Les secrets de la France, terroir de prédilection des champions d’endurance: “C’est toujours l’impatience de gagner qui fait perdre”? (3/4)

En endurance, l’année 2023 a donné lieu à des championnats d’Europe Seniors, mais aussi à des Mondiaux Seniors, Jeunes (Juniors et Jeunes Cavaliers) et Jeunes Chevaux. Bien que courus dans des conditions très différentes, entre le sable et les pierres du désert émirien de Bouthieb, aux Émirats arabes unis, les pistes plates et galopantes de Padise, en Estonie, et Ermelo, aux Pays-Bas, ou encore le terrain escarpé et technique de Castelsagrat, dans le Tarn-et-Garonne, les chevaux français ont brillé partout. La Société hippique française a cherché à comprendre pourquoi ces Pur-sang Arabes, Anglo-Arabes ou encore Shagyas nés et presque toujours formés dans l’Hexagone, sont aussi performants et omniprésents au sommet des classements, et pas uniquement sous selles françaises. Des experts ont été sondés et quatre critères ressortent pour expliquer ces performances: génétique, mode d’élevage et alimentation, formation et valorisation et… “ce petit quelque chose en plus que les autres n’ont pas”. Un long dossier dont voici le troisième épisode.



La première partie de cet article est à lire ici
La deuxième partie de ce dossier est à lire ici

Lors des deux premiers épisodes de ce dossier ont été évoqués la génétique, l’environnement et l’alimentation. Il est un autre paramètre incontournable à la réussite d’un cheval: la formation. La manière dont on le construit et prépare influence incontestablement sa carrière sportive en endurance. À ce sujet, il y a matière à réflexion car deux courants s’opposent. D’un côté, il y a ceux qui préfèrent prendre autant de temps que nécessaire; et de l’autre, il y a ceux qui prônent une mise au travail jeune. Attendre ou ne pas attendre? Telle est la question…

Christèle Derosch représente le camp qui préfère laisser du temps au temps: Présenter des chevaux de trois ans aux concours de modèle et allures implique de leur apprendre à marcher et de complémenter leur alimentation. Selon moi, leurs acquis sont donc artificiels donc je préfère m’abstenir. Élever en troupeau réduit les coûts, si bien qu’on peut se permettre d’attendre et de laisser mûrir ses chevaux. De plus, un jeune vivant jusqu’à cinq ou six ans en troupeau se forge un caractère et un physique favorisant la longévité de sa future carrière sportive.”
Christian Quet fait lui aussi partie des “patients”. “De mon point de vue, présenter un cheval de quatre ans en concours est une hérésie totale! Pour moi, c’est très simple: le cheval naît avec un capital articulaire. Si l’on puise dedans avant qu’il ait atteint l’âge de sept ans et demi ou huit ans, on risque de l’épuiser. En revanche, si l’on œuvre à le renforcer jusque-là, on se donne toutes les chances de produire un crack. Par exemple, je ne suis pas favorable au débourrage à trois ans. Je préfère le faire en fin d’année suivante. Ensuite, je les laisse évoluer tranquillement à cinq ans. Quand ils sont qualifiés sur 60km, je décide de les présenter ou non à la finale nationale (organisée à Uzès sous l’égide de la SHF, ndlr) et je leur fous la paix ensuite! À mon avis, à six ans, deux épreuves de 80km menées tranquillement suffisent, suivies d’une CEI 1* (90km, ndlr) courue à la même vitesse. Ainsi, le cheval est prêt, il est qualifié et on l’a préservé. Concernant le championnat du monde des Jeunes Chevaux, même si l’âge a été reculé à huit ans (il opposait des chevaux de sept ans jusqu’en 2019, ndlr), ce qui est mieux, la distance est encore trop longue(120km, ndlr).” Pour valoriser ses chevaux, Christian Quet travaille avec différents cavaliers français et italiens et détermine avec eux des lignes de conduite. En 2023, mes chevaux de cinq ans ont concouru sur 20, 40 et 60km. À six ans, nous les engagerons deux fois sur 80km, puis, s’ils en sont capables, dans une CEI 1* à Durance ou Vaylats. La vitesse sera modérée, puisqu’il s’agira juste de les qualifier.” Ses chevaux sont souvent vendus entre cinq et six ans, “l’âge auquel on les valorise le mieux. Pour autant, j’en garde aussi pour le plaisir, notamment des juments, comme Camchatka du Barthas (Psa, Djin Lotois x Antibes) et Carma du Barthas (PsA, Khadar x Saïd Lotois, ndlr), que je ferai pouliner.”

