“Notre Longines EEF Series donne leur chance à toutes les nations européennes”, Theo Ploegmakers

Theo Ploegmakers a vécu une semaine intense. Dimanche dernier, le Néerlandais a mené une réunion du conseil d’administration de la Fédération équestre européenne (EEF), qu’il préside depuis fin 2018 et jusqu’à fin 2026. Lundi et mardi à Lausanne, il a participé au Forum annuel des sports organisé par la Fédération équestre internationale. Et vendredi en Italie, il a vécu le coup d’envoi d’une nouvelle saison de la série Longines EEF des Coupes des nations européennes, à l’occasion du CSIO 3* de Gorla Minore. Voilà au moins trois bonnes raisons de s’entretenir avec l’un des dirigeants les plus brillants et respectés du monde équestre.



Quel bilan tirez-vous du Forum des sports de Lausanne, dont les premières sessions de travail ont été consacrées au rapport intermédiaire du comité d’éthique et du bien-être équin créé l’an passé par la Fédération équestre internationale (FEI) et à laquelle vous contribuez directement?

Ce matin (entretien réalisé lundi dernier à Lausanne, ndlr), nous avons assisté à une présentation qui s’est plutôt bien déroulée. Nous avons indiqué une direction claire vers laquelle nous pensons que nous devrions nous diriger. Cependant, quels que soient les sujets, nous ne donnons que des conseils, qui seront suivis ou non. Désormais, il appartient à la FEI de déterminer ce qu’elle souhaite en faire.

L’un des sujets abordés a été celui de la bride en dressage. Je n’étais pas surpris des questions qu’on nous a posées lors de la séance de questions-réponses, car je sais bien que les cavaliers de dressage n’aiment pas qu’on touche à leur manière de monter. Mais il faut regarder en face la situation, y compris les tendances sociétales, qu’on ne peut ignore. Les cavaliers se sont indignés et nous ont demandé pourquoi on “s’acharne” sur leur discipline. Cependant, la seule raison laquelle nous remettons en question l’utilisation de la bride en dressage est que la dresage la seule discipline dans laquelle son utilisation est obligatoire. C’est inscrit dans le règlement de la FEI. Nous n’avons jamais dit vouloir bannir la bride. Nous souhaitons simplement rendre son emploi facultatif, laisser à chaque cavalier le choix de l’utiliser ou non. De nombreux cavaliers le souhaitent. Seuls les cavaliers de haut niveau s’y opposent. Au CHI de Bois-le-Duc, j’ai eu une discussion avec l’un de ses opposants. En substance, il m’a dit que si cinq cavaliers utilisaient une bride et trois autres un filet simple dans le même Grand Prix, alors le public considérerait ces derniers comme de meilleurs cavaliers. Selon moi, ce n’est pas vrai car ce n’est pas si simple que cela. De fait, seuls les cavaliers remarqueront ce changement, et le grand public ne verra sûrement pas la différence. La nouvelle génération sera peut-être capable de tout faire sans bride. Est-ce mauvais en soi? Serait-il néfaste que tout le monde monte avec un filet simple dans dix ans? Je ne le crois pas. Alors pourquoi forcer tous les cavaliers à monter leurs chevaux avec une bride? D’après les juges avec lesquels j’ai pu en discuter, la manière dont le cheval se déplace prévaut, tandis que le reste est secondaire.       

En tant que président de la Fédération équestre européenne (EEF), dans quel état d’esprit à quelques jours du coup d’envoi de la deuxième “vraie” saison de la série Longines EEF des Coupes des nations européennes ?

Tout se présentait bien pour nous jusqu’à ce que la Fédération équestre internationale annonce un remodelage profond de sa série historique qu’est celle des Coupes des nations Longines FEI. Ce changement va profondément impacte le jeune circuit EEF et nous oblige à le repenser dès 2024. Concernant l’édition 2023, tout se passe bien. Un grand nombre de nations vont jouer le jeu (on en a compté douze vendredi lors de l’étape inaugurale de Gorla Minore, ndlr), y compris certaines auxquelles nous ne nous attendions pas, ce qui est très positif pour cette année comme pour l’avenir du saut d’obstacles.

Certains cavaliers aimeraient que les Coupes de la série EEF soient d’un niveau supérieur, cotées à 1,50m, voire 1,55m. Ils estiment que des épreuves à 1,45m ne les préparent pas vraiment aux championnats. Que leur répondez-vous?
Je peux comprendre cette critique, mais je me dois de rappeler que la série EEF est la seule qui donne leur chance à toutes les nations européennes. Si de grandes nations estiment que le niveau est bas, alors elles ont tout intérêt à utiliser cette série pour aguerrir de jeunes cavaliers ou chevaux (comme la France l’a fait à Gorla Minore, où elle s’est imposée vendredi, ndlr). Si nous élevions le niveau technique de nos Coupes des nations, nous exclurions de nombreux cavaliers et toutes les nations auxquelles nous voulobns donner une chance. Les cavaliers souhaitant sauter des épreuves à 1,55m, afin de se préparer et obtenir leur qualification pour les championnats internationaux, disposent des Grands Prix de nos CSIO 3*, et de bien d’autres CSI 3*, 4* et 5*. Il n’y en a jamais eu autant en Europe qu’aujourd’hui. Bien sûr, les invitations en CSIO 5* sont très rares pour des nations comme l’Autriche, ce qui est regrettable, mais on ne peut pas tout avoir…

Par ailleurs, la programmation demeure un exercice très délicat. Cette année, le CSIO 3* d’Ebreichsdorf, demi-finale impliquant l’Europe centrale et l’Europe du Sud, aura lieu le même week-end que le CHIO d’Aix-la-Chapelle, ce que regrette des cavaliers comme l’Autrichien Max Kühner, dont l’équipe est très rarement invitée en CSIO 5*. Par ailleurs, il manque une qualificative dans la zone Ouest…

Les cavaliers qui participent au CHIO d’Aix-la-Chapelle ne sont généralement pas ceux qui sautent les Coupes de notre circuit, même si le pouvoir de sélection en CSIO appartient aux Fédérations nationales. Cette année, l’Autriche aurait pu tenter de gagner la Longines EEF Series pour accéder à la Division européenne du circuit Longines FEI, mais avec la réforme en cours, notre série se retrouve amputée de cet objectif…

Concernant la zone Ouest, la seule qualificative se déroulera du 18 au 21 mai à Kronengerg, aux Pays-Bas. Nous espérions conserver Madrid (où un très beau concours avait été organisé l’an passé sur la piste en herbe des championnats d’Europe de 2011, ndlr), mais cela n’a malheureusement pas été possible. De même, cette année, les organisateurs du CSIO 3* de Lisbonne n’étaient pas certains qu’il puisse avoir lieu en 2023 (le concours est programmé du 25 au 28 mai, mais son programme n’a pas encore été publié sur la base de données de la FEI, ndlr). Nous croisons les doigts pour avoir de nouveau deux concours l’an prochain dans cette zone.

Vendredi en Italie, l’équipe de France, représentée notamment par William Ligier de la Prade et Galilée, a remporté la première étape de l’EEF Series.

Vendredi en Italie, l’équipe de France, représentée notamment par William Ligier de la Prade et Galilée, a remporté la première étape de l’EEF Series.

© Gianluca Sasso/EEF



“La réforme du circuit FEI des Coupes des nations ne sera pas sans conséquences pour notre Longines EEF Series”

La principale nouveauté de l’édition 2023 concerne l’arrivée d’un nouveau sponsor: Kep Italia, équimentier italien spécialisé dans les casques d’équitation.
Oui, et nous sommes très fiers de ce nouveau partenariat. Nous sommes entrées lors des championnats du monde de concours complet, l’été dernier à Pratoni del Vivaro, et avons beaucoup échangé. Nous nous sommes rendu compte que nous visions un objectif commun: parvenir à des concours durables et soucieux du bien-être des chevaux et des cavaliers. La sécurité est un élément extrêmement important dans notre sport, et Kep est un partenaire idéal en matière. Nous partageons la même philosophie, si bien que le courant passe très bien. Nous sommes vraiment heureux que Kep se soit associé à notre série EEF. 

Comme vous l’avez rappelé, la FEI vient tout juste d’annoncer la naissance d’une Ligue des nations restreinte à dix pays, avec des dotations largement revues à la hausse et cinq qualificatives, dont trois en Europe, et une finale qui resrterait à Bacelone. Comment percevez-vous cette réforme?

Ce circuit était en perte de vitesse depuis plusieurs saisons et pour de multiples raisons. Dès lors, la FEI avait tout intérêt à le réformer en profondeur. Même s’il faut attendre la publication du nouveau règlmement, le changement de nom, la nouvelle formule et la hausse des dotations (les Coupes des nations de la Ligue devraient chacune dustriubuer 700.000 euros, ndlr) semblent en mesure de rendre son attractivité à ce circuit historique. De même, les athlètes, grooms et propriétaires devraient être récompensés lors de ces concours. Cette nouvelle Ligue des nations a donc de quoi susciter l’intérêt de toutes les parties prenantes du saut d’obstacles, ce dont on ne peut que se féliciter.

