“Nous ne pouvons pas aller plus vite que les chevaux, les former prend du temps !”, Romain Duguet

Auteur d’un début de saison remarquable aux côtés d’Hunger Games du Champ du Bois et de Bel Canto de Boguin, le Suisse Romain Duguet souhaite revenir sur le devant de la scène sportive à très haut niveau. Rencontré à l’occasion du Longines Deauville Classic, le quadragénaire installé en France revient sur son début d’année sportive, la forme de ses chevaux, le circuit de la Fédération européenne, ainsi que sur l’équipe suisse et ambitions pour l’avenir.  



Comment allez-vous? Comment se passe cette première moitié d’année 2023?  

Je vais très bien ! Tout va bien, je ne dois pas me plaindre ! J’ai à nouveau de bons chevaux. Hunger Games du Champ du Bois (sBs, Elvis Ter Putte x Mytens), qui a maintenant dix ans, commence à courir de belles épreuves. Bel Canto de Boguin (SF, Grenat de Grez x Arpege Pierreville) a douze ans et gagne beaucoup. L’année se passe plutôt bien ! 

Justement, Bel Canto de Boguin, que vous montez depuis 2019, réalise un beau début de saison. Comment progresse-t-il?  

Depuis le début de l’année, il est presque tout le temps classé et a aussi gagné (depuis janvier, le couple a remporté quatre épreuves à 1,45m ou 1,50m, notamment aux CSI 2* de Fontainebleau, CSIO 3* de Mannheim ou CSI 3* de Gorla Minore, ndlr). Bel Canto est très généreux, possède énormément de qualités et le monter me donne beaucoup de plaisir. Il est top ! C’est un vrai cheval de concours comme on en rêve. Il joue toujours le jeu pour gagner, c’est génial ! Il peut concourir dans les épreuves à 1,50m et les Grand Prix 3*. Il ne gagnera pas les Grand Prix 5* mais il est très compétitif.  

Comment envisagez-vous la suite avec lui?  

Le but est de le garder en bonne santé, qu’il continue à gagner des épreuves et qu’il continue à me qualifier pour des Grands Prix dans de concours importants. En juin, il s’est placé troisième du Derby de La Baule, qui est déjà une très belle épreuve. Bel Canto fait partie des très bons chevaux et beaucoup de cavaliers aimeraient l’avoir dans leurs écuries.  

Au début de l’été à Fontainebleau, vous aviez dit avoir au programme le CSIO 5* de Falsterbo puis le CSI 4* de Courlans, où vous n’avez finalement pas concouru. Pourquoi avoir changé vos plans?  

Je devais y aller, oui. Hunger Games devait sauter à Falsterbo mais il a attrapé une bactérie dans les poumons et n’était pas du tout en forme. Je ne voyais donc pas l’intérêt de m’y rendre. Pour compenser, je suis allé au CSI 3* de Megève avec Bel Canto comme cheval principal. Il s’y est placé troisième dans le Grand Prix. J’ai pris la décision de ne pas aller à Courlans avant de venir ici, au CSI 4* de Longines Deauville Classic. Hunger a concouru hier et va disputer le Grand Prix dimanche (bouclé avec quatre points, ndlr). Il est de nouveau en forme. Falsterbo s’est disputé au moment où le cheval était malade ; il n’avait ni énergie ni souffle mais il est de nouveau très en forme physiquement. Il faut désormais juste qu’il revienne au niveau où il était précédemment. Il n’y a pas de catastrophe, loin de là !  

Pensez-vous pouvoir regagner au plus haut niveau avec Hunger Games du Champ du Bois? Quel est son potentiel?  

