Rénovés, griffés, lissés ou drainés: entretenez vos sols pour garder leur forme
Parmi tous les aménagements d’une écurie, les sols figurent parmi les plus importants et les plus assujettis à un entretien précis et régulier. Au-delà du simple rectangle de sable apparent, une aire équestre doit être suffisamment solide pour durer vingt à trente ans. Entre rénovation et conservation, les professionnels du secteur livrent leur expertise.
Rénover son sol de carrière ou de manège répond à deux problématiques: soit l’aire équestre montre des traces d’usure et donc de dysfonctionnements, soit elle est apte mais a besoin d’être améliorée dans son confort et sa consommation en eau. “Nos chantiers concernent des rénovations à 40%, contre 60% de créations”, introduit Victoria Bonnet, ingénieure commerciale en sols équestres chez ÉCOÉCURIE, marque du groupe ÉCOVÉGÉTAL, localisée à Broué, en Eure-et-Loir. “Il y a des rénovations simples, ne concernant qu’un changement de la couche de travail, et celles plus complexes, comportant également un travail des fondations, autrement dit du fond de forme. Nous proposons souvent la pose de dalles stabilisatrices (une des spécialités d’ÉCOÉCURIE, fabriquées en PEBD, 100% recyclées et recyclables, se posant facilement grâce à leur système d’attache par tenons-mortaises, ndlr), à installer entre la couche de travail et le fond de forme. Des dalles de subirrigation (système Hydroground chez ÉCOÉCURIE, ndlr) sont également parfaites lorsqu’il est question de rénovation d’une carrière dans le but d’en changer l’entretien hydrique. Le plus compliqué est de faire face à un fond de forme de qualité inégale. Dans ces cas-là, malheureusement, il n’y a pas d’autres choix que de tout enlever pour tout refaire, car bricoler quelque chose sur la fondation reviendrait à panser une jambe de bois.” Autrefois marginales, les dalles ont gagné en popularité et s’invitent sur de nombreux chantiers. “Les dalles de stabilisation plaisent autant aux particuliers qu’aux professionnels”, appuie Guillaume Derolez, directeur général de Valinéo, sise à Barenton, entre Avranches et Argentan, dans la Manche. “Un particulier constitue souvent un panier moyen de 50 à 100m2, quand un professionnel vise plutôt les 500 à 1000m2. Elles se posent facilement avec l’appui de deux personnes (une dalle peut peser de 25 à 30kg, ndlr). La demande est croissante et répond aussi bien aux besoins de création que de rénovation de sols équestres.”
Environnement et recyclage, quand la préservation des ressources s’installe
“Beaucoup de nos récents projets de rénovations ont porté sur une réduction de consommation de l’eau”, relate Édouard Seynhaeve, cogérant de la société Environnement Équestre, établie à Fontenay-en-Parisis, dans le Val-d’Oise. “La sécheresse ressentie et médiatisée a fait bouger les consciences, et le désir de préserver l’eau s’est accru. Pour ceux qui ne peuvent intégrer la subirrigation pour une question de budget, le fibrage des carrières est une bonne solution.” Le fibrage consiste à incorporer une petite part de fibres synthétiques recyclées ou des copeaux de géotextile dans une aire équestre sablée pour en améliorer la tenue et la consommation en eau. La fibre synthétique, majoritaire en France, laisse parfois la place à d’autres matériaux tels que le feutre ou le caoutchouc. “Attention au recyclage lorsqu’il est question de rénovation!”, alerte Arnaud Malgras, gérant de la société Équiplus Sols Équestres, installée à Noisseville, en Moselle. “Nous avons rénové beaucoup de pistes constituées de broyats de pneus, et la solution pour le recyclage a été presque aussi coûteuse que la carrière elle-même.”
