Oleksandr Onyshchenko brigue la présidence de l’Ukraine… depuis la France ?

Sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis 2016 pour des fait présumés de corruption et de détournement de fonds publics en Ukraine, Oleksandr Onyshchenko mène une virulente campagne contre Petro Porochenko, président de cette république en guerre et en crise. Accusant son ami d’hier d’avoir mis en place un vaste système de corruption, l’ex-président de la Fédération équestre ukrainienne, ancien propriétaire et sponsor de son équipe nationale de saut d’obstacles, entend présenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2019. Pour gagner son pari, il ne pourra toutefois miser que sur ses réseaux locaux et sur internet. En attendant, l’oligarque cavalier, aperçu à plusieurs reprises en Normandie ces derniers temps, se fait assez discret sur les terrains de concours…



“Me and world champion horse Clinta training at home”, écrit Oleksandr Onyshchenko le 23 septembre sur son compte Instagram, lequel affiche pas moins de 581.000 abonnés. Moins présent à haut niveau, sa dernière participation à un CSI 5* remontant à juin 2016, l’oligarque ukrainien reste une figure influente dans le gotha du saut d’obstacles. À travers cette courte vidéo un rien taquine, postée deux jours après le sacre collectif des États-Unis aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, au terme d’un barrage de folie où ladite Clinta a joué un rôle crucial sous la selle de McLain Ward, l’homme de quarante-neuf ans a sûrement voulu rappeler qu’il avait été l’un des premiers à croire en le potentiel de la grise, dont il fut propriétaire du 15 décembre 2015 au 20 juillet 2016, selon les données publiées par la Fédération équestre internationale. Bien qu’il ne l’ait jamais montée lui-même en concours, on retrouve trace de quelques parcours avec Ferenc Szentirmai et René Tebbel, ses cavaliers naturalisés ukrainiens. Le 20 juillet 2016, Clinta avait été cédée au marchand allemand Paul Schockemöhle, comme quarante-trois autres de ses chevaux.
 
Quelques semaines plus tôt, le vent avait sérieusement commencé à tourner pour Oleksandr Onyshchenko. Député élu à Verkhovna Rada, le parlement ukrainien, il était alors passé de conseiller proche du président Petro Porochenko, qu’il dit avoir contribué à faire élire en 2014 et soutenu y compris par des moyens peu amènes – selon ses propres aveux –, à ennemi déclaré du régime, soupçonné par les autorités ukrainiennes de corruption et de détournement de fonds publics. Alors qu’il se préparait à disputer ses troisièmes Jeux olympiques, il dut y renoncer lorsque son immunité parlementaire fut levée le 5 juillet 2016 et que le ministre de la Jeunesse et des Sports annonça qu’il ne validerait pas sa participation à cet événement…
 


Résiderait-il en Normandie ?

Depuis, le milliardaire ayant fait fortune dans le gaz et l’énergie vit en exil, tandis que ses affaires en Ukraine ont été mises en sommeil, et une partie de ses liquidités gelées par le pouvoir en place. Ayant demandé l’asile au Royaume-Uni, vraisemblablement sans succès, il s’était installé en Espagne, avant de quitter ce pays au début de l’été 2018, face à la perspective d’une possible extradition vers l’Ukraine. Fin 2017, il a tenté d’obtenir un visa de l’Allemagne avec l’aide du maire de Herzlake, petite ville de Basse-Saxe où sont établies ses belles écuries et où il aurait promis d’organiser de beaux concours – deux CSI 4* devaient y avoir lieu cette année – afin de contribuer au rayonnement de cette zone rurale. Mais ce permis de séjour lui a été refusé, sans que l’État allemand ne s’en justifie officiellement.
 
À l’heure actuelle, on ne sait plus vraiment où réside le jet-setteur. Mêlant actuelles et anciennes photos – où il pose parfois avec ses stars du sport ou du spectacle –, ses publications sur Instagram brouillent quelque peu les pistes. Il se pourrait cependant qu’il vive en France. C’est en tout cas ce que semblent indiquer certains clichés, mais aussi ses derniers engagements en compétition, en juin à Saint-Tropez et en juillet à Chantilly. En outre, on l’aperçoit régulièrement sur les terrains de concours de Normandie, où des bruits de paddock lui prêteraient l’intention d’acheter de nouvelles écuries.
 