De son côté, Stéphane Chazel aime mettre ses chevaux au travail assez jeunes, louant le système mis en place par la SHF: Ce sont des épreuves à vitesse régulée où l’on ne dépasse pas les 15 ou 16km/h, ce qui est formateur. Pour moi, c’est de l’éducation, pas de la compétition, parce qu’il n’y a pas de classement. En revanche, j’abaisserais les vitesses et augmenterais volontiers les distances. Pour la finale des cinq ans, je plaiderais pour 80km une limite de vitesse à 15km/h. À mon avis, plus un cheval commence à travailler tard, plus il est difficile de le mettre dans un moule. Lorsque je dis travail, je pense conditionnement, éducation, etc. On les attaque trop tard. Je sors mes jeunes chevaux une ou deux fois par semaine, au pas, pendant trois heures: ils travaillent plus tôt mais sans concourir. Et puis il y a quand même une réalité économique à prendre en compte: à un moment donné, il faut savoir compter!”



Selon Jean-Michel Grimal, la SHF nous propose un circuit de préparation qui fonctionne par paliers. Ils sont ce qu’ils sont et ce sont des obligations. Je ne pense pas que les chevaux soient maltraités à cause du système de qualification. Je pense même que ceux qui sont lancés sur 160km sont vraiment prêts à courir cette distance. Avant cela, nous disposons de tous les outils pour les faire évoluer par paliers de 20km. Évidemment, cela multiplie les épreuves et les kilomètres, mais si l’on s’en tient à une vitesse modérée, cela ne pose pas de problème. C’est la vitesse qui pose problème, pas la distance. Certains se creusent la tête pour trouver quoi modifier à leur entraînement pour aller plus vite. Souvent, il ne faut rien changer! Il faut juste attendre que le cheval soit mûr, et ça se fait naturellement.” L’Occitan pointe également du doigt la réalité économique de l’élevage: “Tout coûte tellement cher! Pour autant, si l’on brusque le cheval en se dépêchant, cela ne va pas. Si le cheval ne tient pas, cela coûtera beaucoup plus cher et ternira l’image de marque de l’élevage.” Le sélectionneur national, maréchal-ferrant et cavalier estime que faire travailler un jeune cheval n’est pas un souci si cette formation intervient dans les règles de l’art et respecte l’évolution naturelle de l’animal. Certains ont déserté le Cycle des chevaux de quatre ans parce que ce serait soi-disant trop tôt. L’endurance serait la seule discipline à débuter la formation de ses chevaux à cinq ans!”, argue-t-il. À dire vrai, on observe un mouvement comparable dans les trois disciplines olympiques. “Certains débutent à quatre ans et vivent de belles carrières. Selon moi, faire travailler un cheval à quatre ans le ‘déclenche’, mais il faut que ce soit bien fait. Le repos est très important: il fait partie intégrante de la formation, marquée par des phases de croissance du cheval. Quand un éleveur ou un cavalier voit le cheval se détériorer un petit peu sous la selle, c’est souvent parce qu’il est en train de grandir. Il est alors urgent de ne rien faire et de respecter ce temps de croissance. Ensuite, on reprend en réduisant les charges de travail si besoin, etc. Je ne vois pas pourquoi l’endurance serait la seule discipline dans laquelle on ne monterait les chevaux qu’une fois de temps en temps, avant de leur demander de se surpasser en concours! On voit de plus en plus de chevaux de six ans qui n’ont encore rien fait et montent les gammes à cet âge-là. Ils sont débourrés dans l’hiver, puis enchaînent 20, 40, 60km et deux épreuves de 80km, voire une CEI 1 étoile en fin d’année. Je trouve cela nocif pour le cheval et sa carrière, car le circuit de qualification s’avère long dans pareil cas. À l’inverse, un cheval monté correctement à quatre, cinq, six et sept ans sera prêt à courir une CEI 1* sans aucun problème. C’est pourquoi je pense qu’avoir reculé l’âge du Mondial des Jeunes Chevaux à huit ans en gardant la même distance est une erreur. Je préférerais une épreuve de 140km.”

