Suspendue à sa demande, Charlotte Dujardin renonce aux JO après l’apparition d’une vidéo compromettante en matière de bien-être
Charlotte Dujardin ne participera pas aux Jeux olympiques de Paris 2024. Comptant parmi les favorites au podium individuel à Versailles, la Britannique, médaillée d’or individuelle en 2012 et 2016 avec l’inoubliable Valegro, a été suspendue à sa propre demande. Cette décision est liée à la circulation d’une vidéo la montrant en train de commettre à l’égard d’un cheval ce qu’elle considère comme “une erreur de jugement lors d’une leçon”. C’est un coup dur pour le dressage, discipline dont l’Anglaise de trente-neuf ans est l’une des plus championnes les plus admirée, et forcément pour l’équitation, à quatre jours de l’ouverture des épreuves équestres olympiques.
Alors qu’elle comptait parmi les favorites, plus nombreuses que jamais cette année, à une médaille individuelle en dressage aux Jeux olympiques de Paris, Charlotte Dujardin a annoncé en fin d’après-midi qu’elle renonçait à concourir à Versailles. Double championne olympique individuelle à Londres et Rio avec son fabuleux Valegro, Charlotte Dujardin avait été sélectionnée cette fois avec Imhotep. Cette décision est liée à la circulation d’une vidéo la montrant en train de commettre “une erreur de jugement lors d’une leçon”, selon ses propres termes. “Datant de quatre ans”, cette séquence a été envoyée à la Fédération équestre internationale (FEI) hier seulement, à quatre jours de l’ouverture des Jeux olympiques de Paris. “De manière compréhensible, la Fédération équestre internationale (FEI) a lancé des investigations et j’ai décidé de me retirer de toutes les compétitions – y compris les Jeux olympiques de Paris – durant ce processus. Ce qui s’est passé n’est pas du tout dans mes habitudes et ne reflète pas la manière dont j’entraîne mes chevaux ni mes élèves, mais je ne me cherche aucune excuse”, a déclaré la cavalière. “J’ai profondément honte et aurais dû donner un meilleur exemple à ce moment précis.”
Selon un premier article publié dans la journée sur le site internet du quotidien britannique généraliste The Telegraph, qui n’emploie logiquement pas un vocabulaire technique, la séquence incriminée montrerait Charlotte Dujardin “tapant un cheval de manière répétée sur les membres durant un trot ralenti”, décrit comme étant un piaffer par une source du média, alors que ledit cheval est monté par une autre personne. Le Telegraph expliquait alors que la vidéo aurait été tournée durant une journée de formation au sein d’une structure appartenant à une figure bien connue du monde de l’équitation britannique. La séquence “a été révélée par un lanceur d’alerte, qui a embauché un avocat néerlandais pour rendre l’affaire publique”, indique encore le quotidien d’outre-Manche. “Un média aux Pays-Bas aurait obtenu la vidéo”. De son côté, Horses.nl indique que l’avocat en question est Stephan Wensing, spécialisé en droit équin. “Il est impensable que le dressage s’accompagne de cruauté envers les animaux”, a-t-il déclaré à nos confrères néerlandais. Le Néerlandais s’est ensuite exprimé auprès du Telegraph, expliquant dans une deuxième version de l'article du média britannique que sur la vidéo “Charlotte Dujardin se trouvait au milieu de la carrière. Elle a dit à son élève que son cheval devait plus lever les jambes au galop, a pris le long fouet (possiblement une chambrière, ndlr). Elle a frappé le cheval plus de vingt-quatre fois en une minute, et de manière très dure, très forte, très brutale. Comme un éléphant dans un cirque.”
Dans un communiqué publié ce soir, la FEI a confirmé avoir reçu hier une vidéo de la part d’un avocat représentant “un plaignant dont l’identité n’a pas été révélée”. "Mon client a été une sponsor, et elle était au Royaume-Uni, où elle a payé pour une leçon avec Charlotte à une élève”, a quant à lui détaillé Stephan Wensing. Selon la FEI, la séquence montrerait la double championne olympique “adoptant un comportement contraire aux principes du bien-être des chevaux. […] Lorsque la FEI a reçu cette vidéo, elle a immédiatement lancé des investigations. Dans le cadre de cette enquête, Charlotte Dujardin, British Equestrian (la Fédération équestre britannique, ndlr) et British Dressage (organisation qui s’occupe spécifiquement de la discipline outre-Manche, ndlr) ont été informés des allégations. [...] Charlotte Dujardin a confirmé qu’elle était bien la personne représentée dans la vidéo et a reconnu que sa conduite était inappropriée. [...] Elle a demandé à être suspendue provisoirement (ce qui a été accepté par la FEI, la suspension prenant effet dès aujourd’hui, ndlr) en attendant le résultat de l’enquête et s’est volontairement retirée des JO de Paris 2024. Elle a également confirmé qu’elle ne participerait à aucune compétition en attendant le résultat de l’enquête de la FEI”.
“Notre action réaffirme l’engagement de la FEI en faveur du bien-être de nos athlètes”, Ingmar de Vos
La fédération britannique a loyalement répercuté la suspension provisoire de l’athlète au niveau national. “Nous sommes profondément déçus de cette affaire, en particulier à l'approche des JO de Paris 2024”, a déclaré Ingmar de Vos. “Cependant, il est de notre responsabilité et il est crucial de traiter tous les cas d’abus, car le bien-être des équidés ne peut être compromis. Charlotte a exprimé des remords sincères concernant ses actions, et nous reconnaissons et apprécions sa volonté de prendre ses responsabilités. Si le timing de cette affaire est malheureux, nous pensons que notre action réaffirme l’engagement de la FEI en faveur du bien-être de nos athlètes, en tant que garante de l’intégrité de nos partenaires équins et de notre sport.”
C’est un coup très dur pour le dressage, sport guère épargné par les affaires depuis quelques mois. En effet, depuis son avènement au plus haut niveau, au début des années 2010, Charlotte Dujardin est considérée comme l’une des ambassadrices d’une équitation plus légère que celle proposée par certains rois et reines précédents de cette discipline de tradition, d’héritage militaire et tendant vers un idéal artistique de légèreté. “Toute personne qui s’occupe de chevaux a sa propre responsabilité dans ce domaine, ce qui s’applique également aux spectateurs étant témoins d’abus”, Stephan Wensing. “Il est extrêmement triste que l’une des cavalières les plus performantes au monde doive pâtir de cette affaire, mais elle ne s’est pas montrée responsable, et cela ne peut rester impuni. Les fédérations, et en particulier la FEI, devraient prendre des mesures encore plus adéquates vis-à-vis de la cruauté envers les animaux, précisément pour assurer la survie des sports équestres.” La FEI semble résolue en ce sens, comme en témoigne sa volonté d’appliquer nombre des recommandations émises par le commission temporaire et indépendante d’éthique et de bien-être équin qu’elle avait nommée fin 2021, après les JO de Tokyo. “Les sports équestres doivent s’autoréguler. […] C’est là une tâche très importante pour les juges, qui ont trop longtemps perdu de vue les valeurs fondamentales du dressage et surévalué des mouvements spasmodiques de la part des chevaux”, a-t-il ajouté, emmenant là le débat sur un terrain bien éloigné de l’affaire qu’il a soumise à la FEI...