La voltige équestre est tout sauf une discipline individuelle. Même quand on concourt individuellement, on ne peut briller sans démontrer une véritable harmonie avec son cheval et le longeur ou la longeuse de celui-ci. Sans parler des pas de deux, catégorie dans laquelle la France ne s’est encore jamais investie sérieusement, et surtout de la voltige en équipe, où l’addition des talents des uns et des autres ne produit rien de performant sans une cohésion voulue, nourrie et sans cesse remise en question. Pour valoriser encore davantage ces valeurs collectives, la Fédération équestre internationale, encouragée en cela par plusieurs fédérations nationales, dont la FFE, a créé une Coupe des nations, où chaque drapeau est représenté par deux individuels et une équipe. Entrée en vigueur en 2018, cette nouveauté n’a pas immédiatement profité à la France, qui n’a pas envoyé d’équipe aux Jeux équestres mondiaux de Tryon, en 2018 aux États-Unis, ni aux Mondiaux de voltige de Budapest, reprogrammés en 2021 en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.

En 2022, après la cessation d’activité des écuries alsaciennes de la Cigogne, la FFE a pris en main la formation d’une nouvelle équipe, placée sous sa responsabilité directe et qui a bénéficié de tout le soutien technique et artistique offert par le Pôle France FFE de Saumur. Réunissant les meilleures individualités, sur la base du volontariat – en voltige, on ne parle pas d’argent, mais plutôt d’abnégation ou de sacerdoce! – ce collectif a permis au Coq d’achever les Mondiaux de Herning avec un bilan restant inégalé à ce jour: cinq médailles, dont trois en or et deux en argent. Depuis, l’encadrement fédéral a été renouvelé: François Athimon, nouveau directeur de la discipline, et Manon Moutinho, première championne du monde (en 2022) et lauréate française de la Coupe du monde (toujours en 2022, mais à Leipzig), promue à la tête de l’entraînement et de la sélection, ont succédé à Davy Delaire, nommé coresponsable, aux côtés de Jean-Luc Force, du service dit de Haute Performance, créé par la FFE en vue des JOP de Paris 2024.

Une abnégation qui force le respect

Après un an et demi de pause, la FFE a relancé un projet d’équipe en cette année paire, synonyme de championnats du monde, suivant une démarche comparable à celle de 2022. Là encore, le succès a été au rendez-vous, à en juger par la médaille d’argent gagnée vendredi par cet excellent collectif, au sein duquel évolue notamment Lambert Leclezio, franco-mauricien de génie, battu seulement à deux reprises individuellement entre avril 2016 et août 2022. Portée par la solidité de cette équipe, vectrice d’énergie positive, et par deux hommes d’exception, Théo Gardies et Quentin Jabet, médaillés d’or et d’argent individuels hier, la France avait de forts arguments à faire valoir dans la coupe des nations de ces Mondiaux de Berne. Encore fallait-il à ces athlètes, équitants-gymnastes soumis à des programmes d’entraînement que peu d’humains ne pourraient endurer, à délivrer la performance finale tant attendue. Et ils l’ont fait, sans trembler et en prenant du plaisir qui plus est!

Théo Gardies, associé à ses complices Sir Sensation et Sébastien Langlois, a montré qu’il était encore en grande forme après son sacre individuel. Le Parisien a présenté avec autant d’intensité ce programme Libre qu’il aime tant. Avec des éléments très sûrs, sanctionnés d’une incroyable note technique de 9,913, et montrés avec une certaine décomposition, comme pour permettre aux spectateurs et aux juges de mieux les savourer, il a obtenu une moyenne de 9,352, supérieure à celle d’hier (9,239). Le double vice-champion du monde en titre, Quentin Jabet, a présenté un numéro particulièrement élégant, avec des lignes très personnelles, des accents dramatiques et une grande énergie sur le dos de Ronaldo 200, longé par l’Allemande Andrea Boe. L’émotion qui a envahi l’athlète a été à la hauteur de celle qu’il venait de susciter dans les tribunes. Il a reçu un 9,172 – et même un 10 en technique! L’escouade tricolore, vice-championne du monde vendredi, a parachevé le travail. Autour d’Orlof de Cong, longé par Yannick Kersulec, Zoé da Silva, Ruben Delaunay, Louis Dumont, Théo Gardies, impliqué dans trois des quatre médailles de ce rendez-vous planétaire, Dorian Terrier et Lambert Leclezio, ont réussi une nouvelle performance extraordinaire. À leurs ambitieuses bases artistiques, les Bleus ont greffé une parfaite exécution technique, et fait valoir leur sincère complicité. Leur programme s’est enchaîné de façon particulièrement harmonieuse. Ils ont conclu ces Mondiaux par une note de 9,193, soit, pour la France, une impressionnante moyenne générale de 9,239, encore supérieure à celle de Herning (9,146).

“Nous ne pouvions pas espérer mieux”, Manon Moutinho

Grâce à un très beau Libre de son équipe, après quelques imprécisions inhabituelles d’Alina Ross et Jannik Heiland, l’Allemagne s’est adjugé l’argent avec un total de 8,923. Devant des supporteurs chauffés à blanc, la Suisse a fini troisième avec 8,765, devant l’Autriche, les États-Unis et l’Espagne.

Après ce premier Mondial ô combien réussi, complété par de belles performances aux championnats d’Europe Jeunes, à l’instar de la médaille d’argent de Tom Menand chez les Jeune Voltigeurs, Manon Moutinho a fait part d’une satisfaction toute légitime. “Nous avons vécu une compétition plus qu’exceptionnelle avec cinq médailles récoltées! Chez les Seniors, nous repartons avec les deux plus belles médailles. Dans le sillage de Théo et Quentin, Dorian Terrier a réussi un superbe dernier Libre (se classant sixième du Mondial chez les hommes, ndlr). Il a su voltiger comme un pro, en individuel comme au service de l’équipe. Chez les Jeunes Voltigeurs, nous sommes très fiers de la performance de Tom Menand, qui n’avait pas couru de championnat depuis trois ans et rentre avec l’argent. De même, nos jeunes voltigeuses ont montré un mental exceptionnel, ce qui me laisse penser que la relève est assurée. Honnêtement, nous ne pouvions pas espérer mieux! De plus, nous avons conservé une ambiance collective exceptionnelle du début à la fin de la saison! C’est sûrement ce qui a fait notre force! Tout le monde a travaillé dur, mais aussi parlé et pris du bon temps avec les autres, dans le sérieux et le respect! La pédagogie saine et la communication comptent beaucoup à mes yeux, et je pense que les athlètes reçoivent bien ces concepts. Nous parvenons à conjuguer travail et plaisir. Si l’on y réfléchit bien, je dirais même que c’est ce qui nous rassemble et nous caractérise. Alors nous allons continuer dans cette voie.”

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