La gestion de la carrière des chevaux de Jean-Philippe Francès dépend du planning du cavalier. Je débourre les chevaux en fin de saison de quatre ans. C’est d’abord une question d’organisation du travail. Plus tôt, je n’ai pas trop le temps de m’occuper d’eux. Ils courent leur première épreuve à cinq ans : 20, 40, 60km et quelquefois une seconde de 60km.” Peu présent sur le circuit SHF, le champion y a déjà eu de bons résultats. “L’élevage, c’est plutôt Sabrina (Arnold, sa compagne, ndlr). Même si nous allons à Uzès pour nous montrer, nous avons déjà réussi de belles performances, dont une première et une deuxième place dans le championnat des six ans. Pour autant, je trouve bien d’attendre les chevaux et de les écouter. Malheureusement, les règlements de la FEI accentuent la pression pour qualifier les chevaux. Le nouveau système est trop long, trop compliqué et pousse les cavaliers à augmenter le nombre d’épreuves. La FEI a ouvert une porte avec les CEI 1* (100km), mais cela crée des épreuves de vitesse. Les chevaux de six et sept ans vont très vite et il y a malheureusement ‘du déchet’ à l’arrivée. Les chevaux qui vont vite jeunes sont fragilisés. Après, on gagne notre vie en vendant des chevaux qualifiés pour courir au niveau 1*, donc il nous faut parvenir à former des chevaux afin qu’ils puissent performer plus tard, sans dégrader leur mental ni leurs capacités métaboliques, car les excès laissent des traces physiques et psychologiques.”



En tant que vétérinaire Céline Robert, pose un regard plus scientifique sur cette question: Il y a beaucoup de détracteurs des circuits Jeunes Chevaux, quelle que soit la discipline, jugeant qu’on y fait courir des bébés. Pour ma part, je pense que commencer à courir jeune fait vraiment partie de leur éducation. Cela les habitue progressivement à leur carrière. Un sportif humain arrivant aux JO n’a pas commencé de s’entraîner à dix-huit ans, mais plus volontiers à huit ans. Pour moi, il en va de même pour le cheval: il doit concourir dans des épreuves adaptées à chaque âge, ce que nous offre précisément le circuit SHF.” Quant au Mondial “un championnat à sept ans ne me semblait pas aberrant, qui plus est pour des chevaux ayant couru à quatre, cinq six puis sept ans, dans des épreuves à vitesse limitée. À sept ans, ils pourraient arriver correctement préparés sans avoir trop couru. Cependant, ce n’est pas le cas de tous les pays… Je ne suis pas sûre que le passage de sept à huit ans repose sur des bases scientifiques très fiables. À mon sens c’est plutôt une mesure d’affichage: “On ne va pas faire courir des jeunes chevaux sur une longue distance avec le risque pour certains pays (ce n’est pas vrai pour la France, ndlr), de considérer ce championnat comme ‘LA’ course de la vie du cheval. En fait, tout dépend de l’objectif qu’on se fixe: est-ce une étape dans la vie et la progression du cheval ou bien est-ce un objectif sportif en tant que tel?  Et ça, c’est le problème de certaines nations et de certains cavaliers! C’est pourquoi l’âge a été abaissé, je crois.”

