était la première fois que je me rendais à Montelibretti, je n’avais jamais eu l’occasion d’y aller. Comme je travaille désormais avec Aurélie Riedweg et Pierre Defrance et qu’ils s’y rendaient, je les ai suivis. C’est un format très intéressant car il permet de bien redémarrer et de remettre les chevaux en route. Nous avons couru le premier week-end tranquillement, j’avais engagé le CCI 2* pour qu’Urban fasse une épreuve assez abordable et il l’a couru très facilement. Il termine sixième sans trop d’efforts. Le deuxième week-end, je l’ai engagé dans le CCI 3*-S ; il a extrêmement bien déroulé le dressage, le travail de cet hiver a vraiment payé et j’en suis très contente. Il s’est ensuite très bien comporté sur les barres, comme à son habitude car il veut toujours bien faire. Enfin concernant le cross, il avait beaucoup plu le premier week-end donc le terrain était un peu gras, et malgré le très bon travail des organisateurs, le sol était encore assez lourd. Urban, qui n’aime normalement pas ce genre de terrain, n’a pas été perturbé plus que ça et j’en suis très contente.  

Il semble en effet que la première semaine à Montelibretti ait été un peu gâchée par la météo… 

Le premier jour, durant lequel tous les tests de dressage et de saut se sont déroulés, il n’y a pas eu une minute sans pluie. Devant les boxes et même à l’intérieur, tout était inondé. On ne pensait même pas pouvoir courir le cross tant il avait plu. Néanmoins, les organisateurs ont donné des copeaux pour mettre dans les boxes, et pour ceux qui, comme moi, avaient les boxes les plus inondés, ils nous ont déplacés. Le premier week-end n’était en effet pas très agréable ! (rires) Il a ensuite fait beau le reste de la semaine, ce qui a permis au terrain de sécher un peu. Après ça, nous étions ravis d’être en Italie !

Comme vous l’avez évoqué, vous travaillez désormais avec Aurélie Riedweg et Pierre Defrance. De quand date le début de cette collaboration et comment se déroule le travail ? 

Je travaille avec eux depuis le début de l’année. Ils me forment avec mes chevaux, et en parallèle, je monte leurs chevaux de commerce. J’en avais notamment deux à eux à Montelibretti. Ils me font monter des jeunes, sortir en saut d’obstacles et ont aussi des chevaux de dressage, ce qui me permet de me former sur les trois disciplines. Leurs écuries, situées à Limoges, sont vraiment top. Il y a tout ce qu’il faut pour travailler et les chevaux passent la plupart de leur temps au paddock, ce qui est très bon pour leur moral. En comparaison avec d’autres écuries où je suis allée et où les chevaux ne sortaient pas beaucoup dehors, je remarque que ces derniers sont bien mieux dans leur tête et cela se ressent dans le travail.

Quels sont vos objectifs cette année avec Urban ? 

L’objectif est de prendre part à quelques 4* afin de le lancer dans ce genre d’épreuves et que je prenne de l’expérience. Le but est aussi de nous préparer pour Bramham l’année prochaine (ou se tient le championnat du monde des cavaliers de moins de vingt-cinq ans, ndlr). J’avais déjà couru un CCI 4*-S avec un cheval que je ne monte plus aujourd’hui (au Pouget en novembre 2021 avec Carlton de Laye, ndlr), donc ce serait une première avec Urban. Je le monte depuis qu’il a quatre ans, et il en a aujourd’hui quinze. Nous avons vraiment évolué ensemble, j’avais onze ans quand j’ai commencé à le monter. Je commençais tout juste le complet et j’avais seulement fait une saison en amateur 3 ou 2 avec un cheval qui n’était pas du tout adapté pour faire du complet, il n’aimait vraiment pas le cross. (rires) Avec Urban, nous avons donc vraiment découvert ce sport ensemble et je suis très contente du chemin que nous avons parcouru jusque-là. J’aimerais donc beaucoup courir Bramham car cela clôturerait une belle histoire ! 

Chiara Autin et Urban Legend Blues lors du cross de Montelibretti.

Chiara Autin et Urban Legend Blues lors du cross de Montelibretti.

© A.W. Fotografia



“Après la saison dernière, je me suis posé des questions”

Chiara Autin et Urban Legend Blues lors du dressage de Montelibretti.

Chiara Autin et Urban Legend Blues lors du dressage de Montelibretti.

© A.W. Fotografia

Rêvez-vous de courir des CCI 5*-L ou de prestigieuses échéances comme les Jeux olympiques ? 

Aujourd’hui, je recherche justement de nouveaux chevaux avec qui je pourrais un jour courir de belles épreuves dont des CCI 5*-L, comme ceux de Badminton et Burghley. Forcément, les Jeux olympiques sont un rêve mais le chemin est encore long avant d’y parvenir, donc je serais déjà ravie d’être sélectionnée un jour pour des championnats d’Europe ou du monde. L’échéance olympique reste un objectif à long terme, mais pour cela, il faut trouver le bon cheval. C’est pour cela que je cherche ! 

Faites-vous des études en parallèle de votre carrière sportive ? 