En effet, si le sable pur peut facilement être utilisé pour un autre usage, un sable trop usé mélangé à des matières synthétiques devient un déchet. “Un sable de carrière peut se dégrader à l’usage à cause de la pollution des matières organiques – crottins, feuilles mortes (une eau polluée et / ou croupie peut avoir le même effet, ndlr)”, commente Aimery Gregori, gérant de Fibersoil, installée à une trentaine de kilomètres au sud de Paris. “Généralement, l’aspect visuel change – le sable s’assombrit – et le rendu sportif n’est plus le même: le sable devient poussiéreux et dur en été, et glissant et plastique en hiver. En outre, il répond moins bien au hersage et à l’arrosage. Jusqu’ici, la seule solution était de retirer tout le sable et de le remplacer par un sable neuf. Une opération redoutée par les propriétaires de carrière et manège, car coûteuse sur tous les plans. Pour parer à cela, nous travaillons actuellement sur un procédé de nettoyage du sable équestre usagé. Nous décaissons le vieux sable et, par un procédé industriel de cyclonage, nous évacuons les fibres usagées et les fines du sable. Cette opération est réalisée sur site avec notre centrale mobile de traitement. Le fait de pouvoir se déplacer directement sur le site est un atout économique pour nos clients, car nous leur évitons les frais de remplacement du sable et son transport, et solutionnons le problème de mise en décharge que représente le sable fibré usagé.” Prévue à l’horizon d’avril 2024, la centrale dépolluera en cinq jours un manège de 1200m2. L’opération coûte 40% moins cher qu’un changement classique de sable. “Notre activité subit des changements liés aux différentes transitions économiques, écologiques et sociales. Aujourd’hui, les pratiquants souhaitent que nos activités soient davantage en accord avec des valeurs d’écoresponsabilité. L’achat des matières premières est de plus en plus tendu, et les transports et la limitation des ressources nous montrent que les méthodes que nous employons aujourd’hui sont loin d’être viables à long terme. Dès lors, rénover un sable grâce à un processus de lavage sur place nous paraît une bonne solution, car il réduit les mises en décharge des vieux sables équestres et minimise les transports et les émissions de CO2.”
Enfin, à l’instar des fibres qui sont mélangées au sable pour en améliorer la tenue en eau, on retrouve également des matériaux recyclés dans des dalles de PVC, installées en soutien du drainage et de la fondation. “Nous produisons des dalles de stabilisation 100% recyclées et recyclables grâce aux déchets plastiques que nous récupérons sur place lors de notre action de recyclage du cuivre des câbles électriques, notre cœur de métier”, seconde Guillaume Derolez. “Ces dalles de sol alvéolées (de la marque Valisol, créée il y a un an par la société Valinéo, ndlr) n’ont pas de normes spécifiques. Elles doivent simplement répondre aux mêmes normes que les équipements de voirie – test de charge, garantie de non-pollution, etc. Néanmoins, cela nous tenait à cœur qu’elles permettent de conserver la perméabilité du sol.” Un coup d’avance afin de répondre à la loi dite “climat et résilience”, votée le 22 août 2021, inscrivant dans ses textes l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN), souhaitant limiter l’imperméabilisation des sols.
Le carnet d’entretien, conseiller pour mieux faire durer
“À la fin de chaque chantier, nous remettons un livret d’entretien à nos clients avec toutes les consignes à respecter pour que la carrière dure dans le temps”, reprend Édouard Seynhaeve. “Ce livret concerne l’arrosage, le hersage et la nécessité de ramasser les éventuelles feuilles mortes et les crottins. Ces derniers sont encore mal-aimés et ne sont pas toujours proprement ramassés. Pire, on peut voir certains cavaliers passer sciemment sur le crottin pour le disperser! Ce dernier est un apport de matières organiques néfaste pour le sable, car il va l’engluer et le rendre vaseux et glissant. Il faut absolument investir dans une bonne pelle à crottin, et aussi dans de l’huile de coude! On note que les clients sont désormais davantage sensibilisés au bon entretien d’une carrière – qui, rappelons-le, représente un gros budget – et sont plus prompts à nous contacter s’ils ont une question. Ils ne doivent pas hésiter, car cela fait partie de nos services après-vente! Nous pouvons donner des conseils sur une base iconographique (photo ou vidéo), ou nous déplacer sur le lieu si le client le demande.”
Concernant l’usage d’une carrière ou d’un manège, y a-t-il des interdictions? “Plusieurs propriétaires nous demandent pourquoi certains centres et écuries interdisent qu’on longe un cheval ou qu’on le laisse en liberté dans la carrière”, poursuit Édouard Seynhaeve. “Il y a deux explications à cela : un cheval longé de manière parfaite évolue sur des cercles, des lignes droites et change continuellement de dessin de déplacement; un tel cheval ne va donc poser aucun problème. Néanmoins, un équidé longé par un cavalier peu averti restera uniquement sur un même cercle et creusera la carrière. Dans la même veine, un cheval lâché en liberté va gratter à plusieurs endroits, par jeu ou pour se rouler. Cela n’abîmera pas le fond de forme – sauf si la carrière est mal faite –, ni la couche de travail. Cependant, que le sol soit creusé par un sabot ou par un cercle de longe, il va nécessiter obligatoirement un hersage, ce qui n’est pas envisageable si l’écurie compte vingt à trente cavaliers. Par commodité et pour le bien-être de tous les couples, l’interdiction de la longe et de la liberté a donc été instaurée par plusieurs écuries.”
