“Je ne veux pas faire les choses à moitié”, Camille Collet Vidal (2/2)

À seulement vingt et un ans, Camille Collet Vidal a déjà une vie bien remplie! D’abord cavalière de saut d’obstacles à poney, la jeune femme s’est ensuite rapprochée, à l’adolescence, du milieu des courses, dans lequel travaille son père en tant qu’entraîneur, avant de découvrir le concours complet presque par coïncidence à son entrée dans la formation initiale portée par l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) à Saumur. Aujourd’hui autant mordue de sports équestres que de courses hippiques, la Picarde met un point d’honneur à n’abandonner aucune de ses vocations, et jongle ainsi entre les pistes d’obstacles, les terrains de cross et les hippodromes, le tout à un bon niveau amateur. Passionnée et passionnante, la cavalière poursuit son ascension dans ces univers, qu’elle espère même un jour voir collaborer entre eux. La première partie de l'article est ici.



L’objectif de Camille est de tirer le meilleur des méthodes employées dans chacun des deux milieux qu’elle fréquente. “Dans les courses, la préparation des chevaux varie chez chaque entraîneur et dans chaque discipline”, analyse-t-elle. Je trouve très intéressant de piocher dans toute cette pluralité. Par exemple, depuis peu, je monte également dans le milieu du trot. J’avais beaucoup d’aprioris, car on y voit des chevaux entrainés avec beaucoup d’artifices. Or, j’ai eu la chance de rencontrer un entraîneur, Vincent Martens, et cela me plaît finalement beaucoup. Après plusieurs explications à pied, je me suis mise à la pratique, et une fois en selle, c’était presque comme si j’avais déjà monté ce type de chevaux, preuve que toutes les disciplines se ressemblent bien! Les trotteurs sont entraînés bien différemment des galopeurs ou des chevaux de sport, puisqu’ils ont généralement trois sessions de travail par jour. Ils commencent par un trotting pour se déraidir, puis ils retournent au box avant d’effectuer un deuxième entraînement avec un passage rapide pour travailler la vitesse, et enfin une dernière séance plus intense. J’ai essayé d’adapter en partie cette méthode pour mes chevaux de concours, et j’ai obtenu des résultats incroyables avec mes montures de jumping! Pour autant, cela ne correspond pas à tous, alors je m’adapte à eux et me tourne également vers d’autres sources d’inspiration. Tous les professionnels du cheval, quel que soit le milieu dans lequel ils évoluent, devraient échanger et travailler ensemble. Camille Condé-Ferreira, qui vient de temps en temps à l'entraînement chez mon père pour s’amuser, progresser et comprendre, demande régulièrement quel soin apporter pour tel problème, par exemple. Beaucoup de cavaliers de sport s'intéressent aux courses, notamment les complétistes. Nicolas Touzaint a déjà monté à Auteuil dans les courses de haies, Astier Nicolas possède une licence... Cependant, pour que chacun puisse découvrir ces milieux et y piocher ce qu’il souhaite, il faudrait qu’ils soient plus accessibles et ouverts.”

Bien entendu, “le point commun entre toutes ces activités reste le cheval”, que Camille ne voit pas “comme un outil de travail, mais comme un collègue ou un coéquipier.” “Leur entraînement me passionne et la compétition est l’aboutissement de tout un travail avec l’animal, qui doit toujours passer au premier plan et être considéré en tant qu’individu”, assène-t-elle. “En septembre 2022, j’ai débuté un Diplôme d’État supérieur de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DESJEPS) en apprentissage chez Nicolas Blondeau, qui est à l’origine de la méthode de débourrage et de rééducation éponyme. Il est passionné par les chevaux et son approche donne d’excellents résultats. Il prend tous les chevaux au travail, quelle que soit leur race ou la discipline qu’ils pratiquent, ce qui me correspond très bien. Travailler auprès de lui m’a beaucoup appris, j’ai évolué dans mon équitation et ma manière de voir le cheval. Nous avons pas mal de cours sur le monde sensoriel du cheval, son environnement naturel, le comportementalisme, etc. Beaucoup de choses sont importantes à prendre en compte en tant que cavaliers. Le cheval reste une proie dont il faut analyser les réactions et respecter la manière de réfléchir. En tout cas, lorsque je vois Nicolas qui ne cesse de se remettre en question alors qu’il doit avoir environ soixante-dix ans, et qui est toujours aussi motivé par ce qu’il fait, je me dis que j’aimerais beaucoup garder la même passion que lui avec le temps.

Très rares sont les cavaliers qui, comme Camille Collet-Vidal, parviennent à se faire une place à la fois dans le milieu des courses et dans les sports équestres à un très bon niveau. Il faut dire que jongler entre ces deux milieux demande énormément de passion, d’investissement et d’organisation. Mais rien n’effraie la cavalière, qui envisage même de bâtir un projet fondé sur cette double activité “si c’est réalisable, car cela ne doit pas se faire au détriment d’une de ces deux disciplines.” “Je ne veux pas faire les choses à moitié”, affirme celle qui a pour objectif, à terme, d’entraîner des galopeurs tout en concourant à haut niveau en complet ou en jumping. “Le problème, c’est le temps, mais l’entraînement des chevaux de course a lieu uniquement le matin, donc je pense que je pourrais m’occuper de la partie sport l’après-midi. Pour cela, il faudrait, en revanche, que j’arrive à mettre en place une organisation extrêmement précise.” 

