“Lorsque l’on sort du circuit Poneys, on n’est plus personne”, Charlotte Slosse
Ayant concouru à haut niveau chez les Poneys, Charlotte Slosse poursuit désormais son chemin sur le circuit Jeunes à cheval et compte déjà deux sélections en Coupe des nations Jeunes Cavaliers à son actif cette saison. Associée sur les terrains de concours internationaux à LB Zornell II et Drakar de Riverland, la jeune Provençale de dix-huit ans était présente au CSIO Jeunes de Compiègne, où elle devait initialement prendre part à la Coupe des nations de sa catégorie. Rencontrée lors de l’événement isarien, la cavalière s’est confiée sur ses objectifs futurs et sa transition à cheval après ses années à poney. Elle a également partagé ses ambitions pour sa petite sœur, Lola, qui a déjà tout d’une graine de championne à seulement huit ans.
Dans quel état d’esprit êtes-vous actuellement et comment s’est déroulé votre concours jusqu'à ce samedi?
Je vais très bien et mes chevaux sont en pleine forme. Jusqu’ici, mon concours s’est plutôt bien passé. Initialement, je faisais partie des quatre sélectionnés pour la Coupe des nations Jeune Cavaliers, mais en concertation avec l’équipe fédérale, nous avons décidé de ne pas y prendre part. En effet, Zornell (Holst, VDL Zirocco Blue x Colman) venait d’enchainer deux semaines de concours juste avant (le gris de neuf ans a participé à un CSI 2* organisé sur la piste de l’Hubside Jumping de Grimaud, puis au Critérium Pro 1 à Fontainebleau avant de se rendre à Compiègne, ndlr) et je ne voulais pas lui en demander trop. J’ai donc participé à l’épreuve qui se courait entre les deux manches de la Coupe, et comme prévu avec toute l’équipe, j’ai abandonné avant la fin du parcours pour le préserver. Zornell a très bien sauté et n’a commis aucune faute. Bien sûr, voir mes camarades disputer l’épreuve par équipes m’a donné envie d’en faire de même, mais il était pour moi beaucoup plus important de préserver mon cheval. Drakar (SF, Quatro de Riverland x Quito de Baussy), quant à lui, a commis une petite faute le premier jour (dans une Vitesse à 1,45m, ndlr), mais il a été exemplaire. Le lendemain, il a de nouveau écopé de quatre points (dans une épreuve similaire, ndlr), mais était vraiment très en forme, voire presque un peu trop, si bien que j’étais légèrement débordée (ce qui n’a pas empêché le couple de terminer quatrième du Grand Prix Jeunes cavaliers le dimanche après avoir réalisé un bon double sans-faute, ndlr).
Pouvez-vous nous parler plus en détails de ces deux chevaux?
J’ai acheté Drakar lorsqu’il avait six ans (il en a dix aujourd’hui, ndlr), et il était un peu délicat au début. Nous ne savions pas trop ce que notre partenariat allait donner, mais il s’est finalement révélé et est rapidement devenu mon cheval de tête, réalisant régulièrement des sans-faute en épreuves à 1,40m et 1 ,45m. LB Zornell II est arrivé dans mes écuries fin novembre 2022, par le biais d’un partenaire qui nous offre la possibilité d’avoir de super chevaux. Il a neuf ans et est très peu sorti l’an passé (l’étalon a, en revanche, été vu en épreuves internationales réservées aux jeunes chevaux l’année précédente avec Armin Schäffer, ndlr). J’ai pris mes marques avec lui en février à San Giovanni in Marignano, en Italie. Nous avons ensuite pris le départ de notre première épreuve à 1,45m à Gorla Minore, au mois de mars. Cela s’est très bien passé, même si j’ai commis deux petites fautes par manque d’expérience, et j’ai ainsi pu décrocher une sélection pour le CSIO Jeunes cavaliers d’Opglabbeek. Alors qu’il sautait seulement son deuxième parcours à 1,45m à cette occasion, Zornell a réalisé un sans-faute dans une Vitesse le premier jour, et il a réitéré cette performance dans la première manche de la Coupe des nations. Dans le second acte, nous avons commis trois fautes dues à la fatigue. Je suis vraiment heureuse de pouvoir monter un tel cheval, et je compte bien le préserver pour que nous allions le plus loin possible.