Quoi qu’il en soit, Oleksandr Onyshchenko n’entend pas rester exilé les bras croisés. Fin 2017, il a contre-attaqué sur le terrain politique en lançant une virulente campagne visant à “rétablir la vérité” sur le président Petro Porochenko, qu’il accuse à son tour d’avoir mis en place un vaste système de corruption destiné à son seul enrichissement personnel. Tout cela au détriment d’un pays frappé par la crise économique et toujours guerre contre la Russie, qui a annexé la Crimée, tandis que l’instabilité politique demeure dans la région majoritairement russophone du Donbass. L’oligarque s’est appuyé sur la publication d’un livre, signé de sa main et édité en russe puis traduit en allemand sous le titre “Peter der Fünfte, Die wahre Geschichte des ukrainischen Diktators” (ou “Pierre V, la véritable histoire du dictateur ukrainien” en français).
 
Des médias allemands et américains s’en sont fait l’écho, permettant à l’auteur du pamphlet de s’exprimer lors de longs entretiens (lire celui du controversé Washington Times et celui du quotidien régional allemand Neue Osnabrücker Zeitung). Non seulement il y détaille ce qui, selon lui, ne va pas en Ukraine, mais il se pose aussi en recours, assurant qu’il présentera sa candidature à la prochaine élection présidentielle! Interrogé quant au fait – un rien handicapant – qu’il ne pourra pas y faire campagne physiquement, sous peine d’être directement emprisonné, Oleksandr Onyshchenko assure que ce ne sera pas un problème: “J’ai mon propre parti, le ‘5.10’, qui organise tout pour moi. […] Mon livre est déjà un succès en Ukraine. Bien qu’on ne le trouve pas là-bas dans les librairies, il se vend très bien sur internet.”
 


Des chevaux mais pas de passeport ukrainien pour ses cavaliers français

Depuis quelques mois, Pénélope Leprevost, ici en selle sur Gain Line, est devenue l’une des principales cavalières de l’Ukrainien.

Depuis quelques mois, Pénélope Leprevost, ici en selle sur Gain Line, est devenue l’une des principales cavalières de l’Ukrainien.

© Scoopdyga

Côté sport, si l’équipe d’Ukraine de saut d’obstacles, dont il a toujours été le principal promoteur, propriétaire et sponsor, avait pu participer sans lui aux JO de Rio, terminant bonne dernière après un championnat décevant, puis encore aux Européens Longines de Göteborg l’été dernier avec deux de ses anciens chevaux, Carthagena 6 et Dinero de Laubry, on ne l’a pas vue cet été aux Jeux équestres mondiaux de Tryon. Des anciens cavaliers qu’il avait fait naturaliser, seul le Hongrois Ferenc Szentirmai semble continuer à travailler pour lui, tandis que les Allemands René Tebbel et Ulrich Kirchhoff collaborent désormais avec d’autres propriétaires. Auparavant, respectivement en 2016 et 2017, Katharina Offel et Cassio Rivetti avaient, pour leur part, choisi de concourir à nouveau pour leur nation d’origine, à savoir l’Allemagne et le Brésil.
 
Depuis fin 2016, Oleksandr Onyshchenko s’est adjoint les services de deux cavaliers français. Après s’être vu confier notamment Chadino, Gain Line et Teavanta II C, Simon Delestre ne monte plus aujourd’hui que le premier nommé. De son côté, après la fin de son partenariat avec le haras de Clarbec de Geneviève et Dominique Mégret, Pénélope Leprevost s’est largement appuyée sur le soutien du milliardaire pour réamorcer son rapide retour au plus haut niveau, remportant cet été le Grand Prix du CSI 5* Longines d’Ascona avec… Gaine Line, récupéré quelques semaines plus tôt. Actuellement, la Normande peut aussi compter sur les prometteurs Quintair et Key To President. Leur propriétaire étant devenu persona non grata dans son propre pays, la règle selon laquelle un cavalier montant pour Oleksandr Onyshchenko devait adopter la nationalité ukrainienne n’a plus cours à l’heure actuelle. Qu’en sera-t-il si le magnat remporte son pari et accède au rang de chef de l’État? Réponse le 31 mars 2019, jour de son cinquantième anniversaire.


Oleksandr Onyshchenko avec Clinta, dont il fut autrefois le propriétaire