“On ressent plus de sensations en para-attelage que l’on pourrait le penser”, François Gallant

Cavalier depuis ses dix ans, François Gallant a évolué pendant près d’une trentaine d’années en compétition Amateur de saut d’obstacles. Ayant perdu l’usage de ses jambes à la suite d’un accident dont il a été victime début 2021, il s’est tourné vers le para-attelage, discipline dans laquelle la Fédération équestre internationale (FEI) organise des championnats du monde depuis 2006, mais que la Fédération française d’équitation (FFE) réglemente depuis l’an passé seulement. Continuant également à concourir en attelage hors du circuit “para” et ayant d’ailleurs été sacré champion de France Club 1 à un équidé cet été, le meneur explique comment il a découvert la discipline dans laquelle il évolue. Il se confie également sur les spécificités du para-attelage et ses objectifs pour la suite.



Comment avez-vous découvert le para-attelage?

Après mon accident, en janvier 2021, j’ai cru pendant un bon moment que je ne pourrais plus m’approcher des chevaux. Cela me fendait le cœur car c’est une passion commune avec mon épouse, Virginie Delbar, qui dirige le centre équestre de Rombies. En mai de la même année, je suis devenu papa d’un petit garçon, et quand je me suis habitué à évoluer en fauteuil, j’ai eu envie de réessayer l’équitation. Nous avons des amis qui ont un centre équestre labellisé “Équi handi club” et disposaient ainsi du matériel nécessaire pour me permettre de remonter à cheval. Lorsque je l’ai fait, j’ai trouvé cela super sympa, même si je n’avais pas retrouvé le même équilibre qu’avant et que les sensations étaient différentes. J’ai persévéré et continué à monter pendant six mois puis, un jour, on m’a dit qu’un règlement de para-attelage était en préparation et on m’a demandé si je voulais essayer. J’ai donc contacté Marc, un ami qui est aussi en situation de handicap - il a une maladie dégénérative - et pratiquait déjà l’attelage. Après cinq minutes d’essai, il m’a proposé d’acheter une voiture, que nous avons reçue mi-août 2022. Quelques semaines plus tard, l’organisatrice du concours du Quesnoy s’est démenée pour y faire participer des para-meneurs. Nous avons donc effectué une demande de certification (qui permet aux athlètes de participer à des épreuves para, ndlr) simplifiée, et puis je me suis engagé dans deux épreuves de maniabilité avec des poneys qui avaient été précédemment attelés à la maison. Dans le même temps, il m’a été conseillé de me tourner vers le meneur international Clément Deschamps, installé à Mouchin, pour m’aider, car même si je connais les chevaux, cela reste une discipline nouvelle pour moi. Nous avons bien accroché lorsque nous nous sommes rencontrés à l’automne 2022, et il m’a donc entraîné toute la saison.

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans cette discipline? 

C’est une discipline dans laquelle on ressent plus de sensations que l’on pourrait le penser!  D’ailleurs, j’en ai plus en para-attelage qu’en para-dressage. Il s’agit aussi d’un sport d’équipe où l’on dialogue beaucoup - mon groom est un très bon ami, en qui j’ai pleinement confiance et qui sait comment réagir en cas de problème – et où l’on est également proche du cheval et attentif à son bien-être. C’est important de ne pas le mettre dans le rouge.



“Je me sens capable d’affronter les valides et de gagner”

François Gallant a été sacré champion de France Club 1 à Lamotte-Beuvron cet été

François Gallant a été sacré champion de France Club 1 à Lamotte-Beuvron cet été

© FFE / PSV

Les para-meneurs semblent former une vraie communauté, n’est-ce pas?

Oui! Entre para-meneurs, nous nous motivons, nous donnons mutuellement des conseils, nous envoyons des photos… Cela nous permet d’évoluer dans notre pratique. Depuis que j’ai commencé l’attelage, mon siège a changé, ma façon de m’attacher aussi. Une épreuve Club 2 de para-attelage a été organisée en parallèle du CAIO 4* de Saumur, en juin, et nous nous y sommes retrouvés à sept ou huit concurrents. Nous avons ainsi pu observer les techniques des uns et des autres pour monter dans les voitures, adapter les sièges, etc. Il y avait des personnes avec des handicaps différents, et j’ai trouvé génial que nous puissions prouver que nous arrivons tous à concourir avec ceux-ci. Nous essayons de trouver des solutions pour nous rapprocher au maximum des meneurs valides et je trouve que la fédération est plutôt à notre écoute. Nous avons notamment rencontré Quentin Simonet, le Conseiller technique national (CTN) chargé de l’attelage. On se rend compte qu’il y a des relais un peu partout avec des personnes qui ont aidé à rédiger le règlement de para-attelage, comme Philippe Tessier. Il y a aussi les organisateurs de concours qui ont joué le jeu pour ouvrir au maximum leurs concours au para-attelage, surtout dans le Nord.

