Quelques raisons de se réjouir… dans ce monde de brutes
Alors que les bulletins d’information donnent de plus en plus souvent le sentiment que la planète et l’humanité sombrent dans le chaos, la pratique de l’équitation, la passion des sports équestres de haut niveau, l’approche des Jeux olympiques de Paris 2024 et le suivi attentif de la gouvernance des activités impliquant le cheval sont porteuses de quelques bonnes nouvelles en cette fin d’année 2023. Quelques raisons de se réjouir dont on aurait bien tort de se priver.
Le Proche-Orient à feu et à sang, l’Europe toujours en proie à une guerre russo-ukrainienne qui s’enlise, l’Asie et l’Océanie déstabilisées par les volontés hégémoniques de la Chine, l’Afrique encore et toujours tenaillée entre pauvreté et incurie de ses gouvernants, l’Amérique du Sud fragilisée par le retour du fascisme en Argentine, et l’Amérique du Nord qui doit s’accoutumer à un possible come-back du dangereux populiste Donald Trump à la tête des États-Unis. Le tour du monde ne prête guère à l’optimisme. À travers des catastrophes naturelles toujours plus fréquentes et violentes, ainsi qu’une chute de la biodiversité, partout, la planète manifeste sa souffrance devant les excès d’une humanité qui temporise, sinon rechigne, devant l’ampleur des transformations à mener. Face à des réalités aussi terrifiantes, se réjouir relève de la gageure.
Dans cette indispensable quête d’équilibre, les femmes et hommes de cheval disposent d’un atout inestimable: la relation profonde, voire mystique, qu’ils nourrissent avec un animal inapte au mensonge. Celui-ci n’est-il pas un miroir émotionnel invitant chacun à l’apaisement et au recentrage sur l’essentiel? Prendre soin de lui, de soi et de ses proches, agir en conscience des conséquences de ses choix sur autrui, abandonner l’inutile et rompre avec les habitudes néfastes, etc. Rien de tout cela n’est vain, ni pour soi ni pour l’humanité. Quant aux adeptes du sport, activité tout sauf futile tant elle invite à la maîtrise et au dépassement de soi, ils trouveront toujours des raisons de s’émouvoir et surtout de mieux appréhender l’altérité dans ce monde de brutes.
Un Coq moins favori qu’avant les JO de Rio 2016, mais sûrement pas dans les choux
À une échelle moins universelle, les passionnés français d’équitation ne manqueront pas de raisons de se réjouir en cette fin d’année préolympique. À un peu plus de sept mois des Jeux de Paris 2024, en saut d’obstacles comme en concours complet, le Coq semble moins favori qu’il ne l’était à l’entrée de la dernière ligne droite avant les Jeux de Rio de Janeiro, où la Marseillaise avait retenti en l’honneur des équipes de France de ces deux disciplines, sans oublier la médaille d’argent d’Astier Nicolas et Piaf de B’Neville. Moins favori, oui; dans les choux, non. En jumping, tous les espoirs sont permis vu la nouvelle saison extraordinaire accomplie par Julien Épaillard, qui conservera Donatello d’Auge et Dubaï du Cèdre jusqu’à l’été prochain, la très belle année de Simon Delestre, bien qu’il ait peiné aux championnats d’Europe avec Dexter Fontenis, et les convaincantes montées en puissance de François-Xavier Boudant et Olivier Perreau avec Brazyl du Mézel et Dorai d’Aiguilly*GL events. En attendant de retrouver les concours extérieurs, les trois premiers nommés, ainsi que Kevin Saut, vainqueur à Stuttgart avec Beau de Laubry, son nouveau cheval de tête, ont tous accompli plus de la moitié du chemin menant à la finale de la Coupe du monde Longines. Et cela en cinq étapes, alors que la ligue d’Europe occidentale en compte quatorze. Costauds, ces Bleus!
En complet, la France ne pourra pas se reposer sur un couple vainqueur d’un CCI 5*-L – Astier Nicolas et Piaf s’étaient imposés à Pau en 2015 – ni sur un binôme médaillé individuel en championnat – le lieutenant-colonel Thibaut Vallette et Qing du Briot*IFCE avaient gagné le bronze aux Européens de Blair Castle en 2015. Cependant, elle pourra s’appuyer sur les confirmations apportées par Aisprit de la Loge, Triton Fontaine, Zaragoza et Absolut Gold*HDC aux Européens du Pin-au-Haras avec Gireg Le Coz, Karim Laghouag, Gaspard Maksud et Nicolas Touzaint, par ailleurs vainqueur du CCIO 4*-L de Boekelo avec Diabolo Menthe, de très belles révélations, dont celle de Stéphane Landois et Chaman Dumontceau*Ride For Thaïs, sixièmes au Pin, sans oublier l’expérience de Maxime Livio et Api du Libaire, lauréats en novembre du 4*-L de Montelibretti. Le podium collectif sera disputé, mais accessible. En dressage, la marche sera trop haute, on le sait bien, mais les aficionados de cette discipline de patience et d’exigence garderont longtemps en mémoire le poing levé de Pauline Basquin, première Tricolore à obtenir une note moyenne supérieure à 80% dans une épreuve internationale, le 4 novembre à Lyon, avec Sertorius de Rima*IFCE. Les progrès sont manifestes, comme en para-dressage, où les Bleus peuvent espérer décrocher au moins une médaille individuelle à Versailles, comme Chiara Zenati et Swing Royal*IFCE l’ont si bien montré en fin d’été aux championnats d’Europe de Riesenbeck.
TVA en baisse, moral en hausse
Au rayon des bonnes nouvelles, plutôt fourni cet automne, on trouve même des décisions politiques! Après une décennie de lutte, la Fédération française d’équitation et le Groupement hippique national ont ainsi obtenu du Gouvernement le retour d’une TVA au taux réduit de 5,5 %, en vigueur entre 2004 et 2013. C’est peut-être un détail pour les finances de l’État, mais cela veut dire beaucoup pour les centres équestres et poney-clubs, qui peuvent envisager l’avenir avec davantage de sérénité. Autre belle perspective, l’attribution, certes attendue, des championnats du monde 2026 de jumping, complet, dressage, para-dressage, attelage et voltige à Aix-la-Chapelle. Vingt ans après les inoubliables Jeux équestres mondiaux, la Mecque du cheval va de nouveau accueillir l’événement phare de la Fédération internationale. Les tribunes seront pleines, à n’en pas douter, et le sport encore plus beau.
La présence de public reste une condition indispensable, parmi d’autres, à l’acceptabilité sociale de l’équitation en tant qu’activité impliquant un animal. La grande bataille de ce début de siècle est loin d’être gagnée, mais le record de fréquentation enregistré par le salon Equita Lyon et son CHI-W Longines, établi à 191.073 entrées, en hausse de plus de 7% par rapport à 2022, de même que les réussites automnales du Mondial du Lion-d’Angers et des Cinq Étoiles de Pau, montrent que la famille équestre sait se retrouver, toujours plus nombreuse, pour partager cette passion à nulle autre pareille. À toutes, à tous, GRANDPRIX souhaite de joyeuses fêtes de fin d’année.