Avez-vous les championnats d’Europe Jeunes cavaliers de Gorla Minore, qui se dérouleront du 10 au 16 juillet, en ligne de mire?
Évidemment, tout le monde y pense, mais ce n’est pas mon objectif premier. Je compte d’abord évoluer avec ce cheval, apprendre à le connaitre, et nous verrons si nous sommes prêts ou non en temps voulu. Cela ne fait que quelque mois que nous évoluons ensemble et ce sont ses débuts sur ces hauteurs-là. Il est déjà très présent, répond à toutes mes demandes et est très régulièrement sans-faute. Pourvu que ça dure!
Pouvez-vous compter sur d’autres chevaux cette année en plus de Zornell et Drakar?
J’ai une super jument qui est arrivée en même temps que Zornell et s’appelle Censtalvara PS (OS, Centadel x Stakkato, ndlr). Elle a neuf ans également et je la pense très prometteuse, mais elle est un peu tardive, donc nous lui laissons du temps. J’ai encore mon petit crack, Uzel de Kens (SF, Apache d’Adriers x Saphir Rouge II), qui était mon premier chevaI. ll est en pleine forme et je l’ai même emmené deux semaines à Gorla Minore, où il s’est classé dans chaque épreuve et en a remporté trois (à 1,25m et 1,35m, ndlr). Nous le préservons beaucoup désormais, car il a quinze ans, mais il est toujours très content d’aller en concours, donc dès que nous avons besoin de lui, nous l’emmenons avec nous. Par ailleurs, j’ai également deux chevaux de cinq ans et une jument de six ans, qui est encore très verte, ainsi qu’une monture de sept ans.
“J’ai vécu de belles années à poney, qui m’ont mise sur la bonne voie”
Vous avez fait vos débuts à haut niveau en catégorie Poneys. Que retenez-vous de ces années-là?
C’était une super expérience. Je pense que les années Poneys sont toujours marquantes, et lorsque l’on m’en parle, je pense directement à Rubis d'Epuisay (PFS, Intermede A Bord x Bar). Quand je l’ai eu, il était dangereux et c’est mon grand frère qui le montait, puis nous avons commencé à disputer des épreuves Poneys 2 et sommes finalement allés jusqu’en Grand Prix As Élite Excellence! Nous avons même pris part à une étape du Jumping Ponies Trophy (équivalent de la Coupe du monde pour les Poneys, ndlr). J’ai tout vécu avec lui; il a été mon premier poney de haut niveau et nous avons également eu un grave accident (la cavalière avait terminé dans le coma à l’hôpital, ndlr). Il est vraiment mon poney de cœur et aujourd’hui, c’est ma petite sœur qui le monte à la maison. J’ai aussi eu Boticelli de Rohan (PFS, Sea Bird Fast x Lamento III), que j’ai formé jusqu’à haut niveau, ainsi qu’Up Le Ti’wan (PFS, Moonlight Berenger x Blaise). En bref, j’ai vécu de belles années à poney, et elles m’ont mise sur la bonne voie pour la suite de ma carrière.
Comment avez-vous vécu votre passage à cheval?
Le haut niveau à cheval est vraiment plus difficile d’accès: lorsque l’on sort du circuit Poneys , même si l’on a été très performant, on n’est plus personne. Tant que l’on ne saute pas 1,45m, personne ne nous remarque. Le passage à cheval marque donc vraiment une étape importante, et beaucoup de personnes m’ont d’ailleurs dit que la transition serait difficile. Pour moi, elle s’est cependant très bien passée car j’avais l’habitude de monter des poneys très différents les uns des autres. Et puis, comme mon premier cheval était Uzel, je pense que cela ne pouvait pas mieux se dérouler (rires).
