Prévenir et se remettre d’un incendie
Accueillir un cheval chez soi est un cap que de nombreux propriétaires ont décidé de franchir. Pour autant, ce mode de vie n’est pas toujours un long fleuve tranquille et peut réserver son lot de mésaventures. En France, un incendie se déclare toutes les deux minutes. Ce chiffre démontre la fréquence du phénomène incendiaire qui touche plus d’une dizaine de milliers de Français par an, d’autant plus dans un contexte de dérèglement climatique dans lequel les sécheresses hivernales et estivales tendent à s’intensifier. De son côté, le monde équestre n’est pas exempt de ce type d’incident, et faire face à cette situation demande force et courage. Comment prévenir les risques? Vers qui se tourner? De quelle façon organiser l’après? Plusieurs volets d’action ainsi qu’un large panel d’acteurs sont à la disposition des victimes. Certains d’entre eux livrent leurs précieux conseils.
Prendre soin de ses chevaux lorsque le choix a été fait de les héberger chez soi demande une organisation de chaque instant. Cette dernière peut se voir soumise à des risques, dont celui de faire face à un incendie, dont le nombre a augmenté ces dernières années, notamment en raison du dérèglement climatique et des épisodes de sécheresse intense. Pour rappel, trois éléments doivent nécessairement être réunis pour former le triangle du feu: un combustible (litière, fourrage, grain), un comburant (oxygène de l’air) et une source d’inflammation (cigarettes, travaux de maintenance ou de maréchalerie, électricité, foudre ou encore gaz d’échappement).
Il apparaît alors que la prévention est essentielle pour écarter le risque d’incendie, en réduisant notamment la présence de sources d’inflammation. Pour Géraldine Richshoffer, fondatrice de Pegase Insurance, la prévention passe par l’entretien: "Entretenir c’est prévenir. Une structure propre, dans laquelle les extincteurs sont régulièrement vérifiés et l’installation électrique conforme aux normes actuelles, permet de protéger les propriétaires au-delà d’un contrat d’assurance, car vous avez moins de risque qu’un départ de feu se produise." Un constat partagé par de nombreux professionnels, qui insistent sur l’importance d’anticiper les risques autant que possible. "Le mieux est de veiller à maintenir des bâtiments propres et sains, avec des extincteurs en état de fonctionnement. Installer des dispositifs de sécurité tels que des détecteurs de fumée ou des systèmes d’extinction automatique peuvent aider à localiser et éteindre les incendies plus rapidement, limitant ainsi les dommages. Couper l’électricité le soir lorsqu’il n’y a plus personne dans la partie écurie peut également être utile. Il peut également être profitable d’avoir quelqu’un qui dorme sur place afin d’agir rapidement, tout comme isoler le stockage des fourrages à plus de dix mètres des écuries et des autres bâtiments qui abritent les chevaux. Il faut aussi penser à évacuer régulièrement le fumier et, si possible, se faire livrer en flux tendu pour la paille et les fourrages", explique Patrick Herdhebaut, courtier en assurance chez Equidassur.
La vigilance doit être de mise dans les moindres détails, y compris pour les gestes opérés quotidiennement, comme le rappelle Étienne Proust, gérant de la société Proust, spécialisée dans les projets de créations d’écuries depuis 2015: "Il faut veiller à la maintenance des ouvertures pour être en mesure d’assurer une évacuation fluide, sans oublier les portes des boxes. Une porte difficile à manipuler peut devenir un obstacle en cas d’incendie. Aussi, quand nous installons un solarium, nous insistons sur différents points de sécurité – le premier étant de le mettre dans une salle de pansage et non dans une douche, l’eau et l’électricité ne faisant jamais bon ménage. Nous rappelons également l’importance de l’entretien de ce type de matériel, qu’il faut régulièrement dépoussiérer en raison d’un passage d’air qui chauffe lors de son utilisation."
