Les données internationales, une sacrée mine d’informations

Chaque année, de nombreux représentants du Stud-book Selle Français se démarquent par leurs performances sur les terrains de compétitions internationales, partout dans le monde. Autrefois non comptabilisées, ces données sportives sont aujourd’hui scrutées par l’équipe de l’organisme de sélection pour renforcer la fiabilité des indices qui en découlent, permettant ainsi aux éleveurs de mieux valoriser leur production.



Objets d’informations fortement valorisés dans l’Hexagone et enviés à l’international, les indices sportif et génétique, comme l’ISO et le BSO en saut d’obstacles, sont obtenus à partir de calculs réalisés grâce à une base annuelle de données enregistrées en compétitions. En effet, à partir du niveau Amateur, dès lors qu’un cheval s’élance sur un terrain de concours français, sa performance est entrée dans la base de données de la Société hippique française pour les jeunes chevaux ou celle de la Fédération française d’équitation pour les autres. Ces enregistrements, qui débutent classiquement au 1er octobre et s’achèvent au 30 septembre de l’année suivante, sont ensuite analysés par l’institut de l’élevage (IDELE) via l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). En découlent les fameux indices de performance, qui permettent de comparer les chevaux les uns par rapport aux autres, d’évaluer leur potentiel et d’estimer leur qualité génétique comme reproducteurs. Des outils utilisés aussi bien par les marchands de chevaux que les éleveurs, qui s’en servent pour choisir leurs croisements ou promouvoir leur production. 

Pour l’ISO, les meilleurs performeurs sont crédités d’un indice se rapprochant, voire dépassant, 180 – seulement soixante-quatorze chevaux ont obtenu un ISO supérieur à 180 –, quand les moins bons se situent en dessous de 100 (valeur moyenne). Chaque cheval détient donc, chaque année, un indice sportif. Combiné aux indices de toute sa famille (parents, frères et sœurs, descendants), il permet ensuite d’obtenir un indice génétique tel que le BSO. “Mais, il y a une quinzaine d’années, le Stud-book Selle Français s’est rendu compte qu’à partir de l’instant où un cheval passait sous selle étrangère, ce dernier disparaissait des signaux radars et n’était plus intégré à cette base de données, quelles que furent ses performances”, présente Benoît Chaigne, directeur technique de l’association nationale de race, très impliqué dans le schéma de sélection du Selle Français et son progrès génétique. “L’exemple le plus sidérant est celui de Baloubet du Rouet (SF, Galoubet A x Starter), légende des sports équestres indissociable du Brésilien Rodrigo Pessoa, avec lequel il fut champion olympique, triple vainqueur de la finale de la Coupe du monde et lauréat de nombreux Grands Prix ainsi que de la finale du Top Ten par deux fois! À l’âge de six ans, en 1995, Baloubet s’était vu crédité d’un ISO 137…” Et ce fut finalement son meilleur indice, l’étalon ayant vécu toute sa carrière au plus haut niveau sous les couleurs brésiliennes, avec Nelson puis Rodrigo Pessoa. “Son ISO est resté très en deçà de la carrière prodigieuse qu’a vécue ce porte-drapeau français! Ces disparitions de bon nombre de représentants Selle Français de nos bases de données posaient des problèmes d’un point de vue promotionnel, mais également génétique pour la race. À titre de comparaison, ne pas prendre en compte les résultats sportifs obtenus par des filles ou des fils d’une jument impacte grandement son indice génétique et ses points PACE attribués. De ce fait, beaucoup d’éleveurs en étaient même arrivés à se montrer réticents à l’idée de vendre leurs chevaux à l’étranger, de peur de voir ainsi leur travail génétique dévalorisé.”



Un projet en plusieurs étapes

“Il était donc nécessaire de faire quelque chose”, relance Benoît Chaigne. Dans un premier temps, les responsables du Selle Français s’est ainsi mis en contact avec les équipes de la Fédération équestre internationale (FEI) et de la Fédération française d’équitation (FFE). L’objectif est de mettre sur pied un système automatisé d’échange de données: les stud-books se chargeraient d’envoyer les informations généalogiques d’identification des chevaux, tandis que la FEI compilerait les résultats de leurs représentants sur la scène internationale. “La FEI édite l’ensemble des passeports internationaux des équidés qui concourent et enregistre les résultats que les organisateurs lui font remonter, donc c’est elle qui centralise les données”, précise Benoît Chaigne. Si cela peut sembler simple, le dispositif doit encore se mettre en place concrètement. “Nous sommes sur la bonne voie et des accords ont été signés, donc nous espérons entrer prochainement dans une phase de test pour rendre concrète cette démarche.” 

Dans l’attente de voir ce projet se concrétiser, l’équipe du Selle Français a décidé de prendre le problème à bras le corps en missionnant une personne afin de relever chaque semaine l’ensemble des résultats obtenus en saut d’obstacles et concours complet, disciplines les plus pratiquées par les individus de la race. “Il faut toutefois rester prudent, car cette méthode ne permet pas de comptabiliser l’intégralité des données, qui sont très nombreuses; il a fallu faire des choix”, avertit Benoît Chaigne. “En jumping, nous comptabilisons les résultats des Grands Prix 2* et toutes les épreuves à partir d’1,40m des CSI 3*, 4* et 5*. Nous avons également jugé pertinent de retenir les épreuves internationales Jeunes Chevaux de cinq, six, sept et huit ans. En concours complet sont relevés tous les résultats à partir du niveau CCI 2*.”



Le sujet brûlant des chevaux débaptisés

“Nous menons aussi un gros travail de recherche et de filiation concernant les Selle Français débaptisés”, ajoute le représentant de l’association. Citons, par exemple, Romeo (SF, Lando x Cheers Cassini), associé au plus haut niveau au Mexicain Federico Fernandez, qui s’appelait originellement Barachiel d’Ouilly, ou encore Truman (SF, Mylord Carthago x Kolibri), qui s’appelait Virtuose Breil et évolue aujourd’hui avec la Canadienne Amy Millar. “Notre tâche est parfois facilitée, car les éleveurs nous informent eux-mêmes du changement de nom de leur produit, mais cela nécessite tout de même un important travail de vérification”, reconnaît Benoît Chaigne. “Concrètement, en saut d’obstacles, nous avons relevé 13 000 résultats concernant 1 281 Selle Français courant sous couleurs étrangères entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, et 377 résultats pour 174 chevaux en concours complet.” Quant aux équidés évoluant sur des circuits nationaux étrangers, il est encore impossible de récolter ces données en raison de la diversité des systèmes de compétition. “Qui sait, à la vitesse avec laquelle l’intelligence artificielle progresse, cela sera peut-être envisageable d’ici quelques années!”, conclut Benoît Chaigne.

Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX.