“Je pense évidemment aux JO de Paris, mais nous sommes quatre juges français à pouvoir y prétendre”, Raphaël Saleh

Choisi par la Fédération équestre internationale pour officier avec six autres juges lors des championnats d’Europe de Riesenbeck, en septembre prochain, Raphaël Saleh présidait ce week-end le jury du CDIO 5* de Compiègne, où tous ses collègues qui feront le déplacement en Allemagne étaient également présents. Rencontré hier entre le Grand Prix Spécial et la Libre du concours isarien, le Français a dressé le bilan sportif provisoire de l’événement et est notamment revenu sur les performances prometteuses des cavaliers tricolores. Il réagit également dans cette interview après les propos de Christian Landolt, juge international de concours complet ayant récemment dénoncé des abus des cavaliers envers les officiels, et aborde le choix du jury pour les Jeux olympiques de Paris.



Le CDIO 5* de Compiègne n’est pas tout à fait terminé, puisque la Reprise Libre en Musique n'a pas encore eu lieu, mais que retenez-vous pour l’heure du Grand Prix et du Spécial de ce concours?

Nous sommes très contents du niveau des chevaux qui étaient là (l'événement compiégnois a notamment pu compter sur la présence de Heiline's Danciera et Touchdown, respectivement cinquième et neuvième au classement mondial des chevaux de dressage évoluant en CDI 3* et plus, qui ont réalisé de belles performances tout le week-end avec Carina Cassøe Krüth et Patrik Kittel, ndlr). Ce qui est super intéressant, c'est que ceux qui ont disputé le Grand Prix et le Spécial se sont comportés un peu différemment lors de ces deux épreuves. Cela montre qu'il s'agit bien de sport de haut niveau! En tout cas, Compiègne étant l'un des premiers concours majeurs de l'année (et le seul CDIO 5* prévu en 2023 avec celui d'Aix-la-Chapelle, ndlr), je pense que ce que nous avons observé ici est très prometteur pour la suite de la saison.

Hier, le Grand Prix a été le théâtre d'une belle confrontation entre Lottie Fry, la double championne du monde individuelle en titre, et Carina Cassøe Krüth, titréee par équipes aux Mondiaux cet été. La deuxième citée l'a finalement emporté, alors que vous aviez de votre côté placé Lottie Fry en tête. Qu'est-ce qui vous a fait pencher pour ce choix?

Il ne s'agit pas d'un choix! Lorsque l'on juge, on attribue ses notes figure après figure. À la fin, j'avais un écart de score très faible entre les deux cavalières (0,435 point de pourcentage, ndlr), et je pense que c'est le piaffer qui a fait la différence. Celui d'Everdale, avec Lottie, était joli et plus diagonalisé que celui de Danciera, qui a quelques soucis dans cet air.



“Il n’y a pas eu de différence de point de vue notoire au sein de notre groupe de juges”

Raphaël Saleh a trouvé le début de présentation de Pauline Basquin "très harmonieux" dans le Spécial

Raphaël Saleh a trouvé le début de présentation de Pauline Basquin "très harmonieux" dans le Spécial

© Timothée Pequegnot

La moyenne des cinq juges a donc finalement donné l'avantage à Carina Cassøe Krüth, même si comme vous, la Britannique Isobel Wessels a donné un score légèrement supérieur à la championne du monde individuelle en titre. Parle-t-on de ce type de différences d'appréciation entre juges après les épreuves?

Je crois que les notes attribuées par le jury étaient assez homogènes. Pour autant, nous parlons toujours de l'épreuve qui vient de se dérouler entre juges à la fin de celle-ci. Nous avons accès à un "Dashboard" (que l'on peut traduire par "tableau de bord", ndlr) où nous pouvons voir les notes et commentaires que chacun d'entre nous a attribués aux différents couples. Juger est un travail d'équipe, et nous débriefons ensuite quasi systématiquement ensemble.

Justement, vous et les six autres juges qui officieront lors des championnats d'Europe de Riesenbeck en septembre étiez réunis pour la première fois à Compiègne. Comment s'est passé le travail au sein du groupe?

Je crois qu'il s'est bien passé, puisqu’il n’y a pas eu de différence de point de vue notoire entre nous. En tant que président de jury, je souhaitais vraiment que ce panel-là soit présent pour le CDIO 5* de Compiègne, car il faut que nous prenions l'habitude de travailler ensemble, qu'un esprit d'équipe se crée. C'est très important. 

Dans le Grand Prix, les trois équipiers français, Alexandre Ayache, Pauline Basquin et Corentin Pottier, ont tous trois dépassé les 70%, les deux derniers ayant même atteint les 71% en ayant commis chacun une faute majeure sur une figure avec un double coefficient. Cela témoigne d’une vraie progression des dresseurs tricolores, n'est-ce pas?

Effectivement, ils ont obtenu de bonnes notes alors qu'ils ont commis des fautes. C’est donc un bilan très positif, qui laisse, en plus, augurer une belle marge de progression.

Vous avez vous-même attribué plus de 72% à Pauline Basquin et Sertorius de Rima dans le Grand Prix Spécial, qu’ils ont terminé avec une moyenne de 70,787%. Qu'avez-vous retenu de sa reprise?

Pauline a réalisé un très bon début de présentation. C'était très harmonieux, elle nous a montré un joli passage. C'est vraiment dommage pour ses fautes dans les changements de pied.



“Je n’ai jamais été témoin d’abus comme les décrit Christian Landolt en dressage”

Vous êtes le seul juge français choisi pour œuvrer lors des prochains championnats d’Europe, et vous jugez actuellement très régulièrement à l’international. Pensez-vous aux Jeux olympiques de Paris 2024, pour lesquels la composition du jury n’a pas encore été révélée et où le président de celui-ci devrait logiquement être un représentant tricolore?

Oui, j’y pense évidemment, mais nous sommes quatre juges de Niveau quatre en France actuellement (avec Isabelle Judet, Benard Maurel et Jean-Michel Roudier, dont GRANDPRIX a récemment dressé le portrait, ndlr) et pouvons donc prétendre tous les quatre à y officier. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, je suis le plus actif et je compte continuer à juger aussi régulièrement, mais rien n’est fait. Au final, c’est le Panel de supervision des juges (JSP) qui fera une proposition de jury au Comité de dressage de la FEI, qui devra l’accepter ou non.

Le juge international de concours complet Christian Landolt, qui a officié jusqu'en CCI 5*-L et championnats internationaux, a posé sa démission auprès de la Fédération équestre internationale, dénonçant des abus des cavaliers envers les officiels et notamment des appels de certains concurrents demandant aux juges de leur donner des notes supérieures. Avez-vous été témoin de cela en dressage?

Non, je n’ai jamais été témoin d’abus comme les décrit Christian Landolt en dressage. Il existe dans notre discipline un vrai dialogue entre cavaliers et juges, et s'il y a un problème, nous en discutons.



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