À moins de cinq cents jours des Jeux de Paris, les dresseurs français ont amorcé leur “plan de bataille”
Les cavaliers français de dressage du haut niveau ont célébré Pâques de façon studieuse lors du stage qui leur était consacré dans les installations du parc Fédéral de Lamotte-Beuvron. Du 8 au 10 avril, les couples à potentiel pour les échéances à venir, comme les championnats d’Europe 2023 de Riesenbeck (du 5 au 10 septembre) et surtout les Jeux olympiques de Paris 2024 (qui auront lieu dans moins de 500 jours), mais aussi les duos plus jeunes et orientés vers l’avenir, ont travaillé leur début de saison avec différents intervenants.
“Nous avons mis en place un vrai ‘plan de bataille’”, Jean Morel
Alexandre Ayache, Pauline Basquin, Marc Boblet, Bernard Bosseaux, Stéphanie Brieussel, Maxime Collard, Camille Judet-Chéret, le commandant Guillaume Lundy, Jessica Michel-Botton, Corentin Pottier et Arnaud Serre ont été invités à prendre part à un stage fédéral des 8 au 10 avril. Cette réunion a proposé plusieurs axes de travail, avec en priorité des séances montées sous l’œil de l’entraîneur belge Jan Nivelle, de la préparation physique, mais aussi mentale en s’orientant sur la cohésion du groupe. Les cavaliers tricolores ont rencontré le médecin fédéral, un podologue-posturologue, et ont pris part à des réunions individuelles avec le staff fédéral pour envisager les directions à donner à leurs saisons. Le dernier jour de la rencontre a permis aux participants de tracer une reprise sous l’œil aguerri de deux juges étrangers internationaux 4/5 étoiles, Susanne Baarup et Clive Halsall, et de bénéficier de leurs commentaires en direct.
Tirant le bilan de cet accompagnement, le sélectionneur national, Jean Morel détaille : “dans cette préparation orientée vers les JO, en passant par l’étape des championnats d’Europe de Riesenbeck, on a pu voir tout le monde, discuter avec chacun, voir leur motivation. Nous avons aussi envisagé avec les cavaliers la possibilité de leur fournir des aides par rapport à leurs entraîneurs. Nous avons mis en place un vrai ‘plan de bataille’ qui a été acté par tous, mais rien n’a été imposé. Nous sommes dans la mise en route pour les Jeux olympiques et avons beaucoup de chevaux d’avenir, qui ont été inclus dans ce groupe. Je pense aux chevaux d’Arnaud Serre, de Marc Boblet, d’Alexandre Ayache... Il est important de décider aussi avec eux d’une ligne directrice”. À dix-huit mois de l’échéance, le sélectionneur envisage donc de travailler avec un groupe élargi.
“C’était un moyen de rassembler tout le monde, de commencer à créer un groupe”, ajoute Jean Morel. Notons l’absence remarquée de la cheffe de file du dressage français, Morgan Barbançon Mestre, tout juste rentrée de la finale de la Coupe du monde d’Omaha avec Sir Donnerhall II.
“Nous avons pu travailler dans un endroit exceptionnel et vraiment pratique. Il est certain que la tension va monter chez les cavaliers à mesure que nous nous rapprocherons du rendez-vous parisien. Il va donc nous falloir être très clair concernant nos demandes en vue des sélections pour décevoir le moins possible nos athlètes. Nous cherchons aussi à apprendre pour être encore meilleurs à l’avenir”, détaille le chef des troupes.
Ce décor une fois planté, le sélectionneur a également expliqué comment les groupes allaient poursuivre leur route. Dans le cadre des Coupes des nations, après celle de Compiègne, du 4 mai au 7 mai, il assure que la France se rendra à celle de Rotterdam du 22 juin au 26 juin. Pour le CDIO d’Aix-La-Chapelle, du 27 juin au 2 juillet, “nous avons fait notre demande, sachant qu’il y a des années que la France n’y présente pas d’équipe. Les Allemands nous ont peut-être un peu oublié. J’ai donc pris contact avec l’organisatrice. Il est important que nous participions à ce type d’événement, car monter en Coupe des nations, c’est déjà monter en équipe. Aux JO, la France peut réaliser une performance d’équipe au départ. Je souhaite donc que nous fassions un maximum de Coupes des nations. Nous avons néanmoins un souci ; comme les Français ont un peu déserté certains concours, les organisateurs ne nous sollicitent plus. Il faut donc que la France montre son envie. Nous voulons maintenant que les Français se montrent aux juges internationaux”.
Le championnat de France de Vierzon, qui suivra le concours d’Aix-la-Chapelle, ne semble plus une priorité fédérale compte-tenu du planning chargé. “Cette année, il n’y aura pas tout le monde à Vierzon, car on ne peut pas tout courir. Il y aura certainement des cavaliers du haut niveau, mais seulement quelques-uns. Ce concours concernera plutôt ceux qui envisagent un avenir plus lointain, comme avec le Grand National, une occasion en or de former les chevaux. D’ailleurs, certains cavaliers comme Pauline (Basquin, ndlr), vont réapparaitre dans le Grand National entre deux internationaux, pour travailler leurs réglages”
“C’est la régularité qui nous importe”, Jean Morel
La saison ayant commencé tôt, Jean Morel rappelle aussi qu’il tient à ne pas user les chevaux. Certains n’étant pas encore totalement expérimentés, il insiste sur l’importance de “diviser les présentations avec certaines pour obtenir des performances et d’autres pour travailler”. Dans ce cadre, la séance du lundi de Pâques a permis de discuter des points à améliorer entre les juges, les entraîneurs et les cavaliers. Les rassemblements vont se poursuivre dans cette optique.