“J’ai voulu apprendre directement à Lola ce que je connais aujourd’hui”
Sur les réseaux sociaux, on peut voir que votre petite sœur, Lola, est déjà une cavalière aguerrie et que vous lui prêtez même certains de vos chevaux, dont Uzel …
Oui, ma petite sœur monte là où je suis installée, au domaine de Xanthos, à Fayence, près de Cannes. Selon moi, elle sera très douée! Elle m’impressionne vraiment et je ne dis pas cela simplement parce que je suis sa grande sœur. Elle est très attentive à ce que je fais et me vois monter tous les jours. Pendant un moment, après avoir laissé Uzel un peu tranquille, je comptais le remettre en route afin de le ressortir en compétition. J’ai laissé Lola le préparer elle-même, et j’avais dans l’idée de le retravailler avant le concours que je visais pour le remettre aux ordres, comme il s’agit d’un cheval très spécial dans sa manière de fonctionner. Or, quand je l’ai remonté, je me suis rendu compte qu’il était presque encore mieux que lorsque je le préparais moi-même! Lola l’adore et le monte très bien; elle a même fait ses premiers sauts à cheval avec lui.
Monte-t-elle uniquement avec vous?
Oui, et je prends ce rôle d’enseignante très au sérieux. Lorsque j’ai commencé à la mettre à poney, elle n’avait que six ans et mon père craignait que je sois un peu trop exigeante avec elle, mais elle a aujourd’hui un niveau incroyable et sait déjà observer si un cheval fonctionne bien. Je ne lui ai jamais donné des cours comme ceux que l’on donne normalement à une petite fille de son âge, j’ai voulu directement lui apprendre ce que je connais aujourd’hui. Je ne voulais pas qu’elle passe par les étapes habituelles, pour ensuite devoir se débarrasser de tous les mauvais réflexes qu’elle aurait acquis. Elle est très motivée et je pense qu’elle ira loin! Pour l’instant, elle a huit ans et a commencé à prendre part à quelques concours. Je pense qu’elle en disputera un peu plus cette année; nous allons essayer de la mettre tranquillement sur le chemin de la compétition.
L’enseignement est donc une activité qui vous attire?
Je suis aujourd’hui titulaire d’un Diplôme d’État de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DEJEPS), qui me permet d’enseigner. Je donne des cours de temps en temps et j’ai quelques élèves, mais comme je dois faire travailler beaucoup de chevaux et ai un emploi du temps vraiment chargé, cela reste très ponctuel. J’aime beaucoup enseigner et ainsi transmettre ma passion, mais peu importe le niveau de mes élèves, il faut qu’ils soient très motivés, car je suis une compétitrice dans l’âme.
Instaurez-vous avec vos élèves la même pédagogie qu’avec votre petite sœur?
Oui, je crois qu’il faut éviter dès le début les petits artifices que l’on peut être tenté d’utiliser. Je le pense d’autant plus maintenant que je travaille avec Michel Robert. Il me semble que j’arrive bien à communiquer avec les élèves, les retours sont bons et ça se passe très bien. Pour aller vers le haut niveau, il est certain qu’il faut un petit truc en plus, mais il faut aussi beaucoup d’envie, être bien entouré et énormément travailler, car être ambitieux ne suffit pas. Je m’adapte au cas par cas avec mes élèves, mais globalement, c’est toujours la même méthode: aller vers la simplicité.
“Avec Michel Robert, on élimine tous les chichis inutiles”
Travailler avec Michel Robert vous a-t-il poussé à remettre en question votre vision du travail avec les chevaux et votre manière de monter?