Quels avantages vous procure le développement du para-attelage? 

Cela permet tout d’abord une progression plus simple qu’en épreuves valides, avec par exemple des reprises de dressage adaptées, mais aussi de mettre le pied à l’étrier à des personnes qui n’oseraient pas s’engager dans les compétitions habituelles, le cadre des épreuves de para-attelage étant plus rassurant. Je pense cependant que la coexistence des deux types de compétition est importante. Durant l’année qui vient, je vais concourir en para-attelage afin de faire parler de la discipline et recruter plus de monde, mais également chez les valides, parce que je me sens capable de les affronter et de gagner. Je suis compétiteur, cela me donne un objectif de travail et c’est stimulant.

D’ailleurs, vous avez déjà montré cette saison que vous étiez tout à fait au niveau des meneurs valides en devenant champion de France d’attelage Club 1 à un équidé à Lamotte-Beuvron…

Tout à fait. Le règlement de la FFE nous permet de continuer à concourir dans les compétitions d’attelage habituelles lorsque nous avons une classification qui nous autorise à évoluer en para-attelage. Par ailleurs, nous pouvons utiliser les aides auxquelles nous avons droit dans les épreuves valides si ce ne sont pas des avantages concurrentiels. C’est valorisant! J’ai l’habitude de venir tous les ans au Generali Open de France de Lamotte-Beuvron et en 2022, j’avais dit en riant à des amis que je m’y rendrais l’année suivante avec une voiture d’attelage. Finalement, on l’a fait, et en plus, on a gagné le championnat Club 1 avec mon petit cheval, Lipton de la Reselle! Même s’il y avait peu de partants, c’était très sympathique.



“Je dois encore progresser avant de participer à des compétitions internationales”

Un équidé peut-il, selon vous, évoluer à la fois en attelage et en para-attelage?

Oui. Pour le para-attelage, on va chercher des chevaux plutôt sûrs, qui ne prennent pas facilement peur et n’ont pas l’habitude de faire des écarts. Après, il y a mille handicaps, donc il n’y a pas de cheval-type, l’idée étant avant tout de se sentir en sécurité. Par exemple, j’ai l’usage de mes bras mais pas de mes jambes, donc je suis capable d’encaisser un écart ou un démarrage un peu fort parce que j’ai les guides pour pouvoir corriger ça. À l’inverse, il me faut un cheval qui ne m'emmène pas trop vers l’avant et ne me tire pas excessivement.

Envisagez-vous de prendre part à des compétitions internationales de para-attelage?

Je dois encore progresser avant d’en arriver là. Chez Clément Deschamps, je côtoie un para-meneur belge qui participe à des épreuves internationales. J’échange beaucoup avec lui sur la technique et le matériel. Je pense que je vais me lancer dans les années à venir car il n’y a pas encore de Français qui participe à ces compétitions, même si j’ai rencontré à Saumur des personnes qui en seraient capables! Maintenant, il nous faut nous motiver et nous préparer sérieusement parce que ce sont des épreuves techniques.

Cependant, le para-attelage a un coût, n’est-ce pas?

En effet, le développement de cette discipline demande du matériel spécifique et tous les centres équestres n’ont pas forcément les moyens de couvrir ces frais: une voiture d’attelage coûte plusieurs milliers d'euros, auxquels s'ajoutent des options qui ont, elles aussi, un coût, lorsqu'il faut par exemple réaliser un siège adapté… Rentabiliser tout cela pour une personne en situation de handicap dans un club est quasiment impossible. Cela dit, les compétitions d’attelage habituelles ont également un coût, puisqu’il faut se déplacer avec beaucoup de matériel, louer des boxes, etc. La mutualisation de ce matériel au sein des comités régionaux et départementaux peut être une solution. De mon côté, je pratique le para-attelage à titre privé, donc je n’ai pas de soutien financier à ce niveau-là. Pour moi, c’est assez facile car j’habite dans un centre équestre, ma femme a des chevaux, j’ai la possibilité d’avoir accès à du matériel adapté et à des personnes qui m’aident. J'ai également la chance d’être chef d’entreprise et de ne pas avoir perdu mon travail après mon accident. Nous faisons donc cela avec nos propres moyens, mais je comprends que cela ne soit pas accessible pour tout le monde.



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