Pour l’heure, la Picarde prépare un Diplôme d’État supérieur de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DESJEPS). “J’ai déjà un Diplôme d’État de la Jeunesse, de l’Éducation Populaire et du Sport (DEJEPS), qui me permet d’enseigner, mais ce nouveau diplôme me permettra de former des enseignants”, explique-t-elle. “À vrai dire, c’est la qualification qui m’intéresse le plus sur les plans théorique et pratique. Mon année de BPJEPS m’a fait comprendre que je ne voulais surtout pas enseigner à une grande quantité d’enfants qui, pour beaucoup, me disaient n’être là que parce que leurs parents l’avaient décidé pour eux. Je pense que les chevaux n’ont pas besoin de cela et je les affectionne trop pour les voir montés par des gens qui ne les aiment pas à leur juste valeur. Elle m’a cependant apporté des connaissances qui me sont encore utiles aujourd’hui. J’adore enseigner en général, mais il faut que mes élèves soient motivés et passionnés. Je coache quelques personnes en compétition, notamment en complet, et en saut d’obstacles, j’en suis également deux ou trois durant toute la saison.

Très rares sont les cavaliers qui, comme Camille Collet-Vidal, parviennent à se faire une place à la fois dans le milieu des courses et dans les sports équestres à un très bon niveau.

Très rares sont les cavaliers qui, comme Camille Collet-Vidal, parviennent à se faire une place à la fois dans le milieu des courses et dans les sports équestres à un très bon niveau.

© Collection privée



Ulman, un rescapé au grand cœur

En plus d’enseigner, Camille Collet-Vidal monte plusieurs chevaux de sport qui lui sont confiés par des propriétaires. “C’est assez intéressant car je peux commencer à me créer mon réseau et faire évoluer les chevaux”, considère-t-elle. “J’ai notamment un cheval prometteur, Camelot du Nord (OC, Trésor x Pyrrhus III, qui s’est montré performant en CCI 3*-S l’an passé, ndlr), qui m’est confié par sa naisseuse, Amélie Ehrnrooth. Celle-ci est également éleveuse dans le milieu des courses, et c’est d’ailleurs ce qui l’a fait venir chez moi. Je pense donc que je peux me créer une petite clientèle de propriétaires qui viennent du milieu des courses et peuvent me faire confiance et que ma double casquette peut, là-encore, être un atout. J’aimerais bien amener les clients des courses, qui ont souvent plus de moyens financiers, à s’intéresser au sport et ainsi mélanger ces deux milieux. Cela ferait du bien au complet d’avoir plus d’investisseurs.”

Si Camelot du Nord, âgé de onze ans, semble doté de toutes les qualités pour prendre la relève d’Ulman, celui-ci reste pour l’heure bien le cheval de tête de Camille, qui a rencontré le hongre alors qu’elle n’avait que treize ans. Ensemble, ils ont gravi un à un les échelons, d’abord en saut d’obstacles, où ils sont passés des épreuves à 1,20m à celles à 1,35m, puis en complet, où ils ont débuté en Amateur trois pour finalement atteindre les CCI 3*-L. “C’est le cheval de ma vie”, confesse la Picarde. “La plupart des cavaliers ont un cheval à qui ils doivent leur carrière et pour moi, Ulman, même si je l’ai peut-être rencontré un peu tôt. Lorsque je lui ai demandé d’aller faire du trois étoiles en complet, il a l’a fait avec son cœur et a tout donné alors même qu’il est très fragile sur le plan immunitaire. Par exemple, nous ne pouvons pas lui faire de piqûre car il est allergique à tout, et nous avons d’ailleurs failli le perdre il y a deux ans. Je l’ai mis au repos quelques semaines et quand je l’ai récupéré, il a fait une embolie pulmonaire. Des litres de pus lui sortaient de la trachée, c’était horrible. Le vétérinaire n’avait pas d’autre choix que de lui faire des piqûres pour lui sauver la vie, mais comme il était allergique, il ne les supportait pas et tombait dans son box. Il a observé cinq mois de convalescence à l’issue desquelles j’avais décidé de le mettre à la retraite, mais il sautait les clôtures et semblait s’ennuyer, donc je l’ai remis au travail, sans penser toutefois que je l’engagerais de nouveau en compétition. Finalement, j’ai réalisé ma meilleure saison cette année-là! Il a disputé la Pro 1 du Lion-d’Angers, à l’issue de laquelle nous avons été sélectionnés pour les championnats d’Europe Jeunes en tant que réservistes alors que cela ne faisait que trois ans que nous faisions du complet! Cette année, je l’ai engagé directement dans la Pro 1 de Saumur en début de saison car il a du métier, mais j’avais changée de mors, et je pense que c’est peut-être la raison pour laquelle il s’est arrêtée, ce qui nous a conduit à ne pas terminer la compétition. Je vais essayer de retourner disputer un CCI 3* en fin de saison avec lui, mais ce sera une de ses dernières années car je l’aime et veux faire passer sa santé avant tout. En complet, l'entraînement est tellement précis que tous les jours, j'ai peur d’en faire trop. Je me remets sans cesse en question car au beau milieu d’une saison, une méthode d’entraînement qui fonctionnait avec un cheval peut ne plus être adaptée. Avec Camelot du Nord, j’aimerais pouvoir disputer un jour le championnat du monde (non officiel, ndlr) des moins de vingt-cinq ans à Bramham. Je ne connais pas encore ses limites, et peut être qu’il me les montrera avant qu’on en arrive là.

