Simone Pearce, l’Australienne partie de rien qui côtoie les sommets

Du 5 au 8 avril, Simone Pearce disputera à Omaha sa première finale de la Coupe du monde. Après les Jeux olympiques en 2021 puis les championnats du monde en 2022, c’est donc un nouveau grand championnat que découvrira l’Australienne de trente et un ans. Parvenue au plus haut niveau à force de courage et de travail, la cavalière se rendra dans le Nebraska avec Fiderdance, un étalon du Gestüt Bonhomme, qu’elle a rejoint début 2021. Retour sur le parcours d’une jeune femme ambitieuse et déterminée. 



Il faut beaucoup de courage pour laisser derrière soi tout ce que l'on connaît et traverser la planète à la poursuite d’un rêve. À seulement dix-huit ans, Simone Pearce l’a fait! Née dans le Victoria rural, “un peu au milieu de nulle part”, où elle vivait avec sa famille dans une ferme dédiée à l’élevage de moutons, la jeune femme a toujours eu des chevaux dans sa vie. “Nous avons grandi en réformant des chevaux de course, se souvient-elle. Je faisais du poney-club, mais aussi un peu de show avec des Pur-sangs, du campdrafting (discipline de tri de bétail, ndlr), du barrel-racing, … Bref, tout ce dont on peut rêver. J’ai cependant toujours aimé le dressage lorsque j’en regardais à la télévision. À quatorze ans, j'ai eu un Pur-sang et ai décidé de le former dans cette discipline. Nous avons évolué jusqu'au niveau du Prix St Georges, et c'est ainsi que j'ai vraiment commencé à comprendre ce sport et progresser. Pour autant, lorsque j'ai déménagé en Europe, je n'étais pas du tout une cavalière de dressage.” 



Le hasard fait bien les choses

Ainsi, celle qui était également mannequin à son atterrissage sur le Vieux Continent s’est retrouvée un peu par hasard chez Johan et Penny Rockx, qui dirigent à Roosendaal, aux Pays-Bas, une écurie de compétition et de commerce de chevaux de dressage... “J’avais fait une recherche Google ‘emplois en Europe dans le monde équestre’, et leur structure est apparue”, s’amuse aujourd’hui l’Australienne. Arrivée en tant que stagiaire, elle consacre une grande partie de ses journées aux corvées d’écurie. “Cependant, les Rockx me laissaient un peu monter, et au bout de quelques semaines, ils m’ont dit ‘eh, tu n’es pas si mauvaise’. [...] Vers la fin de la période que j’ai passée chez eux, ils m’ont affirmé que je pouvais probablement réussir en tant que cavalière et m’ont conseillé de chercher un vrai poste.” 

Six mois plus tard, elle commence à travailler pour l’écurie de commerce de Sabine Rueben, en Allemagne, en y montant de jeunes chevaux. La formation de ceux-ci est devenue la carte de visite de Simone Pearce, qui n’a pourtant jamais suivi de cursus dans ce domaine. “C'est peut-être un mal pour un bien, car cela permet de développer ses propres sensations avec chaque cheval, considère-t-elle. Je suis autodidacte. Bien sûr, j'ai pris quelques leçons, mais je n'ai jamais eu d'entraîneur, et je pense qu’avoir commencé de cette manière, en apprenant tout en m’amusant, m’a sauvée en Europe, car j'ai toujours dû me débrouiller toute seule.” D’ailleurs, lors de la finale de la Coupe du monde à Omaha la semaine prochaine, l’Australienne n’aura pas non plus de coach. “Ce n’est pas parce que je n’en veux pas, mais simplement parce que dans toutes les écuries pour lesquelles j’ai travaillé jusqu’ici, c’est à moi de régler les problèmes des chevaux, pas à mes employeurs de payer pour régler les miens”, pose-t-elle. Bien qu'elle dispose maintenant d’un bon nombre de chevaux d’âge, Simone Pearce apprécie toujours autant s'occuper des jeunes montures, “parce que j'aime tout ce qui touche à l'équitation et faire évoluer les chevaux à n'importe quel niveau en fait partie. Je ne viens pas d’un milieu aisé, alors à chaque fois que j'ai l'occasion de monter un cheval sympa, quel que soit son âge, j'en suis très reconnaissante.” 