Choisir une assurance appropriée fait également partie des bons gestes préventifs. Cela permettra, selon ce qui a été souscrit, de couvrir les dommages causés par l’incendie (bâtiments, biens personnels, frais vétérinaires ou encore prise en charge du relogement). Il est important de bien comprendre ce qui est assuré. La couverture des chevaux et des bâtiments (tels que les écuries, les granges et les hangars) en cas d’in- cendie est généralement incluse dans de nombreuses polices d’assurance pour les équidés, mais les détails spécifiques de cette couverture peuvent varier et se heurter à des limites de responsabilité ou des exclusions éventuelles. Les assurés doivent donc examiner attentivement leur contrat et discuter de leurs besoins avec leur assureur pour vérifier qu’ils disposent de la couverture appropriée. "Il est important que les clients vérifient leur police pour comprendre les détails de la couverture. De nombreuses polices d’assurance pour les chevaux incluent une couverture en cas de décès, blessures ou maladies causées par un incendie. Cela peut inclure le remboursement de la 'valeur' du cheval lui-même, ainsi que les frais vétérinaires associés au traitement des blessures. Certaines compagnies d’assurance offrent des options de couverture supplémentaires, spécifiquement conçues pour les propriétaires d’équidés. Cela peut inclure des extensions pour les équipements équestres, le matériel d’équitation et d’autres biens associés. Ces options pouvant varier d’une compagnie à l’autre, il est donc important pour les clients de discuter de leurs besoins spécifiques avec leur assureur", détaille Patrick Herdhebaut
Gérer le sinistre
Si prévoyance est mère de sûreté en matière d’incendie, le risque zéro n’existe pas. Qu’il soit d’origine humaine (imprudence, malveillance) ou naturelle (sécheresse, aléas climatiques), ce sinistre entraîne avec lui tout un tas de causes à effets qu’il faut savoir appréhender, tant pour reconstruire que se reconstruire. Une fois l’incendie déclaré, la priorité est d’assurer la sécurité des personnes et des animaux sans céder à la panique. Si vous ne pouvez pas éteindre le feu avec les moyens à votre disposition, il faudra en premier lieu faire évacuer les personnes présentes dans le bâtiment sinistré, puis prévenir ou faire prévenir les secours (préciser le motif de l’appel, le lieu, la nature de l’incendie, le nombre de victimes et leur état, mais aussi les risques potentiels pour les services de secours). Les boxes des chevaux à proximité doivent être ouverts afin de pouvoir les faire sortir.
Une fois la situation sous contrôle, il est important de ne pas sous-estimer les conséquences psychologiques d’un incendie, qui peut se révéler être un véritable événement traumatique, et s’entourer de professionnels pour vous aider. Un point sur lequel Géraldine Richshoffer insiste: "Nous intervenons d’abord humainement, via un accompagnement psychologique de nos clients, car un incendie est générateur de nombreux traumatismes. J’ai été confronté deux fois à des cas d’incendie et, pour chacun d’eux, les gens étaient sur place... Ils m’ont expliqué que tout était allé très vite. Il faut donc prendre en considération l’état de choc de la personne en face de soi. Ensuite, l’accompagnement de nos clients dans la gestion de leur sinistre peut prendre différentes formes, comme par exemple le choix d’un expert d’assuré (personne qui détermine quelle est votre perte réelle et qui discute pour votre compte, ndlr). Il existe différentes manières de rembourser: soit le versement d’un certain montant ou la reconstruction de ce qui a été détruit – ce qui va déterminer le temps de gestion du sinistre –, soit un remboursement plus élevé, qui suppose toutefois d’effectuer des travaux, donc cela dure beaucoup plus longtemps."
La gestion du sinistre peut s’apparenter à une épreuve supplémentaire pour les victimes. Outre le choc émotionnel, elles vont également devoir faire face à ses conséquences en ayant à documenter et relater l’événement. À ce titre, Patrick Herdhebaut insiste sur le fait qu’il est "essentiel que le client agisse rapidement et suive les procédures appropriées pour garantir une résolution rapide et efficace de son indemnisation. Le client doit contacter rapidement sa compagnie d’assurance pour signaler l’incendie et initier le processus d’indemnisation. Il est important que le client documente les dommages causés par l’incendie en prenant des photos ou des vidéos dès que possible. Cela aidera l’assureur à évaluer les dégâts et à traiter le dossier plus efficacement. Il est important de noter que la durée totale du processus de réclamation peut varier en fonction de nombreux facteurs, notamment la complexité des dommages, la disponibilité des ressources et la coopération du client."