J’espère bien ! Il a écopé de quatre points dans le Grand Prix CSIO 5* de Saint-Gall, son premier véritable Grand Prix 5*. Cela nous montre qu’il en a le niveau. Il a signé un bon concours à Genève l’année dernière en se classant septième dans une épreuve à 1,60m le samedi. Il était bien dans la Coupe des nations 3* de Mannheim en mai (le bai n’a eu à prendre part qu’à un seul parcours, bouclé avec un point, ndlr). Hunger a déjà réalisé quelques belles choses. Je pense qu’il a l’envergure pour décrocher des parcours sans faute en Grands Prix 5*.  

A-t-il l’étoffe d’un cheval de championnat? 

Tant que les chevaux n’ont pas pris part à un championnat, cela est difficile à dire. Je sens qu’il n’est pas du genre à lâcher son cavalier. C’est une qualité nécessaire pour concourir dans un championnat. Toutefois, en Suisse, nous avons déjà quatre ou cinq cavaliers en grande forme. Se faire une place parmi eux n’est pas chose facile. Mais c’est une bonne chose, cela nous pousse à être toujours meilleur ! Est-ce qu’il prendra part à un championnat un jour ? Avec moi, je l’espère ! Peut-être qu’il sera vendu d’ici-là, je ne sais pas car nous ne savons jamais de quoi demain sera fait ! Mais il montre de belles dispositions pour faire deux ou trois grands résultats dans sa carrière.  

Est-ce un cheval voué à être commercialisé?  

Pour l’instant, rien n’est fait ni décidé. Il est chez moi pour le sport donc nous verrons bien quelle sera la suite avec lui.  

Quelles sont ses plus grandes qualités et quels peuvent être ses défauts? 

Hunger est un cheval respectueux mais ce n’est pas le plus rapide au sol. Pour une épreuve de vitesse, il n’est pas celui que l’on donne gagnant. À la maison, il est un peu fainéant. En revanche, lorsqu’il est motivé, il peut faire de très belles choses.  

Hunger Games et Romain Duguet au Longines Deauville Classic, où ils ont terminé seizièmes du Grand Prix du dimanche.

Hunger Games et Romain Duguet au Longines Deauville Classic, où ils ont terminé seizièmes du Grand Prix du dimanche.

© Pixels Events



“Michel Sorg m’a toujours dit qu’il me ferait confiance”

Sur quels autres chevaux pouvez-vous comptez pour les compétitions internationales? 

J’ai des chevaux de huit, sept et six ans. Nous essayons toujours d’avoir des chevaux d’avenir pour préparer la suite. Former de jeunes chevaux a toujours été très important pour moi. À l’exception de Le Prestige Saint Lois (SF, Quidam de Revel x Grand Veneur), que nous avions racheté et qui était monté par Kevin Staut, j’ai formé tous mes autres chevaux. Quand ce sont de bons chevaux, j’y prends du plaisir. 

De la même manière que Janika Sprunger, vous avez fait votre grand retour en équipe de Suisse en 2023, à Mannheim puis à La Baule, après plusieurs années en retrait. Comment s’est passé votre réapparition avec la veste rouge? 

J’ai toujours dit que si j’avais un cheval qui le permettait, Michel (Sorg, directeur de la Fédération suisse des sports équestres, qui occupe encore le poste de sélectionneur de l’équipe nationale de saut d’obstacles cette saison, ndlr) pourrait m’appeler et je répondrai présent. Le concours de La Baule ne s’est pas déroulé comme voulu (avec douze points dans chacune des manches de la Coupe des nations, ndlr). Je pense qu’Hunger était déjà un peu moins bien à cause de cette bactérie, puisque tout de suite après la compétition, il n’était pas en forme. Je pense que cela est lié. Bien évidemment, j’aurais aimé faire mieux. Michel Sorg m’a toujours dit qu’il me ferait confiance. Il était donc prévu d’emmener le cheval à Falsterbo, pour lui donner sa chance. Nous n’avons finalement pas pu le faire. C’est ainsi. Tout n’est pas fichu. J’ai très envie d’être de nouveau sélectionné pour un championnat. J’ai toujours aimé représenter l’équipe suisse et je l’aimerai toujours, il n’y a pas de discussion là-dessus! (Sourire) 

Vous avez participé plusieurs étapes du circuit des Coupes des nations de la Fédération européenne. Que pensez-vous de cette série et de la qualité de ses étapes? 

