“Le fait d’être si près du but avec un cheval que je monte depuis moins d’un an est incroyable”, Aaron Vale

Après avoir crevé l’écran en début d’année, Aaron Vale est devenu un candidat sérieux à une sélection olympique pour représenter les États-Unis aux Jeux olympiques de Paris, avec l’exceptionnel Carissimo 25. S’il ne se battait que pour une place de réserviste, le quinquagénaire a finalement perdu son bras de fer face à Karl Cook et Caracole de la Roque, plus réguliers et choisis par Robert Ridland pour représenter le Stars and Stripes. À La Baule, Aaron Vale s’est dévoilé avec un enthousiasme tout droit venu de Floride.  



Aaron Vale et Elusive lors de la finale de la Coupe du monde Longines de Leipzig, en 2022.

Aaron Vale et Elusive lors de la finale de la Coupe du monde Longines de Leipzig, en 2022.

© HippoFoto

Depuis votre association votre en fin d’année dernière, Carissimo et vous avez connu une ascension éclair. Comment l’expliquez-vous ?

Carissimo (Holst, Cascadello x T-Clintissima) a déjà sauté sur quelques épreuves 5* mais il n’est pas très expérimenté sur ce type de hauteurs, donc tout cela est assez nouveau pour lui. Même si, a contrario, je suis très expérimenté, je n’avais encore que peu concouru à un tel niveau. Je n’ai jamais monté de cheval avec de telles capacités, mais j’en ai tout de même eu de très bons, avec de bons potentiels pour des CSI 3* ou 4*. J’ai même pris part à deux finales de Coupe du monde avec quelques-uns (avec Elusive, en 2022 à Leipzig en 2022, et Prescott, en 2023 à Omaha, ndlr). C’est assez spécial de compter sur un cheval qui peut atteindre un tel niveau, on ne peut pas réellement s’en plaindre. Certes, cela aurait été mieux de l’avoir six mois plus tôt, afin de gagner plus d’expérience ensemble au cours de la saison. La vie en a décidé autrement et nous allons de l’avant en espérant gagner une belle épreuve un jour. Nous sommes encore en train d’apprendre à nous connaître. 

Comment avez-vous récupéré Carissimo 25 ?

La dame qui en était la propriétaire avant avait cessé de collaborer avec sa cavalière (Mavis Spencer, ndlr) à cause d’un désaccord et le cheval a donc été mis à la vente le lendemain. Un ami de longue date, Don Stewart, qui a d’importantes relations dans le milieu équestre, le connaissait et a pu motiver un sponsor intéressé pour en faire l’acquisition, dans l’espoir qu’il parvienne un jour à intégrer l’équipe américaine. Le cheval était connu pour son potentiel donc beaucoup de personnes souhaitaient l’acquérir, mais il a réussi à conclure l’affaire en une semaine alors que je ne l’avais jamais essayé. Je ne comprenais pas réellement ce qui était en train de se passer, il m’a simplement appelé et m’a dit : “Tu vas devoir essayer ce cheval”, puis je n’ai pas eu de ses nouvelles pendant quelques jours. Par la suite, il m’a recontacté en me proposant de prendre un billet d’avion pour la Californie et de venir l’essayer. Deux jours après, il m’annonçait qu’il passait sa visite vétérinaire. J’étais un peu décontenancé. J’avais rencontré Debbie Smith, sa nouvelle propriétaire, à Ocala. Elle était venue me poser des questions sur mes lunettes de soleil, car comme j’ai des yeux très sensibles à la lumière, je monte toujours avec. Quand elle a acheté Carissimo, elle s’est demandé quel serait le meilleur cavalier pour exploiter son potentiel, car les États-Unis regorgent de bons cavaliers et tout le monde adorait ce cheval. Elle n’était pas sûre à cent pour cent qu’il me conviendrait mais Don l’a convaincue en lui disant : “S’il obtient une place dans l’équipe nationale, aucun autre cheval de son piquet ne fera d’ombre à Carissimo”. C’est une histoire folle ! Don est encore impliqué dans la carrière de ce cheval, et il est également propriétaire à cinquante pourcents de ma deuxième monture, Styles. Nous l’avons acheté l’année dernière alors qu’il n’avait que sept ans et il a concouru à La Baule alors qu’il en a désormais huit, et a très bien performé, notamment à Rome. Il sera peut-être, lui aussi, un futur cheval d’exception. 

Comment décririez-vous Carissimo ? Quelles sont ses meilleures qualités ?

Il est très facile à vivre, c’est un cheval très calme. Certes, il était un peu nerveux sur la piste à La Baule mais tellement de chose se passent autour. Pour cette raison, il était assez regardant au lieu de se focaliser uniquement sur l’obstacle, mais habituellement, il se concentre très facilement. Il n’a pas de réels vices, il est apaisé que ce soit dans son boxe ou monté. Il est tout simplement gentil et aussi sympa qu’un chien. Il pourrait presque s’allonger sur nos genoux ! (Rires)

L’Américain et son formidable alezan ont signé un double zéro dans la relevée Coupe des nations du CSIO 5* de Rome.

L’Américain et son formidable alezan ont signé un double zéro dans la relevée Coupe des nations du CSIO 5* de Rome.

© Sportfot



“Avant, je n’aurais sûrement jamais pu prétendre aux Jeux”

Aaron Vale lors de la finale de la Coupe du monde Longines de 2023, à Omaha.

Aaron Vale lors de la finale de la Coupe du monde Longines de 2023, à Omaha.

© Scoopdyga

Alors que l’équipe américaine semblait un peu à cours de cartouches olympiques l’an passé, de plus en plus de couples se sont montrés vraiment convaincants en 2024. Quel regard portez-vous sur l’état des troupes ?