Jean-Philippe Francès partage ce point de vue: J’étais un fan absolu du Mondial des sept ans tel qu’on le courait à Compiègne, même s’il a été décrié. Compiègne, Nègrepelisse et Šamorín ont très bien orchestré de rassemblement. L’idéal est de se familiariser ce type de parcours. Compiègne était une épreuve phare de l’année. La sélection des chevaux, arrêtée par Pierre Cazes (l’homme aux trente-deux médailles avec l’équipe de France d’endurance, ndlr) et réservée à des cavaliers d’expérience, était pertinente. C’était la meilleure piste en France et en Europe. Pour moi, l’âge, sept ou huit ans, ne fait aucune différence. En régulant sa vitesse, on préserve son cheval: ce sont les cavaliers qu’il faudrait éduquer! L’excès de vitesse est contreproductif.”



Une passerelle favorable entre courses de plat et endurance?

Certains chevaux d’endurance, de races Pur-sang Arabes ou Anglo-Arabes, sont issus de la filière des courses de plat. Est-ce une bonne stratégie? Là encore, les perceptions diffèrent. L’expérience aidant, Céline Robert pose un constat éclairé: “Selon leurs capacités, des chevaux qui avaient plus d’aptitude pour l’endurance sont lancés en course, et inversement. Ils accumulent des lésions durant leur période d’entraînement et de courses, et se retrouvent lésés d’un point de vue métabolique et ostéo-articulaire. Ce sont des chevaux qui risquent d’être fragiles, mais cette impression n’a pas pu être démontrée scientifiquement.”

Stéphane Chazel livre de ce pas un contre-exemple: J’élève également des chevaux de courses, et j’ai eu la chance de faire naître un cheval qui a été classé meilleur coursier aux Émirats arabes unis pendant deux ans. C’était Pony Express, le premier fils de Tidjani ayant réussi à très haut niveau. À la base, je n’avais pas fait naître un cheval d’endurance, mais un cheval de course. Il est parti à l’entraînement à trois ans, quatre ans … et a été réformé à six ans. Après une année de repos, on l’a lancé en endurance. Depuis, ce cheval a gagné six épreuves de 160km.”Exception ou généralité? Je ne sais pas”, admet Stéphane Chazel. J’en ai un autre grâce auquel nous avons vécu trois victoires aux Émirats l’an dernier. Idem, c’est un cheval de course. C’est pourquoi je me demande si, en endurance, nous ne mettons pas nos chevaux au travail trop tard. Prenez l’exemple du meilleur ultratraileur au monde, Kílian Jornet: il a été élevé à 3.000m d’altitude et à cinq ans, il gravissait son premier sommet à 3.000m. Cela laisse penser qu’un organisme jeune est plus malléable qu’un organisme moins jeune: la marge de progression apportée par le travail est plus importante chez un jeune que sur un organisme plus âgé. Ensuite, il y a un facteur limitant qui est l’usure articulaire, tendineuse.” L’autre argument avancé est que “les chevaux de course de plat courent sur un bon terrain, avec très peu de poids et ont donc moins de traumatismes dans leur jeune carrière. Quant à l’Ardéchois Claude Lux, il débourrait ses chevaux à deux ans et demi. Je ne leur dirais pas qu’il leur faisait faire de l’endurance, mais ils rentraient dans un certain conditionnement, une mécanique de travail!” Ce n’est pas Jean-Philippe Francès qui dira le contraire: ”Aux championnats d’Europe de 2011, à Florac, Sabrina était arrivée deuxième(derrière l’Espagnole María Álvarez Pontón sur Nobby, PsA, Prophecy EF x Nabucco ndlr), avec Beau Ox (Beau 36, ndlr), un cheval allemand issu de la filière course. La grande différence entre les chevaux de course et d’endurance, c’est que les chevaux de course sont élevés au box et plus posés.”