Dans les faits, cela peut s’avérer plus compliqué, et de mauvaises surprises peuvent survenir. Ce fut notamment le cas pour Pierre Dionisi, victime d’un incendie dans ses écuries de l’Orée du Bois, dans l’Eure, dans la nuit du 3 au 4 mars 2014. "Il y a dix ans, j’ai été victime d’un feu dans mes écuries, à Bourgtheroulde", accepte-t-il de raconter, avec courage. "À l’époque où s’est déclaré l’incendie, j’évoluais en CCI 3* avec Ashton van ter Moude. Nous étions présélectionnés pour les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers et devions participer le lendemain à un stage au Pôle France de Saumur. Ashton a péri dans les flammes avec un autre de mes chevaux, ce qui fut une épreuve terrible... Le feu a démarré dans la sellerie à la suite d’un problème électrique, et tout a brûlé. Heureusement, les autres chevaux n’ont pas eu de séquelles. Des examens ont été réalisés au Cirale (Centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines, ndlr) pour vérifier l’état de leur système respiratoire. Ils ont tous été mis au champ pendant un mois afin de récupérer ranquillement, à l’air libre", confie le cavalier aujourd’hui âgé de trente et un ans. "Les démarches auprès de l’assurance furent atroces, et ce fut une grosse bagarre pour qu’au final, nous ne touchions rien. Il faut être très vigilant quand on dispose d’une écurie et faire très attention aux détails. Ne pas être assuré correctement, tant pour les chevaux que pour le matériel, peut s’avérer dramatique. Et lorsque cela vous tombe dessus, il faut être capable de réagir. Mon conseil: penser à éteindre le courant tous les soirs au compteur principal. Cela ne coûte pas grand- chose et peut sauver des vies; c’est même devenu une routine. Ne pas garder les carnets dans l’écurie peut également vous éviter de perdre du temps dans des démarches coûteuses. Au-delà des pertes, je garderai en mémoire l’immense soutien des gens, proches ou inconnus. À l’époque, ce fut quelque chose de très important à mes yeux", se remémore le complétiste.
Reconstruire et soigner l'après
D’un point de vue matériel, le bilan peut être lourd, avec des bâtiments et effets personnels endommagés ou détruits. Au sujet des bâtiments peut alors se poser la question de la reconstruction et, à ce titre, le bois apparaît comme un allié. "L’intérêt du bois, outre son côté esthétique, est qu’il va dans le sens du bien-être animal grâce à des parois plus isolantes. Sans oublier la possibilité d’autoconstruire et d’aménager plus facilement sa structure", explique Richard Pigeon, directeur commercial de la société Roiné, spécialisée en construction de bâtiments agricoles depuis quatre-vingts ans. "Le bois est un matériau inflammable mais, contrairement à ce que l’on imagine, il est davantage adapté et permet de combattre plus facilement les incendies que le métal, car il se tient mieux et est plus résistant dans sa structure. Lorsqu’un bâtiment en bois prend feu, les pompiers peuvent entrer et faire sortir les animaux, car il y a une visibilité sur ce qui brûle et ce qui est au bord de la ruine. C’est parfois contre-intuitif, mais le bois brûle assez lentement. L’autre intérêt des charpentes en bois est qu’elles demandent des coûts de démolition moins importants avec une remise au propre du site plus rapide."
Si la question de la reconstruction d'une écurie se pose, différents éléments peuvent être pris en considération afin de sécuriser au mieux les espaces. Cela passe notamment par les ouvertures. "Les portes doivent pouvoir être ouvertes de l'extérieur et de l'intérieur; c'est primordial!", commente Étienne Proust. "Il est d'ailleurs possible de prévoir des portes avec des issues de secours intégrées. Cela peut, par exemple, être le cas dans les entrées d'écuries qui sont en général coulissantes. L'idée est d'y intégrer des portes classiques afin de permettre de sortir plus aisément, car le battant est plus facile à manipuler que le coulissant."
La santé des chevaux peut également avoir été mise à mal après un incendie. Stress, problèmes respiratoires, brûlures, etc.: autant de manifestations qui peuvent intervenir à la suite d'une exposition à la fumée et aux flammes. En cas de contact, il est primordial de faire appel à un vétérinaire pour examiner l'état des équidés et mettre en place un protocole médical si besoin. Des traitements non médicamenteux sont également à la disposition des propriétaires pour contribuer à la remise en état de leurs protégés. "S'il est évident qu'ils ne se substituent en rien à un protocole vétérinaire, nos produits peuvent venir en compléments pour aider à soulager certains maux" explique Pierre Dionisi, également directeur général de la société Equine Product France, marque anglaise de soins et de compléments alimentaires. "Après un épisode de stress, comme peut l'être un incendie, je pense qu'il faut être attentif au bon fonctionnement du transit du cheval. La gamme TransVite, composée de probiotiques et de prébiotiques, est pour moi un indispensable. C'est d'ailleurs un produit que j'utilise régulièrement pour veiller au bon fonctionnement de la flore intestinale de mes propres chevaux! Pour le traitement des brulures, nous proposons la crème Zarasyl afin de favoriser le processus de cicatrisation des plaies et la repousse du poil. Enfin, le complément alimentaire Breeze-Up peut aider à soulager et assainir les voies respiratoires grâce à l'action combinée de l'eucalyptus et du menthol. Un peu comme le feraient les produits Vicks (marque de médicaments contre le rhume et la toux, ndlr) pour les humains. Il est par ailleurs possible de l'utiliser en support sur le long terme pour les chevaux emphysémateux", conclut le professionnel.