Oui, totalement! En concours, j’étais essentiellement coachée par Manuel Henry jusqu’à la fin de l’année dernière, et il s’occupe toujours de moi lorsque Michel n’est pas là, puisque je dispute en général les mêmes concours que Ramatou Ouedraogo (également entrainée par Manuel Henry, ndlr). Travailler avec un cavalier comme Michel est une immense opportunité, et comme il n’est pas installé très loin de chez moi, je pars parfois m’entrainer une petite semaine chez lui avant les échéances importantes, mais il m’a d’abord fait travailler en concours, lors de deux tournées en Italie. En temps normal, je suis déjà plutôt branchée travail à pied, et j’essaye d’être très proche de mes chevaux. La première fois que je me suis rendue dans ses écuries, j’ai commencé la séance en selle et il m’a demandé de descendre pour pouvoir longer mon cheval. Ensuite, il m’a fait remonter à cheval sans rênes, en continuant le travail à la longe. J’ai dû rester ainsi une trentaine de minute au pas, au trot, et au galop sans les mains, afin de ressentir le naturel du cheval. J’avais emmené quatre montures cette fois-là, et j’ai effectué le même travail avec chacun d’eux. Lorsque l’on travaille en compagnie de Michel, les maîtres-mots sont simplicité et efficacité. Ainsi, on se rapproche vraiment de ses chevaux et on élimine tous les chichis inutiles. C’est une méthode que j’aime beaucoup et que je souhaite continuer à appliquer.
À l’avenir, vous imaginez-vous allier carrière sportive et enseignement?
À terme, j’aimerais vraiment devenir cavalière professionnelle de haut niveau, tout en faisant du commerce et en formant des jeunes chevaux. Je pourrais également faire un peu de coaching, mais cela restera un plus. Je privilégierai les jeunes chevaux, car c’est pour moi très important de former le futur, et c’est même nécessaire lorsque l’on n’a pas les moyens de s’acheter des montures déjà prêtes. J’ai de toute façon toujours été habituée à le faire, je n’ai jamais eu de chevaux clé-en-main. Même Zornell, qui est un très bon cheval, est toujours en formation avec moi, puisqu’il n’avait disputé que des épreuves à 1,40 m à sept ans auparavant. Je trouve cela génial de pouvoir amener des chevaux à haut niveau en ayant la satisfaction de les avoir formés soi-même.
“Avec ma groom Maelys, nous sommes devenues un vrai binôme”
Vous semblez très proche de votre groom, Maelys, n’est-ce-pas?
Avec Maelys, nous nous sommes connues en 2015, dans mes écuries. Elle est arrivée en été avec son poney et nous avons rapidement développé une relation forte, qui va désormais au-delà de la simple amitié: nous sommes devenues un vrai binôme. Elle a très rapidement commencé à monter avec moi à la maison, puis à m’accompagner en concours. Au début, nous disputions toutes les deux les épreuves Poneys, puis j’ai commencé à en avoir trois ou quatre à monter, et comme elle n’en avait qu’un, elle m’aidait avec les miens. Petit à petit, elle a arrêté de concourir et est passée groom. Elle m’épaule donc depuis maintenant cinq ans, mais en septembre dernier, elle a repris ses études, ce qui fait que j’ai passé l’hiver et le début de l’année sans elle. Cela a sacrément changé mes habitudes (rires). Elle va bientôt avoir des stages à effectuer, donc je la garde avec moi pour encore quelques mois. Elle me connaît par cœur; nous avons tout vécu ensemble et avons encore beaucoup à partager.
Pouvez-vous également compter au quotidien sur le soutien de votre famille?
Oui! Elle est d’ailleurs au grand complet avec moi ce week-end. En plus de ma petite sœur, j’ai un grand frère de vingt-et-un ans et un petit de seize ans. Sans le soutien de mes parents, je ne pourrais pas pratiquer ce sport-là à ce niveau.
Vos frères montent-ils également à cheval?
Mon grand frère a monté à cheval par le passé, mais s’il adorait aller en concours, il n’avait pas la patience pour le travail à la maison. De temps en temps, cela le démange de remettre le pied à l’étrier, mais nous sommes aujourd’hui les seules à monter avec ma sœur.
Avez-vous d’autres passions dans la vie en dehors de l’équitation?
Ma passion pour les chevaux me prend déjà beaucoup de temps, mais je suis une personne qui croque la vie à pleines dents et une férue de sport en général. Dès que j’ai du temps, je vais courir ou à la salle de sport. Quand j’étais petite, j’ai pratiqué le tennis et le Yoseikan budo (un art martial japonais, ndlr).