“Les acquéreurs potentiels ont toujours intérêt à être bien accompagnés”, Guillaume Carlier

Pour beaucoup de familles de cavaliers amateurs ou de jeunes couples souhaitant lancer une première activité professionnelle, accueillir un ou des chevaux chez soi requiert l’acquisition d’un bien immobilier adapté. Compte tenu des enjeux, il va sans dire qu’une telle opération ne se décide pas à la légère. Accompagnant nombre de porteurs de projets, Guillaume Carlier, fondateur et directeur de l’agence spécialisée Horse Immo, livre de précieux conseils d’expert.



Guillaume Carlier, fondateur et directeur de l’agence Horse Immo.

Guillaume Carlier, fondateur et directeur de l’agence Horse Immo.

© Stéphane Vasco

Beaucoup d’équitants rêvent d’avoir leurs chevaux chez eux. Comment les conseillez-vous, notamment lorsqu’il s’agit d’une première acquisition d’un bien à destination équestre?

Comme pour n’importe quelle acquisition immobilière, l’emplacement est un enjeu fondamental. La première question est : la structure équestre doit-elle être rentable ou non ? Si c’est le cas, on entre dans une logique de professionnalisation. L’acheteur cherchera généralement à ne pas être trop éloigné d’un bourg ou d’une petite ville, mais il privilégiera surtout l’accessibilité et la proximité d’axes routiers et d’autres acteurs de la filière. L’éleveur, lui, cherchera davantage de surface et des terres de meilleure qualité.

Si l’on pratique l’équitation en amateur, il s’agit souvent d’un achat familial. Dans ce cas, tous les membres de la famille ne sont pas nécessairement équitants. Dès lors, la proximité d’établissements scolaires, d’installations sportives et de zones d’attractivité permettant à un conjoint, voire aux deux, de travailler dans un secteur d’activité non équestre, représente un critère important. Pour les amateurs, une poignée d’hectares de terres agricoles peut suffire, ce qui change aussi la donne. L’emplacement a son importance pour une potentielle revente, quelle qu’en soit la raison. Il sera toujours plus facile de revendre une propriété bien placée que perdue au bout du monde. Enfin, il ne faut pas acheter trop grand, car l’entretien requiert énormément de temps et d’argent.

Quel est le profil type des acheteurs?

Il y a beaucoup de jeunes professionnels souhaitant créer leur première activité. Ce sont souvent des couples avec peu ou pas d’apport, ce qui ne facilite pas la réalisation de ces projets… Actuellement, compte tenu du contexte économique et financier, les banques se montrent de plus en plus frileuses.

Dans quelle mesure jouez-vous un rôle pédagogique auprès des potentiels acquéreurs?

C’est effectivement notre rôle en tant qu’experts de l’immobilier à vocation équestre, et les acquéreurs potentiels ont toujours intérêt à être bien accompagnés. L’agent est là pour les prévenir des risques entourant la propriété, les mettre en garde sur les éventuelles limites de celle-ci et, éventuellement, les orienter vers d’autres sites ou régions plus adaptés à leur projet. Tout dépend de leur objectif. Par exemple, certains souhaitent complètement changer de vie et s’établir loin de tout. Après les confinements et couvre-feux liés à la pandémie de Covid-19, c’est un mouvement que nous avons beaucoup observé. Depuis quelques mois, cette tendance a d’ailleurs ralenti, et beaucoup d’urbains ont finalement regagné les villes, au moins pour y vivre et travailler une partie de la semaine.

 Quels paramètres doivent être pris en compte dans le choix d’une propriété?

Il y a des évidences, comme l’absence de cailloux et de risque d’inondation. Le professionnel de l’immobilier doit attirer l’attention du client sur les contraintes liées à la propriété. C’est notamment le cas des biens comprenant des zones forestières. De tels biens sont beaux, mais demandent beaucoup d’entretien, et l’on peut difficilement y mettre des chevaux. Exploiter un bois est un métier plus complexe qu’il n’y paraît. Ainsi, un amateur a intérêt à privilégier les pâturages ou du moins les espaces facilement aménageables en paddocks.

Existe-t-il des obligations légales d’information quant à la qualité des sols?

Non, aucune. Au-delà des documents obligatoires demandés par le notaire au moment de la signature de la promesse de vente – inondabilité, sismologie ou proximité d’activités industrielles à risque, etc. –, l’acheteur doit chercher des informations de sa propre initiative, notamment en mairie où il peut consulter le plan local d’urbanisme et les règles d’aménagement associées à celui-ci. Il peut aussi faire appel à un agriculteur ou un professionnel du monde équestre établi dans la région et connaissant à la fois le climat, les sols et la flore (lire également l’encadré page suivante). Prendre des avis extérieurs est toujours une bonne chose. On achète toujours une propriété en l’état, mais le vendeur et son notaire doivent pouvoir prouver qu’ils ont transmis tous les documents en leur possession sous peine de potentielles poursuites.



“Le rêve peut devenir réalité à condition que l’on soit bien conseillé et accompagné”

En quoi le réchauffement climatique peut-il impacter la réussite d’un projet d’installation?