Jean-Michel Grimal n’est pas de cet avis: “Depuis combien de temps n’a-t-on plus vu un cheval présentant un pedigree pure course ou réformé de course se hisser sur un podium dans des épreuves de 120 ou 160km? Et heureusement pour la génétique des éleveurs français! Les chevaux réformés, à la base, n’étaient pas destinés à cela: cela donnait une seconde vie à ceux qui n’étaient pas assez rapides sur des courses de plat. Mais ce n’était pas du tout leur objectif premier. Je trouve dommage qu’il y ait eu des dérives avec ces chevaux. Le système a été perverti et tout à coup, on voyait des gens qui achetaient des chevaux réformés de courses pour 3.000€ en février et qui les revendaient 35.000€ en octobre! Mais cela fait quand même longtemps qu’un cheval de course réformé a gagné l’épreuve des sept ans. Un individu sur 2.250 naissances par an. Cela reste une exception…”



Le circuit SHF demeure un véritable atout

Pour certains, le cycle de formation et de valorisation de la SHF est un plus indéniable. Pour d’autres, à l’image de Christèle Derosch, vouloir suivre les cycles Jeunes Chevaux est antinomique avec la volonté de longévité de la carrière sportive d’un cheval.” Christian Quet abonde dans le même sens, même s’il reconnaît que ce circuit a été fantastique jusqu’à il y a deux ou trois ans. À mon avis, c’est ce qui a permis à l’élevage de s’exprimer. Aujourd’hui, la mentalité a changé: l’enjeu commercial prime sur l’aspect formateur qu’avait le circuit. Installer une fast-line au vet-gate amène à des vet de folie, y compris pour des chevaux de cinq ans! Cela montre bien que l’objectif a changé. Pour moi, le bien-être et la construction des chevaux ont été occultés, et il y a moins de respect des chevaux.”

Jean-Michel Grimal rejoint partiellement Christian Quet: Un entraîneur accomplit son œuvre en construisant un cheval. Le problème, c’est précisément qu’on ne construit plus les chevaux: il faut qu’ils soient bons tout de suite. Très, très vite. Du coup, on passe à côté de nombre d’entre eux. Avant, je pense qu’on construisait très bien les chevaux. Le circuit SHF était super. Aujourd’hui, il a emprunté des directions avec lesquelles je ne suis pas d’accord. Du coup, je suis sorti de ce circuit et je ne vais plus à Uzès depuis deux ou trois ans. Je pense que nous avons oublié quelque chose d’essentiel: si l’on construit une maison sur des fondations solides, elle peut monter haut et elle sera résistante. Avec des fondations en papier… Pour être précis, ce sont les finales qui lui posent problème: “Sous prétexte d’élitisme, on demande aux gens de sur-préparer les jeunes chevaux et de commencer à leur montrer des choses qu’il ne faudrait pas qu’ils voient à cet âge-là.  Les jeunes chevaux ne sont plus travaillés comme ils le devraient. Ou alors il faudrait les entraîner tous au même endroit au même moment, voire de la même façon, et là du coup, on arriverait à les sélectionner. Mais, tel que c’est fait maintenant, on va contre l’idée initiale de la SHF ». 

En revanche, les avis diffèrent concernant la voie rapide au vet gate: Ce n’est pas choquant en soi dans une optique d’éducation des jeunes chevaux. Ça les fait sauter dans le grand bain, ils peuvent découvrir ce que c’est. Mais là encore, tout dépend de pourquoi on fait cette fast-line. S’agit-il de renter dans le calme pour éduquer le cheval ou bien de rentrer très vite? Ce n’est pas du tout le même but ni les mêmes conséquences”, argue Jean-Michel Grimal. Cette voie ne serait donc pas forcément faite pour aller vite. Le sélectionneur national livre un avis pratico-pratique: “Cela permet surtout de dégorger cette aire de rafraîchissement avec des bassines de 1.000 litres qui sont bien moins dangereuses que tout une ribambelle de petits seaux agglutinés les uns aux autres. Si un cheval prend peur et traverse tout, c’est une catastrophe. Ce qui ne va pas dans la fast-line, c’est que tous les bacs soient collés. Il faudrait qu’un sur deux soient enlevés et qu’il y ait des voies de dégagement à droite et à gauche. Comme ça, si un cheval prenait peur dedans, il n’emmènerait pas tout le monde. Aujourd’hui, il peut embarquer tout le monde…”
Le sélectionneur national regrette vraiment ce qui se faisait il y a quelques années encore à Uzès: “La fréquentation ne fait que baisser et il y a moins de commerce depuis la crise sanitaire liée au Covid-19. De plus, avec la nouvelle politique de la SHF, les chiffres ne peuvent que continuer à décroître à court terme. Cela dit, cette politique fera peut-être ses preuves. Dans dix ans, on dira peut-être que “Si nous n’avions pas fait ça à Uzès…”. C’est typiquement français, il y avait un système qui marchait, qui était bien huilé et qui était super, mais qu’on a changé. Mais pourquoi changer quelque chose qui fonctionne? Notre circuit a été meilleur que ce qu’il n’est, ça c’est sûr…”