Encore une fois, quand il est question de chevaux tout peut changer très rapidement. Jusqu’alors, je n’avais pas de cheval qui pouvait atteindre cet objectif, mais avec Carissimo, j’ai commencé à penser à la façon de construire un programme pour avoir une chance de faire partie de cette aventure olympique. Peut-être y arriverais-je, peut-être pas (entretien réalisé avant l’annonce de la sélection, dans laquelle le duo ne figure pas, ndlr), mais le simple fait d’être si près du but avec un cheval que je ne montais même pas il y a un an est incroyable ! Avant, je n’aurais surement jamais pu prétendre aux Jeux. 

Outre lors de la finale de la Coupe du monde Longines de Leipzig, en 2022, aviez-vous déjà concouru en Europe ?

Oui, c’était il y a longtemps à Drammen, en Norvège, mais aussi à Falsterbo deux fois, à Donaueschingen, ou encore à Barcelone pour la finale des Coupes des nations.

Comment avez-vous débuté l’équitation ?

Mes parents avaient des chevaux, donc j’ai monté avant même ma naissance, quand ma mère était enceinte. Depuis que je suis né, j’ai toujours monté. J’ai commencé enfant, puis je suis rentré dans l’équipe nationale Juniors. J’ai pris part à des Grand Prix nationaux toute ma vie et fait de mon mieux avec les chevaux que j’avais.

Quand avez-vous fondé vos propres écuries ?

J’ai eu quelques boulots pendant un temps, puis je suis parti et j’ai monté mes propres écuries quand j’avais la vingtaine. Cela fait plus de vingt ans que j’ai mon propre fonctionnement avec ma famille. Depuis que je me suis marié, ma femme est impliquée dans l’entreprise et nous avons eu une fille qui monte à poney. 

Votre épouse concourt-elle à l’international ?

Elle participe à des épreuves nationales, mais concourt aussi parfois jusqu’en CSI 3 ou 4*. Elle a un fabuleux cheval mais elle ne me laisse pas le monter. (Rires)

Faites-vous un peu d’élevage ? 

Un peu, nous comptons environ une dizaine de chevaux, mais nous n’élevons plus. Ce n’était pas une grande réussite. J’ai un cheval de huit ans dans mes écuries, qui commence tout juste à participer à des Grand Prix nationaux. Hormis lui, aucun n’a passé la barre des épreuves à 1,10m ! (Rires) Nous avions deux poulinières, mais l’une d’elle est morte et nous avons donc décidé de donner l’autre à quelqu’un qui avait d’autres juments pour la reproduction. Je suis trop vieux pour attendre aussi longtemps maintenant. (Rires)

Où êtes-vous basé quand vous êtes en Europe ? Et aux États-Unis ?

En Europe, nous sommes en France, à Barbizon. Aux États-Unis je suis à Ocala, en Floride. Nous sommes à seulement quinze minutes du World Equestrian Center, ce qui nous facilite l’accès à ces compétitions. Après avoir voyagé jusqu’ici (à La Baule, ndlr), nous allons rentrer dans deux semaines. Les chevaux auront un peu de repos et je retournerai à Barbizon. Je vais travailler mes autres chevaux pendant ce temps et chercher dans quelle prochaine compétition je vais concourir. En espérant que la prochaine soit ici, en France.

Pouvez-vous évoquer votre fonctionnement ? 

Je fais un petit peu de tout. J’achète moi-même quelques chevaux. Ma femme et moi en acquérons, toujours dans l’espoir qu’ils soient assez bons pour concourir à un niveau décent. Parfois, on achète des chevaux afin les revendre à certains de nos clients et dégager un peu de marge, c’est toute une économie. J’ai également quelques élèves, certains avec des objectifs de compétition, d’autres davantage pour le plaisir.

Votre compte Instagram se nomme @thinkslikeahorse. Pourquoi avez-vous choisi de le nommer ainsi ?

(Rires) J’essaye de penser comme un cheval, c’est pour cela. Mon adresse de courriel porte le même nom, et quand je l’ai créée il y’a trente ans, c’était avant qu’il y ait la Wifi, la connexion se faisait alors via le téléphone. Je voulais l’appeler “thinklikeahorse”, mais pendant le processus de création, je n’ai plus eu de réseau. Le temps que je recommence, ce nom n’était plus disponible donc j’ai dû rajouter un “s”. Nous avons finalement aussi donné ce nom à notre entreprise et à nos écuries. 

Avez-vous un mentor ? 

N’importe quel bon cavalier. (Rires) Quand j’étais jeune, j’étais beaucoup influencé par Georges Morris (il a remporté l’argent aux Jeux olympiques de Rome en 1960 et l’or aux Jeux panaméricains de Chicago en 1959, ndlr) ou encore Dennis Murphy, qui a porté les couleurs de notre équipe nationale dans les années 70 (aux Jeux olympiques de Montréal en 1976 notamment, ndlr). Ce dernier a eu un gros impact durant toute ma vie car il a toujours été quelqu’un avec qui on pouvait parler de chevaux et de la manière dont les entraîner.

Qui vous inspire aujourd’hui ?

Un des cavaliers que j’apprécie le plus observer est Marcus Ehning, j’aime beaucoup sa manière de monter. C’est légèrement différent de ce qu’on a l’habitude de voir, mais tellement efficace. J’ai regardé beaucoup de vidéos de ses parcours. Certes, mon équitation est différente, mais je m’inspire de certaines choses. Quand je me motive et que j’étudie réellement ce qu’il fait, cela semble avoir un effet positif sur mon travail.



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