Agrandir, une solution durable et raisonnée en matière d’infrastructures
Gros-oeuvre, second-œuvre, aménagements, équipements… Les postes de construction et d’infrastructures s’enchaînent vite quand il est question d’agrandir sa structure! Comment se projeter dans l’avenir, analyser ses besoins, les financer et les renouveler? Entre conseils de transformation et équipements de soutien au quotidien, plusieurs professionnels du secteur équestre livrent leurs clés.
Qui sont les propriétaires possédant leur propre structure équestre en France? “Hors structures professionnelles – centres équestres, éleveurs, cavaliers professionnels, entraîneurs, etc. –, la population des propriétaires hébergeant des chevaux est mal connue, car elle est très hétérogène et peu documentée”, introduit Alice Monier Torrente, gérante de Horse Development, agence spécialisée en marketing et stratégie dans la filière équine. “Certains foyers ont un seul cheval, un paddock et un pré, quand d’autres ont plusieurs chevaux et un large lot de structures équestres. La frontière entre amateur et professionnel est parfois difficile à identifier, d’autant que de plus en plus d’amateurs équipent leur espace de manière à pouvoir le rentabiliser via un système de pensions secondaires, et donc se transposent vers un statut de semi-professionnel.” La déclaration du lieu de détention auprès de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) et le nombre de cartes d’immatriculation permettent de cartographier quelque peu les propriétaires hébergents. Pourquoi, de fait, accueillir ses protégés chez soi? “Le désir d’avoir un cheval dans sa propre structure est souvent motivé par plusieurs facteurs: l’avoir à proximité pour nouer une relation plus profonde, l’insatisfaction du service des pensions voisines ou, plus simplement, le budget requis pour ce dernier, ou encore le désir de changer de vie. Une large majorité de cadres ont émis le souhait de s’installer à la campagne après les épisodes de confinements liés à la pandémie de Covid-19 et, parmi eux, les cavaliers urbains pouvant désormais envisager leur monture à la maison”, poursuit Alice Monier Torrente.
Un projet à tiroirs, la construction étape par étape
Pour rappel, un particulier devra obligatoirement recourir à un architecte pour élaborer un dossier de permis de construire, à partir du moment où la surface de plancher des constructions en question sera supérieure à 150 m2. Si le propriétaire a le statut d’exploitant agricole et que cela concerne un bâtiment agricole, ce chiffre monte à plus de 800 m2. “Un architecte apportera une solution aux besoins du maître d’ouvrage (porteur de projet) selon le site, le programme, le budget, les souhaits particuliers concernant son projet, etc. Si ce dernier est globalement pensé à très long terme, quand cela est pertinent, il est tout à fait possible d’établir une opération à tiroirs, autrement dit un projet global fonctionnant dès ses premiers instants avec une partie seulement des équipements, mais qui pourra s’agrandir de manière cohérente et planifiée si les besoins évoluent et que les financements suivent”, rapporte Nicolas Bischoff, architecte spécialisé dans les structures équestres. “En construisant étape par étape, il y aura certes un léger surcoût pour chaque nouvelle tranche du chantier, mais le budget global de l’opération sera plus équilibré que celui d’un projet qui se ferait de manière “patchwork”. Et, surtout, on évite ainsi par la suite les impossibilités techniques ou les modifications lourdes de l’existant. Les clés sont la planification et l’anticipation.”
Un chantier neuf ou de rénovation étudiera dans tous les cas les voiries et réseaux divers (VRD), en d’autres termes les voies d’accès et la mise en œuvre des réseaux d’alimentation en eau, en électricité et en télécommunications, et des réseaux d’évacuation des eaux usées. “Attention au projet inextensible”, poursuit l’architecte. “Il faut bien clarifier le plan avec le maître d’ouvrage et connaître son projet de vie, aussi bien aujourd’hui que dans un futur plus ou moins proche. Si cela s’avère pertinent, il est plus rentable d’avoir une démarche globale à long terme et de concevoir, par exemple, un plan masse (vue graphique aérienne d’ensemble comprenant les éléments déjà existants et ceux envisagés dans le cadre d’un projet de construction ou d’aménagement, ndlr) en capacité d’accueillir quatre bâtiments d’écurie, mais de n’en construire qu’un pour l’instant, car il n’y aura pas à réadapter le site par la suite si la construction des trois autres bâtiments se réalise.” À défaut de pouvoir s’agrandir, de nombreuses structures doivent déménager leur propriété. “De manière générale, et surtout pour aider à la revente, il faut bien conserver toutes les pièces du dossier architecture et construction, notamment le permis de construire et le dossier des ouvrages exécutés (DOE), qui reprend l’ensemble des documents techniques de l’architecte et des entreprises et doit être remis au maître d’ouvrage à la fin du chantier”, conclut Nicolas Bischoff.