Pour autant, tout n’est pas à jeter, comme le reconnaît Jean-Michel Grimal: “Lorsqu’un cheval débute une journée d’épreuves SHF, il ne va trouver que des chevaux de sa génération, avec le même objectif, ce qui est super agréable.De ce fait, il ne va pas se faire doubler par des couples courant en vitesse libre. Ça, c’est super important! La catégorisation permet au cheval, surtout s’il est un peu tendu ou un peu délicat dans les premières épreuves, de ne pas se faire peur. Or, quand un cheval prend peur une fois, bonjour les dégâts! Je pense que le circuit tel qu’il est proposé incite les éleveurs et les cavaliers à bien travailler. Après il y en aura toujours qui essayeront de brûler les étapes…”

Ce circuit présentait un autre intérêt non négligeable: financer en partie le coût d’entretien des chevaux: “Les dotations permettaient qu’un cheval paye sa saison, pas sa saison avec l’entraînement, mais s’il était bon, il payait ses engagements et le carburant des déplacements, ce qui n’est pas rien”, se rappelle Jean-Michel Grimal. “Si les grosses écuries étrangères comme celle de l’Espagnol Jaume Puntí Dachs, mettaient les chevaux à l’entraînement en France, c’était précisément pour bénéficier de ce système de formation. Certaines années, nous accueillions jusqu’à sept cents chevaux de quatre, cinq et six ans présents au même endroit le deuxième week-end de d’octobre. C’était quand même exceptionnel! Si quelqu’un voulait acheter un cheval, y compris des Français, parce des gens vendaient des chevaux de tout niveau, ils venaient faire leur marché à Uzès. Je pense que ça ne se fait plus.”



De par sa position, Marion Wasilewski confirme son attrait pour la Grande Semaine d’Uzès: “Le Bahreïn est très attaché à Uzès. Chaque année, nous achetons deux à trois chevaux. En 2020, nous avons acheté Fizz Fageole, sur la première boucle du Championnat car il avait un cardiaque exceptionnel ; il a finalement gagné le Championnat des 5 ans. Nous croyons beaucoup en lui. Ce cheval a fait tout le circuit SHF avec Sandrine Foiry à qui il a été confié ».

Pour expliquer son ressenti à ce sujet, Guilherme Santos partage son expérience depuis qu’il est venu se former en France. “En 1996, je suis venu pour travailler avec l’Union Interprofessionnelle du Cheval (UNIC). Les responsables m’ont proposé un stage où il y avait un passage par la SHF. J’ai commencé ma formation comme juge. Après mon retour au Brésil en 1997, j’ai continué à œuvrer pour le jugement NEP pour la SHF, et ce jusqu’en 2000. J’ai fait tous les Interrégionaux, la Grande Semaine de Fontainebleau. Le circuit endurance de la SHF est un bon outil de formation pour les jeunes chevaux. Ce système est éducatif et les protège tout en leur permettant de progresser. D’ailleurs, beaucoup de pays essaient de copier ce système, constatant que cela fonctionne en France, terroir produisant des chevaux pour le monde entier! Cela permet également aux jeunes éleveurs de commettre moins d’erreurs car il y a un système qui les cadre et leur donne accès à beaucoup d’informations (étalons, lignées de sang).” Ce que confirme Stéphane Chazel, administrateur de l’association du cheval Arabe: Ce circuit SHF est un autre facteur de réussite ; c’est un vrai plus dans la fabrication de nos chevaux.”

Alors, le Cycle de la SHF est-il réellement contreproductif? La réalité pousserait à dire que non, tous les récents Champions du monde s’étant tous formés sur ce circuit.

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