“C’est la régularité qui nous importe. Nous ne pouvons pas compter sur des cavaliers qui alternent des moyennes de 73% puis 69%. Aux JO, nous aurons trois couples seulement. C’est dans cette ligne directrice que nous envisageons les championnats d’Europe de Riesenbeck : il nous faut des couples réguliers avant tout ! C’est aussi une nouvelle méthode pour les cavaliers, et bien sûr, nous pouvons comprendre un incident de parcours !”, ambitionne Jean Morel.
Mis en place par FFE depuis l’année dernière, le fond équiaction va démarrer pour toutes les équipes olympiques. Il concerne autant l’aide à l’entraînement, au transport, au financement des personnels restant à domicile, que l’attribution de primes aux pourcentages. Chaque cavalier se verra alors proposer un contrat dans lequel il pourra choisir l’attribution de ses aides.
Concrètement, il s’agira à nouveau de regrouper les cavaliers juste avant Riesenbeck, puis au début de l’hiver avant le début des Coupes du monde, puis à la sortie de l’hiver, et finalement, juste avant l’échéance parisienne. L’appui de Jan Nivelle ayant été unanimement approuvé, il devrait continuer à accompagner les cavaliers français en Coupes des nations. De la même façon, le préparateur mental pourrait continuer son soutien sur ces événements. “L’important étant de mettre les athlètes en sécurité, nous n’imposerons rien, nous proposerons”, rappelle Jean Morel. Pour autant, la barre de financement est fixée aujourd’hui à 72% réalisés deux fois “car il faut évoluer”. Les scores inférieurs ne seront pas comptabilisés. “Je veux de la régularité”, martèle le sélectionneur.
Des cavaliers tournés vers l’avenir
Arnaud Serre présentait à Lamotte-Beuvron son jeune James Bond de Massa, âgé de neuf ans (PSH, Bon Bravour x Xaquiro), qui vient de débuter le Grand Prix à Vidauban avec presque 71%, et s’est déclaré “ravi”. “C’était un stage très instructif car j’ai pu rencontrer personnellement l’ensemble de la nouvelle équipe. Je connaissais plusieurs membres mais pas l’ensemble. J’avais vu Jan Nivelle faire travailler Karen Tebar en 2015, et j’avais observé. C’est un homme très ouvert et bienveillant. Les séances à cheval se sont très bien passées. Il travaille dans le même sens que nous à la maison, en axant beaucoup sur la biomécanique du cheval, en surveillant son fonctionnement et en le faisant travailler dans le confort. James Bond a un gros potentiel, car il a beaucoup de points forts. Il marche particulièrement bien et galope avec une même qualité. Il a un bon piaffer et de bons changements de pied. Finalement, il a plus de points forts que de points faibles ! Il va encore devoir gagner en force dans le travail au trot. Par exemple, il va améliorer l’expression dans son passage, c’est évident. Je vais probablement commencer les internationaux sous peu, et si tout se passe bien, je consulterai l’équipe fédérale pour élaborer un plan de route plus ciblé. Avant, je revérifierai les réglages sur un concours local. Mon objectif principal est vraiment de le préparer pour Paris et d’avancer vers cet objectif”, détaille le Sudiste.
Alexandre Ayache avait amené sa jument de onze ans, Jolene (DWB Johnson Tn x Continue), qui concourt depuis moins d’un an. Pour conclure ce séjour, le cavalier a expliqué : “ce genre de réunion, c’est toujours un plaisir car il est rare que des juges 5* nous viennent ainsi en aide. Personnellement, il ne s’agissait pas de présenter aujourd’hui une reprise pour prendre des points. Au contraire, le but était d’optimiser en cherchant des points d’amélioration. J’ai donc pu faire des essais, comme présenter un passage plus petit. J’ai vu que ce n’est pas une bonne idée ; le ‘presque piaffer’ ne paye pas. En fait, cette rencontre m’a permis vraiment de discuter de ce qui est attendu par les juges sur une présentation. C’est vraiment très, très intéressant. J’ai maintenant de vraies indications. Nous étions hors contexte de compétition. Ici, les juges n’étaient pas tenus de rester dans leur rang et nous, dans le nôtre, nous étions absolument dans un esprit collaboratif. J’ai trouvé assez sain de pouvoir travailler ainsi en en discutant. C’était donc très positif, avec le staff, au niveau de la préparation physique et mentale, qui nous a fait de vraies propositions ! Nous rentrons bien dans le vrai sport ! L’évolution majeure est que ce genre d’événement n’a plus lieu juste avant la grosse échéance de l’année. Là, nous commençons dix-huit mois avant le très gros rendez-vous et huit mois avant les championnats d’Europe. Nous ne sommes plus dans l’urgence, nous pouvons travailler plus sereinement. Personnellement, je vais poursuivre la saison à Fontainebleau avec Jolene. Vertigo, mon autre cheval de onze ans (Old, Vivaldi x Florestan I), va peut-être passer sous la selle de mon épouse, Grete, et je vais me consacrer à une nouvelle jument de neuf ans dans laquelle je crois vraiment. Si tout va bien, je poursuivrai à Compiègne avec Jolene. Si la France a des places, j’aimerais aller à Aix-la-Chapelle. Entre temps, nous retournerons faire une tournée des Coupes du monde en Europe de l’Est. Jolene y sera probablement épaulée par Olivia. Puis on verra!”