“Notre clientèle est professionnelle ou semi-professionnelle. Nous intervenons donc le plus souvent sur des projets pensés pour un investissement à long terme”, appuie Victor Lesongeur, spécialiste des bâtiments équestres Roiné, qui conçoit et fabrique des bâtiments équestres et agricoles en bois massif, en France et en Belgique. “De fait, nous concevons nos ouvrages en répondant aux besoins exprimés initialement. Il est néanmoins tout à fait possible d’anticiper les besoins afin de les financer plus tard. Je pense notamment aux agrandissements. Chez Roiné, les fermes de pignon sont porteuses et permettent donc de réaliser facilement des agrandissements, a contrario de la technique à pans de bois. De plus, les préconisations pour la dimension des boxes évoluent à la hausse, c’est pourquoi nous proposons à nos clients d’anticiper cette tendance.” Si l’on poursuit sur la préservation des ressources, qu’en est-il de la récupération pluviale? “La charpente n’a pas à être modifiée pour récupérer l’eau de pluie, mais il est néanmoins utile de mettre en place dès le début une gouttière rejetant l’eau en un endroit unique, pour le stockage en cuve. C’est un point encore trop peu développé à notre goût et qui mérite attention”, considère Alexandre Bordet, responsable commercial de l’entreprise bas-rhinoise Wolf Système, spécialiste de la construction de bâtiments agricoles, industriels et de réservoirs en béton armé.
Et la lumière fut
L’adaptation du futur bâti à une consommation électrique fait partie du gros-oeuvre – qui se concentrent sur les éléments structurels du bâtiment – et des second-oeuvre, gérant, entre autres, l’isolation thermique et phonique, la plomberie, etc. “Dans le cadre d’une nouvelle structure, il est important de prendre en compte l’adaptabilité de la charpente à des panneaux photovoltaïques”, reprend le spécialiste de l’entreprise alsacienne Wolf Système. “Une couverture de panneaux solaires alourdit le poids de la charpente de 14 à 15 kg par mètre carré, ce qui n’est pas anodin. Nous questionnons ainsi nos clients pour savoir s’ils souhaitent poser des panneaux et, si oui, avec quelle entreprise, afin que nous puissions coordonner l’infrastructure avec le cahier des charges de cette société. Nous demandons par exemple l’orientation, qui déterminera le pourcentage de pente et le positionnement du faîtage.” La demande de constructions adaptées aux panneaux solaires a-t-elle récemment augmenté? “Une large partie de nos clients font l’étude de cette possibilité lors de leur projet équestre, en auto-investissement ou en location de couverture, mais le taux de conversion n’est pas très haut: soit le financement n’est pas prêt, soit il y a un problème de site, comme l’ensoleillement ou la distance avec le transformateur électrique. Dans tous les cas, il est intéressant de se questionner quand même à ce propos pour que la charpente soit adaptée le cas échéant”, continue Alexandre Bordet. “La majorité de nos bâtiments sont étudiés dans ce sens dès la fabrication. Ils doivent offrir des dimensions de rampants suffisants et avoir la capacité de recevoir une charge supplémentaire en couverture, tout en gardant des puits de lumière efficaces. Prévue dès l’origine, cette adaptation est moins onéreuse qu’une modification ultérieure”, reprend Victor Lesongeur, expert Roiné en bâtiment.
Parmi le second œuvre, l’autoproduction électrique est globalement réorientée vers le chauffage et l’éclairage de la structure. “L’éclairage de cette dernière est souvent pensé en dernier lors de l’élaboration d’un projet. Avec la hausse du prix de l’électricité et l’évolution des normes du bien-être du cheval et du soigneur, les solutions d’éclairage sont désormais mieux anticipées, même si l’on note encore un attrait saisonnier assez marqué”, analyse Bruno Duvault, fondateur et gérant de la société normande Proximal Lighting, qui conçoit et commercialise des solutions d’éclairages à LED dédiées aux activités et infrastructures équestres. “Lors d’une construction ou d’une rénovation, nous proposons au porteur de projet une étude lumière, avec les objectifs à atteindre: est-ce que l’on mise sur le couloir de circulation, sur les boxes, sur les aires de travail, etc.? Les installations équestres ont en moyenne vingt-cinq ans d’âge en France et en Europe de l’Ouest, donc il est intéressant, voire nécessaire, de se mettre à jour sur les nouvelles pratiques et techniques.” Une étude lumière faite par un professionnel spécialisé pourra indiquer les emplacements à équiper, ainsi que le bon calibrage de la puissance lumineuse à diffuser. “Couplé à un éclairage blanc en journée ou quand cela est nécessaire, l’éclairage en longueur d’onde spécifique de lumière rouge a donné d’excellents résultats pour la nuit, ainsi que pour les périodes de poulinage”, poursuit Bruno Duvault. Contrairement à l’homme, qui possède une vision trichromate (basée sur la perception des trois couleurs fondamentales – rouge, verte et bleue – et leurs nuances), les équidés ont une vision dichromate et ne perçoivent pas le rouge, qu’ils visualisent alors dans des tons gris. “Chevaux moins stressés, cavaliers et soigneurs plus apaisés… Les retours que nous avons sur le terrain – effectués aussi bien en déplacements en concours qu’à l’écurie – confirment nos études préalables.”