Je trouve que c’est un très bon circuit qui permet de faire évoluer des chevaux qui ne sont pas forcément aguerris. Il permet de voir si les chevaux tiennent bien la pression lorsqu’il y a plus d’enjeu. Quand ce sont les cavaliers qui ont moins d’expérience, ils peuvent aussi se faire la main. Les épreuves sont moins hautes qu’en 5* (les Coupes des nations culminent à 1,45m ou 1,50m, ndlr). La compétition est donc plus ouverte. Dans mon cas, le circuit m’a permis de continuer à courir des Coupes des nations quand j’avais des chevaux moins aguerris. Nous restons ainsi confrontés à ces journées avec plus d’enjeu et de pression. Le circuit est bien doté. Quand nous nous rapprochons de la finale ou de la demi-finale (organisée à Deauville par les équipes de GRANDPRIX Events cette année, ndlr), ce sont des très beaux concours. Je trouve qu’il s’agit d’une très bonne initiative car cela permet à plein de chevaux et de cavaliers d’éclore. Quand nous n’avions que les 5* ou d’autres concours moins bien dotés, nous donnions moins d’importance à cela donc je trouve que ce circuit est très positif! 

Comment va s’organiser le reste de votre année 2023?  

Le prochain objectif pour moi sont les championnats de Suisse à Ascona, qui se tiendront après la Grande Semaine à Fontainebleau. Il y aura aussi le CHI de Genève. Je vais essayer d’y signer un bon Grand Prix, une bonne performance avec Hunger Games en fin d’année. Entre temps, nous essayerons de décrocher quelques beaux concours.  

Quels sont vos ambitions à moyen et long terme?  

Continuer à être présent sur les CSI 4 et 5*, aider l’équipe suisse quand je le peux et que j’ai un bon cheval ainsi que revenir sur le tout devant de la scène. Avoir des sélections pour dire que l’on en a, ça ne m’intéresse pas. En avoir pour gagner avec l’équipe, cela m’intéresse. Nous ne pouvons pas aller plus vite que les chevaux, les former prend du temps. Aujourd’hui, je suis à la porte d’être de nouveau présent. Cela ne sert à rien d’aller plus vite. Ce sont les résultats qui parlent, quand nous en avons, nous sommes sélectionnés. J’adore ce sport, il me fait vibrer tous les jours. Je n’ai pas envie d’arrêter! (Rires) 

“Bel Canto est très généreux, possède énormément de qualités et le monter me donne beaucoup de plaisir. Il est top !”, Romain Duguet

“Bel Canto est très généreux, possède énormément de qualités et le monter me donne beaucoup de plaisir. Il est top !”, Romain Duguet

© Scoopdyga



“Tous les voyants sont au vert pour que la Suisse obtienne un grand résultat”

L’équipe suisse pour les championnats d’Europe est connue. L’enjeu est grand, avec une avant-dernière chance de qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Qu’en pensez-vous?  

En ce moment, l’équipe suisse marche sur l’eau! (Rires) Pour moi, il n’y a pas de débat; les sélectionnés sont les quatre meilleurs que nous avons actuellement… et les quatre chevaux sont en pleine forme! Tous montent super bien et j’espère qu’ils vont se qualifier pour les Jeux olympiques de Paris 2024 en décrochant même une médaille. Ce serait mérité, compte-tenu de la forme actuelle des couples. Nous ne sommes jamais sûr dans notre sport, mais tous les voyants sont au vert pour qu’ils obtiennent un grand résultat, et même, qu’ils conservent le titre de champions d’Europe par équipes acquis à Riesenbeck il y a deux ans. La Suisse fait toujours partie des grands favoris dans un championnat. Avec la forme et la détermination des quatre couples et même si rien n’est écrit dans notre sport, cela est tout de même bien parti.  