La seule mesure pouvant toucher une écurie ou un élevage est l’application d’un arrêté d’interdiction d’arroser, qui empêcherait d’irriguer les carrières et autres surfaces de travail. C’est tout à fait compréhensible compte tenu de l’enjeu écologique. Cela peut avoir un impact important, notamment sur les structures organisant des événements, mais également sur les propriétés situées dans des zones soumises à des vents violents emportant le sable des carrières. Il existe des solutions pour répondre à ce problème. À défaut d’être miraculeuses, elles peuvent pallier les conséquences d’une sécheresse persistante. Outre la construction de plus en plus conseillée de pistes subirriguées, il faut contrôler la qualité de la plomberie, tant extérieure qu’intérieure, et son étendue. Si celle-ci ne va pas jusqu’aux pistes et paddocks, par exemple, il faudra envisager des travaux.

Cela pose également la question de l’agencement de la propriété…

Oui, que l’on soit amateur ou professionnel, l’optimisation des espaces est primordiale. Pour un professionnel, il est préférable que l’habitation soit un tout petit peu éloignée des écuries pour préserver son intimité. D’ailleurs, il existe aujourd’hui des systèmes de surveillance efficaces qui permettent de s’assurer en temps réel que tout se passe bien aux écuries.

Quelle attitude adopter face à une propriété nécessitant beaucoup de travaux?

C’est un point d’attention essentiel. Quand il y a trop de travaux, cela peut devenir ingérable, long, pénible, source de problèmes et de dégâts. On risque d’abîmer les sols, de créer des nuisances sonores et visuelles, sans oublier que les travaux requièrent parfois des autorisations administratives. De fait, on constate que de nombreuses propriétés se retrouvent en chantier permanent. Parfois, il vaut même mieux acheter quitte à conduire quelques travaux, plutôt qu’une autre avec des équipements vieillissants. L’ensemble sera d’autant plus performant et sobre énergétiquement, ce qui n’est plus anodin de nos jours.

Quel conseil donneriez-vous aux personnes souhaitant se lancer dans un tel projet?

Le bon sens doit d’abord les guider à consulter leur banquier afin de connaître leurs capacités financières, leur apport personnel et ainsi savoir jusqu’où ils peuvent aller, afin d’adapter leurs recherches à leurs moyens. Il faut également veiller à ce que le remboursement du prêt soit compatible avec le budget familial, notamment les premières années. Dans le cas d’un jeune professionnel, il faut anticiper sur le fait que l’exploitation ne sera sûrement pas rentable immédiatement. Il lui faut alors bien préparer son dossier, exposer son projet en détails aux banques et montrer qu’une rentabilité existe. D’une manière générale, je dirais que le rêve peut devenir réalité à condition que l’on soit bien conseillé et accompagné.

Comment se porte actuellement le marché de l’immobilier équestre?

En ce moment, c’est plus compliqué qu’il y a deux ans, mais nous nous y attendions. D’une manière générale, ce qui impacte l’immobilier classique influe sur l’immobilier équestre avec un peu de retard. Le principal facteur de ralentissement de l’activité concerne les taux d’intérêts, qui augmentent depuis le printemps 2022. Aujourd’hui, pour un crédit sur vingt ans, on s’endette à 3 %, voire 4 % d’ici l’été, contre 1 % il y a un an et demi. Même si ces taux demeurent bien plus faibles que ceux pratiqués il y a quinze ou vingt ans, la hausse est sensible. Les prêteurs, qui sélectionnent bien plus sévèrement les dossiers, accordent beaucoup d’importance au montant de l’apport personnel.

 Quelles sont les perspectives à moyen terme?

Après une période assez difficile, en raison de la conjoncture inflationniste et de facteurs saisonniers, une certaine embellie se dessine. La Banque centrale européenne vient de publier un rapport indiquant que l’inflation allait ralentir dans les années à venir. Cela va ouvrir des perspectives en matière de pouvoir d’achat des ménages et contribuer à une stabilisation des taux d’emprunt à horizon 2024. Depuis quelques semaines, nous recevons davantage d’appels et de mandats concernant des biens à vendre, notamment dans le Sud et en Île-de- France. L’activité repart doucement, mais sûrement. 

 



LE SOL, CLÉ DE SUCCÈS

Lors de l’acquisition de terres agricoles, destinées à la culture comme à l’élevage, la seule information donnée à l’acheteur est la classification de chaque parcelle selon le zonage du plan local d’urbanisme (PLU). Parmi les catégories les plus fréquentes, citons les A (zones agricoles), AB (à usage agricole), AP (agriculture protégée) et N (zones naturelles et forestières). Cela implique des règles en matière d’aménagement. Par exemple, une parcelle A n’est constructible qu’à condition que les bâtiments soient à destination agricole et que l’exploitant vive sur place. En revanche, aucune information ne concerne la nature du sol. Or, rien ne remplace la qualité minérale et organique d’une terre. Si l’on ne dispose pas de connaissances nécessaires pour évaluer le potentiel des terres que l’on envisage d’acquérir, on peut procéder à une analyse de sol. Celle-ci permet d’évaluer la structure et la fertilité de la terre agricole grâce à quatre paramètres : la texture (présence d’argiles, de limons, de sable), l’acidité (ou l’alcalinité selon le pH), le profil organique (le taux de matière organique, autrement dit la fertilité organique) et l’état minéral.