Un passage par le Danemark

Après avoir travaillé pour Sabine Rueben, la meilleure cavalière océanienne actuelle de dressage a rejoint le Gestüt Sprehe, toujours en Allemagne. “J’ai pu y monter un étalon d’âge, qui est, je crois, le premier cheval que j’ai présenté au St Georges, se remémore-t-elle. Il a été vendu à l’écurie Platinum, aux Pays-Bas, et ses nouveaux propriétaires m’ont proposé de devenir leur cavalière principale”, ce que l’amazone désormais âgée de trente et un ans a accepté. Lors de la liquidation de la structure néerlandaise, le magnat du dressage Andreas Helgstrand est venu voir quelques chevaux et a proposé à la cavalière de travailler pour lui, au Danemark. Pas forcément convaincue par cette idée, elle a changé d’avis lorsque l’écurie Platinum a fermé ses portes. “J'avais dit que je viendrais pour un an seulement, mais je pense que je suis restée au sein des écuries Helgstrand pendant trois ou quatre années, indique-t-elle. Il faut dire que les chevaux là-bas sont extraordinaires et Severo (Jurado Lopez, notamment cinquième des Jeux olympiques de Rio avec Lorenzo en 2016, ndlr) ainsi que d'autres cavaliers incroyables y étaient en même temps que moi, alors j'ai beaucoup appris.” 

Par la suite, la jeune femme a cependant senti qu'elle devait quitter la grande entreprise danoise si elle voulait réaliser son rêve de longue date: évoluer à haut niveau. “Ce qui m'a permis d'arriver là où j’en suis aujourd'hui, c'est d’être prête à prendre des risques dans ma carrière, et à voir quand il est temps de passer à l'étape suivante, martèle-t-elle. Il n'y a pas tant de cavaliers que cela qui viennent d'un milieu peu aisé et étranger au monde équestre [...] et qui atteignent le haut niveau, parce qu'ils sont coincés, qu'ils ne sont pas assez courageux pour bouger, ou pour d’autres raisons encore. En ce qui me concerne, j'ai toujours pensé que je devais tout donner, parce que personne ne viendrait me chercher. J'aurais pu monter des beaux chevaux et faire des choses ‘sympas’, mais si je voulais devenir une cavalière internationale de haut niveau, je devais trouver une autre voie.” 



Une première expérience olympique

En 2021, Simone Pearce a pris part à ses premiers Jeux olympiques à Tokyo avec Destano

En 2021, Simone Pearce a pris part à ses premiers Jeux olympiques à Tokyo avec Destano

© Scoopdyga

Simone Pearce est donc retournée au Gestüt Sprehe, pour y rester cette fois pendant quatre ans. Associée à Destano (Han, Desperados x Brentano II), un reproducteur appartenant au haras allemand, la cavalière a pu prendre part en 2021 à ses tous premiers Jeux olympiques, terminant trente-sixième du Grand Prix avec une moyenne de 68,494%. Sa plus belle performance avec l’étalon noir est arrivée quelques semaines plus tard, lorsque tous deux ont pris la deuxième place du Grand Prix Spécial du CDIO 5* d’Aix-la-Chapelle, leur note de 73,426% n’ayant été dépassée que par la double championne olympique Jessica von Bredow-Werndl aux rênes de Ferdinand BB. 