Bien entendu, “le point commun entre toutes ces activités reste le cheval”, que Camille ne voit pas “comme un outil de travail, mais comme un collègue ou un coéquipier.”

Bien entendu, “le point commun entre toutes ces activités reste le cheval”, que Camille ne voit pas “comme un outil de travail, mais comme un collègue ou un coéquipier.”

© Collection privée



“Nous n’avons qu’une seule vie, donc il serait bête de ne pas faire à fond ce que nous aimons!”

Côté courses, Camille n’est plus propriétaire de chevaux puisque cela est interdit aux jockeys professionnels. “J’avais une jument qui a été gagnante en courses de Groupe 2”, explique la cavalière. “Ma jument est alors partie au haras. Quant aux chevaux que j’avais en commun avec ma sœur, celle-ci a racheté mes parts. Elle adore les chevaux et a d’ailleurs vu l’un des siens remporter par deux fois l’Anjou Loire Challenge, qui est la plus grande course de cross au monde et se court chaque année au Lion-d’Angers.” Si elle n’est plus propriétaire de galopeurs, la Picarde possède la moitié de Calipsso de l’Illon (SF, Quite Easy x Damiro B), actuellement monté par Nicolas Touzaint. “J’avais acheté ce cheval chez lui pour mon entrée au Pôle France, mais la vie là-bas ne lui convenait vraiment pas. Les résultats en concours n’étaient pas à la hauteur de nos attentes, il se montrait délicat et j’avais trop de chevaux à l’École, donc nous avons choisi de le remettre chez Nicolas. Depuis, il se porte très bien et a concouru jusqu’en 4*.”  

Malgré ses nombreux succès dans les deux milieux, certains ont encore du mal à comprendre le choix de Camille de mener de front études, courses et sports équestres. “Il y a plus de gens qui ne me comprennent pas que l’inverse”, regrette-t-elle. “Au quotidien, j’ai la chance d’être vraiment soutenue par ma famille, qui me pousse à fond dans ce que je veux faire, même si mon père ne comprend pas trop le milieu du sport, car il rapporte peu à ses yeux. Ma mère me suit partout et je l’ai même initiée au saut d’obstacles! Quant à ma sœur, c’est ma plus grande supportrice. Quand elle ne travaille pas, elle essaie de venir me voir monter, en course ou en concours, et elle adore l’ambiance du complet. De manière générale, quand tout va bien, que je gagne une course le samedi et déroule un sans-faute le dimanche, les gens me soutiennent et m’encouragent à continuer, mais il suffit qu’il y ait une baisse de régime dans l’une des deux disciplines, pour que l’on me dise que si je n’y arrive pas, c’est parce que j’en fais trop et que je dois arrêter l’une des deux disciplines. Tout marche un peu par période, certaines sont plus difficiles que d’autres, mais il faut savoir se relever.” Si la cavalière se lève tôt et parvient presque à caser deux journées en une, il faut dire que cela s’accorde parfaitement avec son caractère. Touche à tout et très curieuse, la jeune femme évoque ses TRÈS nombreuses passions avec beaucoup d’humour. “J’en ai beaucoup trop, et malheureusement, je ne peux pas tout faire”, rigole-t-elle. “Je suis passionnée de sport en général, et de l’ensemble des disciplines équestres, que je pratiquerais toutes si je le pouvais (rires). J’ai un temps voulu essayer l’endurance, mais j’avais bien trop peur d’accrocher et de finalement vouloir pratiquer cette discipline en plus (rires). J’adore suivre le tennis à la télé et je fais du piano, mais j’aurais aussi aimé pratiquer la danse. Nous n’avons qu’une seule vie, donc il serait bête de ne pas faire à fond ce que nous aimons! Je ne veux pas regretter, dans dix ans, de ne pas avoir fait telle ou telle chose. Que ce soit en saut d’obstacles ou en complet, ou les deux (rires), participer aux Jeux olympiques est l’un de mes objectifs. Frédéric de Romblay, chez qui je montais plus jeune, a disputé presque toutes les plus belles épreuves de concours complet qui existent, mais n’a jamais pu participer aux JO car son cheval s’était blessé, donc si j’ai un jour la chance de m’y rendre, je considérerai cela comme une revanche pour lui!



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