“Tout peut arriver, qui plus est avec des écarts aussi réduits entre les meilleurs”, Maxime Livio
Comme Maxime Livio l’avait imaginé, le concours complet des Jeux olympiques de Paris 2024 donne lieu à une concurrence très rude au stade éphémère de Versailles. Après le test de dressage d’hier et avant le cross d’aujourd’hui, la Britannique Laura Collett et l’Allemand Michael Jung, associés à London 52 (17,5 points) et Chipmunk (17,8), se détachent quelque peu d’un lot très homogène comptant vingt et un autres couples pénalisés de moins de 30 points. Par équipes, où sept nations affichent moins de 90 points, la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont pris un peu d’avance, mais la France est au rendez-vous à la troisième place provisoire. Consultant de GRANDPRIX pour cette première épreuve équestre, le Saumurois, numéro un français au classement mondial des cavaliers de complet, reste confiant quant aux chances de médailles tricolores.
“C’était une très chouette première journée. Pendant toute une bonne première partie d’épreuve, j’ai trouvé que les chevaux étaient volontiers plus tendus que d’habitude dans cette magnifique arène de Versailles. Du coup, certains couples favoris, comme celui formé par le Britannique Tom McEwen et JL Dublin (25,8), ont obtenu une note légèrement inférieure à ce qu’on aurait pu attendre. Cela s’est traduit chez certains par de petites fautes, chez d’autres par un peu moins de fluidité. Dans la seconde partie, j’ai vu davantage de chevaux sereins et connectés, d’où certaines prestations magiques et notées à la hauteur de leur qualité. La Britannique Laura Collett et l’Allemand Michael Jung me semblent vraiment au-dessus du lot associés à London 52 (17,5 points) et Chipmunk (17,8). Ils l’ont été sur ce test-là et le seront peut-être aussi sur les deux autres. En tout cas, ils ont performé à 100% de leur potentiel au meilleur moment. C’était beau, juste techniquement, facile; tout ce qu’on rêve de voir aux JO. Les notes me semblent justifiées. Je pense que Laura a mûri après son échec à Tokyo, où elle avait semblé peiner à assumer son statut de favorite. En tout cas, elle m’a semblé en pleine confiance et en maîtrise de son sujet.
Du côté des Français, Karim Laghouag et Stéphane Landois ont eux aussi livré les meilleures reprises possibles avec Triton Fontaine (29,6) et Chaman Dumontceau*Ride for Thaïs (24,4). Les cavaliers et les chevaux se sont montrés au mieux, livrant des prestations justes, qui ont mérité ces très belles notes. Nicolas Touzaint a connu un peu plus de difficulté avec Diabolo Menthe (27,2), qui a le potentiel pour dépasser les 75% au dressage. Leur petite perte de connexion dans le travail au galop, avec des changements de pied moins fluides, leur a fait perdre deux ou trois points. Il n’y a rien de gravissime, mais il est vrai que les attentes étaient grandes pour ce couple, comptant parmi les favoris de la compétition individuelle et que Thierry Touzaint avait logiquement choisi de lancer en dernier. Dans cette reprise courte, tout s’enchaîne très vite, notamment dans le travail au galop, et le moindre grain de sable peut coûter cher. Pour autant, Nico reste bien engagé, dans le bon wagon.
Comme prévu, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, les deux prétendantes à la médaille d’or par équipes, ont pris un peu d’avance à la faveur de ce premier test. La France s’est idéalement placée entre ces deux locomotives et les cinq ou six autres nations visant le podium. En termes de points, cela reste très serré, qui plus est dans la perspective d’un cross plus éprouvant que prévu, en raison de l’humidité du terrain (il a plu presque sans discontinuer de vendredi soir à samedi soir, ndlr). Je m’attends à un cross très intense avec une temps imparti de 9’30’’ et le même nombre d’obstacles qu’une épreuve de format long. Cela va nécessiter quelques prises de risques en termes de rythme pour les chevaux, et une concentration parfaite des cavaliers. Compte tenu du savoir-faire extraordinaire des responsables de la piste, et des moyens dont ils bénéficient, je suis sûr que le public va vivre du grand sport, mais il faudra veiller aux glissades et rester prudent jusqu’au bout.”
“La France est idéalement placée, et chaque grande nation va devoir défendre sa position”
“J’ai bien discuté du cross avec Rodolphe Scherer (entraîneur adjoint de l’équipe allemande, en charge de ce test, ndlr). Comme d’habitude dans ces grands rendez-vous, il y a des options directes partout pour ceux qui veulent jouer les médailles, mais aussi des options plus ou moins lentes pour ceux qui chercheront à assurer et finir sereinement le parcours. Sur toutes ces lignes, les questions techniques semblent assez claires, mais il y a beaucoup de mouvements de terrain: contre-bas, trous, buttes, etc. Parfois, Pierre Le Goupil a simplement placé un pot de fleurs ou des éléments apportant un peu de subtilité dans ces lignes directes. Les cavaliers un peu pressés par le temps pourraient y laisser des plumes. Selon Rodolphe, ce parcours est très bien dosé et adapté aux enjeux de cette épreuve olympique. En concours complet, l’épreuve olympique est moins dure, longue et sélective qu’un CCI 5*-L, mais les Jeux restent les Jeux. De plus, c’est un terrain que tout le monde découvre, puisqu’il n’avait jamais accueilli de concours auparavant. La présence de 40.000 personnes pourrait écraser certaines perspectives pour les chevaux. Tout peut donc arriver, qui plus est avec des écarts aussi réduits entre les meilleurs.
Le passage des premiers va être très intéressant. De fait, la France a tiré un très bon numéro (le quinzième, ndlr), à condition toutefois que le terrain ne se dégrade pas trop vite. Je pense notamment à Nicolas Touzaint, qui sera l’avant-dernier à s’élancer. À l’inverse, les Allemands partiront sans information, mais sur un terrain impeccable. Naturellement, on suivra l’évolution des options tactiques avec beaucoup d’attention tout au long de cette épreuve où, rappelons-le, tous les scores comptent pour les équipes. Il ne faut pas se laisser rattraper par l’enjeu, monter obstacle par obstacle, minute par minute, et aller le plus vite possible sans prendre le risque de trop. Cela avait fait défaut aux Britanniques et Allemands en 2016 à Rio de Janeiro, ce qui avait permis à la France de se parer d’or. Aujourd’hui, notre trio est idéalement placé, et chaque grande nation va devoir défendre sa position. La moindre erreur chamboulera le classement. Cela va être passionnant à suivre.
Pour conclure sur le dressage, je pense qu’on peut saluer le travail des juges, qui ont noté toutes les reprises avec justesse, à mes yeux. Ils sont restés concentrés sur chaque seconde de chaque reprise (ils en ont vu soixante-quatre!, ndlr), ce qui est essentiel dans une telle compétition, mais pas si facile que cela.”
Les classements provisoires
Notre compte-rendu
Thierry Touzaint : “Nous allons nous battre!”
Nicolas Touzaint : “Je suis un peu en-dessous du score que j’espérais”
Michael Jung : “J’ai senti que je pouvais prendre des risques”
Stéphane Landois : “Je suis extrêmement ému”
Laura Collett : “J'ai aimé chaque seconde de cette reprise”
Karim Laghouag : “Ma meilleure note dans un grand championnat”