Herser n’est pas jouer
“On a tendance à utiliser le terme “herser” pour tout ce qui concerne l’entretien de la carrière, alors qu’il faut bien distinguer la barre de lissage, qui compacte le sol et le nivelle légèrement, de la herse, qui le décompacte en le griffant”, commente Florence Bord, cogérante de la société Bord Sol, établie à Chalain-le-Comtal, en Auvergne-Rhône-Alpes. En griffant ainsi le sable, la herse supprime la cohésion des grains des sables agglomérés. L’entretien d’un sol équestre par action mécanique s’envisage selon plusieurs facteurs: la taille de la carrière, le type de sol, ainsi que la puissance et la largeur du véhicule tracteur. “Il existe des modèles de herses ou de barres à lisser, ainsi que des modèles combinant les deux systèmes”, reprend Florence Bord, dont la société, présente sur les sols pérennes et événementiels, vend également des herses combinées. “Investir dans une herse adaptée permet une maintenance capitale pour préserver le sol et pérenniser les bénéfices de la solution technique mise en œuvre.”
Une herse peut être tractée par un quad ou un tracteur. “Connaître le véhicule utilisé pour la traction est souvent la première question posée au client. Un quad aura un seul point d’attache, quand le tracteur en avancera trois, permettant généralement davantage de réglages. Le tracteur sera équipé de manière préférentielle de roues spéciales gazon, pour un déplacement plus léger. Il est important de connaître l’écartement des traces des roues afin d’acquérir une herse compensant ces dernières. Il faut également connaître la nature du sable et son usage.” Si les herses sont conçues pour durer, elles n’en sont pas moins sujettes à l’usure entraînée par l’abrasion des grains de sable. “Un check-up régulier permet de vérifier l’usure des pièces et de procéder à leurs changements. Une herse bien réglée est un atout précieux, et sa conduite l’est tout autant. Mieux vaut effectuer des tournants doux (c’est une nécessité moindre lorsque la herse est articulée, ndlr) et cheminer lentement le long des bords de la carrière afin de ne pas créer un bourrelet sableux”, achève Florence Bord. “Herser n’est pas évident, car c’est une affaire de ressenti”, poursuit Édouard Seynhaeve. “Il faut se mettre à la place du cheval et comprendre ce qui est bénéfique pour lui. Le dessin du hersage ne doit pas être esthétique, mais efficace. On ne commence pas en bord de piste mais en piste interne, par exemple, pour ne pas accentuer le côté “sol en bateau” avec beaucoup de matière sur les bords, à l’instar d’une litière de paille posée en bateau. Il faut également déplacer les obstacles afin de herser de manière homogène.”
Un hersage sur une carrière classique de 40x20m s’effectue en une vingtaine de minutes, sans compter, en amont, le temps des réglages de profondeur de la herse ainsi que son attache à un tracteur. “Dans tous les cas, il faudra prêter attention au modèle de la herse. Certaines d’entre elles ne sont adaptées qu’à un sable pur et, dans ce cas, c’est indiqué à l’achat. Une herse non adaptée à la fibre va créer des bouloches de matière dès qu’elle sera en action. Au contraire, une herse adaptée va permettre de griffer la fibre, la “friser” sans l’agglomérer. Enfin, le hersage d’une piste fibrée ne diffère pas de celui d’une piste 100% en sable lorsque le sol est en condition sèche. En condition humide, toutefois, le sable fibré est plus compacté, donc il aura besoin d’une aération plus poussée”, conclut Édouard Seynhaeve. Attention, enfin, à ne pas exagérer la profondeur du hersage, au risque de trop déplacer le sable de la couche de travail. Cette dernière, mesurant généralement de douze à quinze centimètres d’épaisseur, assure également la gestion de la résonance des ondes de chocs et donc la préservation de la santé du couple cheval/cavalier.
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.