Je me consacre désormais entièrement au cheval car j’ai essayé de faire des études, mais pour moi, gérer toute seule mes cours et une écurie en même temps n’était pas compatible. J’ai donc mis les études de côté, mais si à l’avenir j’ai plus de temps, peut-être que je reprendrai. On dit toujours de prévoir un plan B au cas où il nous arrive quelque chose, mais si ça devait arriver, je trouverais autre chose à faire en lien avec les chevaux car il y a tellement de métiers différents dans la filière équestre. Je ne me vois pas choisir une autre voie. Même si dans les moments difficiles, on pense toujours qu’on n’y arrivera jamais, que c’est trop dur, en définitive, on ne baisse pas les bras. 

Avez-vous traversé de telles périodes de doute ? 

Après la saison dernière, je me suis posé des questions. L’équitation est un sport très couteux et mes parents ne sont pas du tout de ce milieu, je me suis donc demandé si j’allais y arriver par mes propres moyens. N’ayant pas grand monde qui m’entourait, je ne savais pas trop quelle route prendre. Juste après les championnats d’Europe, j’ai quitté les écuries de Lignières et me suis rendue dans d’autres structures qui ne m’ont pas forcément aidé à cheminer vers le haut niveau. Je me suis alors questionnée mais je suis aujourd’hui persuadée qu’entourée des bonnes personnes, il est possible de réussir et je continue de travailler à fond pour y arriver. 

L’accès au plus haut niveau est-il selon vous difficile sans être issu du sérail ? 

Il est possible d’y arriver, mais je pense qu’il faut travailler deux fois plus dur que les autres. Il faut surtout parvenir à s’entourer des bonnes personnes et c’est cela le plus compliqué. Quand on est bien entouré, beaucoup de choses deviennent possibles et j’ai notamment pu avancer sans avoir de gros moyens. Il faut également beaucoup de motivation !

Y a-t-il des cavaliers qui vous inspirent ? 

Il n’y en a pas un en particulier, mais j’admire tous les cavaliers allemands ou anglais qui sont très réguliers depuis des années et qui sont présents à tous les CCI 5*-L, les championnats et les échéances olympiques. 

Comme Zazie Gardeau, partie en Angleterre chez Andrew Nicholson, ou encore Lisa Gualtieri, toujours installée en Allemagne après avoir passé l’hiver chez Dirk Shrade, avez-vous déjà envisagé de partir prendre de l’expérience chez un cavalier étranger ? 

Je trouve cela très intéressant pour engranger de l’expérience et j’avais envisagé de le faire avant de venir m’installer chez Pierre et Aurélie, mais ayant pas mal de chevaux au travail, cela me paraissait compliqué. Avec sept chevaux à mes côtés, ce n’est actuellement pas possible pour moi. Pour l’instant, je suis très bien chez Aurélie et Pierre et je pense qu’ils ont beaucoup à m’apprendre. 

À vingt-deux-ans, vous représentez la jeune société. Pensez-vous que votre génération est plus engagée en matière de bien-être animal ? 

Oui, je pense. Les autres générations l’étaient surement, mais pas de la même manière. Ma génération est aujourd’hui obligée de faire dix fois plus attention avec les mouvements animalistes. Pour les non-initiés, certaines choses peuvent paraître choquantes, mais les chevaux sont nos coéquipiers, pas des objets que nous utilisons. Nous vivons avec eux et leur bien-être nous importe énormément. Par ailleurs, ma génération a également envie de faire plus attention. Nous faisons de plus en plus passer le bien-être de nos animaux avant le nôtre. Lorsque son cheval vit au pré, ce n’est pas toujours très drôle quand on le récupère plein de boue, mais il est plus heureux ainsi et c’est ça qui compte. Par ailleurs, quand nos chevaux sont épanouis, ils sont bien plus performants ! Quand Urban était dans des écuries où il ne sortait pas beaucoup dehors, il n’était pas bien ; ni dans son corps, ni dans sa tête, et les conséquences de ce mal-être se sont rapidement fait sentir dans ses performances. Sur un cross, lorsqu’un obstacle se présente mal, un cheval qui n’a pas le moral va préférer passer à côté que de tenter le coup. 

Vous sentez-vous également appartenir à une génération soucieuse du dérèglement climatique ? 

Oui, je m’intéresse pas mal à ce sujet-là. Même si les réseaux sociaux ne véhiculent pas que des vérités, ils nous permettent de nous renseigner sur ces sujets. Il y a pleins de choses que l’on peut faire, même à petite échelle. Dans le monde du cheval, je pense que nous pouvons améliorer des choses pour tendre vers un système plus durable pour la planète. Tout ne changera pas du jour en lendemain, mais dans quelques années, nous arriverons à mettre des choses en place. C’est important car il s’agit de notre futur. Par exemple, même si je ne connais pas aujourd’hui de solution alternative, je suis consciente que dans les sports équestres, nous sommes amenés à beaucoup rouler avec nos camions, ce qui n’est pas idéal sur le plan écologique. Il est important de s’interroger sur le sujet car c’est en se posant des questions que nous avancerons. 

 



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