En revanche, cette réforme ne sera pas sans conséquences pour notre Longines EEF Series… Dans la mesure où la nouvelle formule décidée par la FEI impliquera moins de CSIO 5* européens (quatre en comptant la finale de Barcelone, ndlr), je m’inquiète pour ceux qui ne seront pas retenus dans la Ligue ainsi que pour les nations européennes qui ne feront pas partie des dix sélectionnées. Pour moi, la question à se poser dès maintenant est la suivante: qu’est-ce que cette nouvelle Ligue implique pour ceux qui n’y participeront pas?

Cela est-il de nature à encourager l’EEF à revoir le modèle de sa série? N’y a-t-il pas un intérêt à fédérer les concours qui ne feront pas partie de la Ligue des nations, voire ceux qui se sont déjà émancipés de la série FEI (Aix-la-Chapelle, Rome et La Baule) ou encore l’Officiel de Belgique, programmé cette année à Wolvertem, qui s’est développé de façon indépendante?

Cela fait partie des questions à se poser. Cette année, la Division européenne de la série FEI Longines comprend six étapes (Saint-Gall, Sopot, Rotterdam, Falsterbo, Hickstead et Dublin, contre huit autrefois, ndlr). Dans l’optique de se qualifier pour la finale mondiale de Barcelone, chacune des huit nations de la Division (dont la Suède, championne olympique et du monde en titre, ne fait pas partie cette année, ayant été reléguée l’an passé, ndlr)marque des points dans quatre étapes qualificatives. Ainsi, les organisateurs des CSIO concernés disposent de deux à trois places pour inviter la nation hôte (la Pologne à Sopot ou la Suède à Falsterbo, par exemple) ainsi que des équipes plus modestes (Danemark, Espagne, Autriche, Norvège et autres, selon les années et CSIO concernés, ndlr), de pays voisins ou d’autres continents (États-Unis, Canada et Brésil notamment, ndlr). La formule de la Ligue ne le permettra plus. Et on ne sait pas ce qu’il va advenir des CSIO 5* qui ne feront pas partie de la Ligue. À partir de 2024, où tous ces pays pourront-ils concourir et préparer les championnats? Où pourront-ils être invités? Et où leurs cavaliers pourront-ils gagner des points pour progresser au classement mondial Longines? Ce n’est pas simple du tout…

Pourriez-vous être amené à mettre sur pied une série européenne à deux divisions : une réunissant des CSIO 5* et/ou 4*, et une autre regroupant des CSIO 3*?

Encore une fois, notre série actuelle comprend des CSIO 3* (les qualificatives, ndlr), accessible à toutes les nations du continent, même les plus modestes, et un CSIO 4* (la finale, ndlr). Compte tenu des orientations prises par la FEI, nous devrons nous adapter et peut-être créer deux divisions. Cependant, pour se lancer dans un tel projet, il faudrait en évaluer la faisabilité financière et sonder nos fédérations nationales et partenaires. Quoi qu’il en soit, avant d’entreprendre quoi que ce soit, il faut d’abord attendre que le FEI publie le règlement de sa Ligue. Notre série se termine en septembre et reprendra en avril 2024. Il nous faudra être très réactifs.




“KEP PARTAGE PLEINEMENT LA PHILOSOPHIE DE L’EEF”, LELIA POLINI

Lelia Polini, confondatrice de Kep Italia, évoque à son tour le nouveau partenariat établi avec la Longines EEF Series: “La Longines EEF Series, qui a vocation à impliquer le plus grand nombre possible de nations, est très positive pour le développement du saut d’obstacles sur le continent. Cela donne une chance à davantage de cavaliers de pouvoir représenter leur pays dans de belles épreuves. Kep partage pleinement cette philosophie. En tant que spécialiste des casques d’équitation, nous avons convenu avec l’EEF de devenir le partenaire sécurité du circuit. La sécurité des cavaliers est fondamentale à nos yeux, et nous voulons continuer à le faire savoir, partout en Europe. À travers ce partenariat, l’EEF reconnaît également la qualité des casques Kep, qui sont d’ailleurs produits à 100% en Italie, donc en Europe.”

Olivier Robert et Iglesias à Gorla Minore.

Olivier Robert et Iglesias à Gorla Minore.

© Gianluca Sasso