Quels seront ses plus grands concurrents? 

La France a une bonne équipe, l’Irlande aussi. On a aussi vu la Grande-Bretagne gagner à domicile (la Coupe des nations du CSIO 5* d’Hickstead, ndlr), mais il y a aussi la Belgique, l’Allemagne ou la Suède. L’Europe est un continent comptant beaucoup de nations fortes. Bien sûr, même en faisant un championnat correct, nous pouvons vite nous retrouver cinquième. Il est dur de dire qui gagnera mais la Suisse fait clairement partie des favoris.  

À un an des Jeux olympiques de Paris 2024, pensez-vous que la Suisse pourra prétendre à une médaille? 

Ils peuvent même faire le doublé! Nous voyons Steve (Guerdat, ndlr) qui a de nouveau une très bonne jument, peut-être la meilleure qu’il n’a jamais eue, Dynamix (de Belheme, ndlr). Martin (Fuchs, ndlr) a une écurie fournie. Si Gamin (van't Naastveldhof, ndlr), le cheval d’Édouard (Schmitz, ndlr), reste dans cette forme, il peut être une force précieuse pour l’équipe. Dubaï (du Bois Pinchet, ndlr), la jument de Bryan (Balsiger, ndlr), saute vraiment bien. Je pense qu’il ne faut pas oublier Janika (Sprunger, ndlr), qui arrive avec une jument de neuf ans (Orelie, ndlr) ayant signé un super été. L’année prochaine, elle aura dix ans et davantage d’expérience. Nous savons que Janika est une super coéquipière et avec qui j’ai beaucoup concouru. Je l’adore et la trouve bourrée de talent. Elle sait très bien travailler et est toujours là quand on a besoin d’elle. Si cela continue, il va être difficile de savoir qui il faudra laisser à la maison! Les JO sont dans un an, il peut encore se passer beaucoup d’imprévus. J’espère que tous les chevaux vont rester en forme et en bonne santé jusque-là. Connaissant bien Steve, tout son talent et sa détermination dans les grands évènements, il est pour moi un des grands favoris pour un titre olympique l’année prochaine. Je lui souhaite. Martin a un aussi un super cheval. Edouard, s’il continue sur sa lancée, fera partie du voyage et a aussi tout à fait le talent pour être là. J’aimerais qu’ils gagnent en équipes pour commencer, et pourquoi pas finir le travail en individuel. Ce sont des personnes que j’aime bien, nous nous respectons tous. Je leur souhaite beaucoup de réussite.  

La Suisse regorge de jeunes talents à l’instar d’Edouard Schmitz ou Bryan Balsiger. Comment expliquer un tel vivier de jeunes talents helvètes?  

En Suisse, l’équitation est très médiatisée. Les concours de Bâle ou Genève passent en direct à la télévision. Je pense que cela donne à certains jeunes l’envie de monter à cheval. Un athlète comme Steve est un bel exemple sur la façon d’appréhender le sport correctement, qui plus est avec une bonne équitation. Je pense que nous avons une très bonne formation des Juniors et Jeunes Cavaliers, qui sont très encadrés. Si nous regardons tous les cavaliers, ils ont une belle équitation classique. Les chevaux sont toujours bien formés et montés. Je pense que cela passe par là pour voir de nouveaux talents apparaitre. Des concours comme Saint-Gall, Bâle, Genève ou Zurich avant, sont toujours ouverts pour les Juniors et les Jeunes Cavaliers. Ils peuvent alors se faire la main et apercevoir l’univers du très haut niveau. Quand vous avez la chance de monter à seize ou dix-sept ans dans un de ces concours, vous êtes forcément plongé dans le grand bain assez tôt. Vous arrivez à vingt-cinq ans et êtes déjà dans cette routine. Dans chaque pays, il y a de bons propriétaires et de bons sponsors pour avoir de très bons chevaux, la Suisse en fait partie.  



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