Il y a dix mois maintenant, l’Australienne a rejoint le Gestüt Bonhomme, situé à environ quarante-cinq minutes de Berlin. Quitter Destano n'a pas été facile, “mais chez Sprehe, je n'étais pas la cavalière principale, alors lorsque Lena Waldmann, la précédente cavalière du Gestüt Bonhomme, est partie, j'y ai vu une belle opportunité.” C'est ainsi qu'a débuté son partenariat avec l'étalon Fiderdance (Old, Fidertanz x Blue Hors Don Schufro), qu'elle montera à Omaha. “Il a quatorze ans, mais il est comme Benjamin Button, il rajeunit de jour en jour, s’amuse l’Océanienne. Il est très frais! Il est très gâté et il le sait. Il est vraiment mignon et a l’air détendu, mais en piste, c’est un vrai feu d’artifice! Nos débuts étaient un peu fous parce que [lorsque je suis arrivée au Gestüt Bonhomme] je n'avais qu'un mois pour me qualifier pour les championnats du monde de Herning. Je n’ai monté Fiderdance que pendant deux semaines avant notre premier concours international, et disons que là-bas, nous avons survécu, mais pas de la manière la plus glorieuse (le couple a terminé le Grand Prix puis le Spécial du CDI 3* d’Olomouc, en République tchèque, avec des moyennes de 69,761% puis 69,213%, ndlr). Notre couple a évolué très vite par la suite.” 



Une belle saison 2022

Seizièmes du Grand Prix, onzièmes du Spécial puis quinzièmes de la Libre au CDIO 5* d’Aix-la-Chapelle au début de l’été avec des moyennes de 72,261%, 72,936% et 74,920%, tous deux ont ensuite terminé dix-neuvièmes de la première épreuve et vingt-cinquièmes de la seconde aux Mondiaux de Herning, récoltant des notes de 73,463% et 72,584%. “Pendant la saison hivernale, nous avons disputé quelques beaux concours”, explique Simone Pearce, septième des étapes de la Coupe du monde de Londres et Neumünster, où elle a présenté une Libre évaluée à 78,045%.? “Nous avons été surpris d'être invités à participer à la finale, mais c'est une chance inouïe et nous sommes très heureux d'y aller, ajoute-t-elle. Nous sommes en bonne forme et ferons de notre mieux. Mon cheval est un peu chaud en indoor avec de la musique, alors nous verrons comment cela se passera!” 

Cette finale de la Coupe du monde sera très émouvante pour toutes les personnes liées au Gestüt Bonhomme. Simone est en effet arrivée au sein du haras brandebourgeois à un moment très difficile. “Malheureusement, la propriétaire de la structure, Evelyn Gutman, est décédée le jour où j'ai commencé à travailler ici, rappelle l’Australienne. C'était l'une des personnalités les plus célèbres du monde de l'élevage en Allemagne.” Comme un signe, la mère de la fondatrice du haras brandebourgeois fêtera son quatre-vingt-dixième anniversaire le jour de la Libre de la finale de la Coupe du monde. 



L’importance de l’entourage australien

Lorsqu’on l’interroge sur ses modèles dans le dressage, Simone Pearce mentionne la star britannique Carl Hester, qu’elle considère comme “le meilleur cavalier et entraîneur au monde.” Sa compatriote australienne Lyndal Oatley, qui a déjà participé par deux fois aux Jeux olympiques et est basée près de Münster, en Allemagne, avec son mari Patrik Kittel, occupe également une place spéciale dans son cœur. “Elle a été là pour moi dès le départ, lorsque j'ai commencé à avoir du succès en tant que cavalière de Grand Prix, se rappelle-t-elle. Elle est à mes côtés et me soutient énormément, d'autant plus que je n'ai pas de famille dans le sport, ni d'entraîneur ou qui que ce soit d'autre.” La cavalière est aussi reconnaissante envers sa groom australienne, Emily Readave. “Elle est avec moi depuis six ans et c'est elle qui m'a poussée à croire en moi, alors je lui dois un grand merci”, dit Simone. 

“Je pense que ma vie est une leçon pour toutes les petites filles: vous n'avez pas besoin d'argent ou de quelqu'un de particulier derrière vous, martèle la cavalière. Si vous vous lancez vraiment, tout est possible! Toute ma carrière est tellement inattendue que j’ai l’impression de faire mentir toutes les probabilités. J’ai de la chance d’en être arrivée là où je suis aujourd’hui. Pour moi, c’est juste un rêve de participer aux Jeux olympiques, aux Mondiaux, et maintenant à la finale de la Coupe du monde.”