Si ce genre de technologie peut apparaître comme un investissement luxueux, il n’en est rien! “Nos clients sont tout autant des grosses structures (haras, cliniques, écuries de concours, etc.) que des particuliers, pour une raison très simple: l’investissement est amorti en moins de deux ans, et nos installations ont une très longue durée de vie, de l’ordre de vingt-cinq à trente ans”, reprend le fondateur de Proximal Lighting, avant de résumer: “Nos solutions lumineuses consomment six à sept fois moins qu’un éclairage classique, et ne nécessitent en outre quasi aucune maintenance, car nous avons tablé sur une utilisation des diodes électroluminescentes (abrégées en DEL en français ou LED en anglais, ndlr) de plus de quatre-vingt mille heures, soit souvent plus de trente ans. Nous proposons également des éclairages de type concours pour les structures se projetant vers l’organisation d’événements sportifs. Étant donné le rapide retour sur investissement, nous notons de plus en plus de créations de dossiers.”
La gestion du fumier, une charge à ne pas négliger
Inévitables pour les chevaux vivant en box et optionnels pour ceux au pré, la litière et son fumier constituent une grande charge de travail et un déchet lourd à gérer. Selon le mode de curage et la litière utilisée, la quantité moyenne de fumier est estimée entre sept et quatorze tonnes par an, et par équidé! Si le fumier est bien valorisé à ce jour, il nécessite néanmoins quelques ajustements pour que sa collecte et son stockage se passent au mieux. Les conditions réglementaires de la fumière la placent souvent à quelques distances des écuries. À défaut d’une fumière, les petites structures utilisent des bennes étanches qu’elles vident régulièrement chez un agriculteur local, vers une usine de méthanisation, une société de lombricompostage, etc. Le changement du mode opératoire de collecte du fumier s’opère souvent lors d’une rénovation, en raison des modifications du plan de la structure.
“Lorsqu’un client nous appelle pour agrandir son écurie, nous lui demandons la configuration de ses installations actuelles: si ce sont des boxes intérieurs sous hangar ou des boxes extérieurs, si ce sont des boxes en béton ou avec armature métallique et remplissage en bois ou résine, leurs dimensions, s’il reste de la place sous le hangar, s’il est nécessaire de placer des boxes en face à face ou en prolongement de ceux qui existent déjà, etc. Si nous proposons des modèles prêts-à-monter, c’est aussi notre capacité à nous adapter et à proposer des installations sur mesure qui sera la clé d’un projet conforme aux besoins et aux exigences de nos clients”, éclaire Jean-Bernard Trinquet, responsable commercial construction de la société Cheval Liberté, qui avance une large gamme de produits et est notamment spécialiste en curage mécanique depuis de nombreuses années. “Lorsque l’on établit le plan de boxes secondaires, on peut soit partir sur un nouveau modèle de curage, soit garder l’ancien. On demande généralement comment est effectué le curage (tracteur, valet de ferme ou manuellement), quelles sont la largeur des portes des boxes et la hauteur disponible. Il existe désormais des engins passant par une porte d’1,30 m (la largeur du passage de porte standard est de 1,40 m pour les boxes Cheval Liberté, ndlr). Les séparations coulissantes sont souvent les plus recherchées, car elles permettent de facilement moduler l’espace pour une poulinière et son poulain, par exemple, et de laisser le passage à un tracteur, pouvant permettre de vider plusieurs boxes d’un coup.” Réel gain de temps et d’énergie, le curage mécanique est plébiscité quel que soit le nombre de boxes (écurie de loisir, écurie de compétition, etc.) ou de stabulations (haras, éleveur, centre d’insémination, etc.).
Cet article est paru dans le numéro 151 du magazine GRANDPRIX, actuellement en kiosques