“Une belle performance de l’équipe de France serait très positive pour toute la filière”, Jessica Michel-Botton

En 2012, Jessica Michel-Botton était la seule Française au départ des Jeux olympiques de Londres en dressage. À quelques heures du début du Grand Prix des Jeux de Paris, la cavalière revient sur les sentiments qui habitent un cavalier juste avant de s’élancer pour la première fois lors d’un tel événement. Elle explique également ce que l’on peut attendre, selon elle, des Français, mais aussi de la compétition entre les têtes d’affiche étrangères.



Vous avez vous-même participé aux Jeux olympiques de Londres en 2012 avec Riwera de Hus, et connaissez donc le sentiment que peuvent avoir les cavaliers à la veille du Grand Prix de cet événement de très grande ampleur. Comment le décririez-vous?

Je pense que chaque cavalier est différent, mais en année olympique, il y a beaucoup de pression, plus que pour les championnats d’Europe ou du monde. Comme j’étais la seule représentante française à Londres, il y avait aussi une grande pression de la part des médias, qui est sans doute divisée lorsque l’on dispute les Jeux par équipes, comme c’est le cas pour les Français cette année. Si je dois décrire plus précisément mon sentiment la veille du Grand Prix olympique, c’était qu’il pouvait encore se passer quelque chose qui m’empêche d’y prendre part. Après, je ne suis pas quelqu’un de très optimiste de nature! En tout cas, je me rappelle comme si c’était hier que lorsque je suis rentrée dans le stade équestre de Londres, dont la conception ressemblait énormément à celle de la piste de Versailles, ma première pensée a été “c’est bon, maintenant, je suis sûre de participer aux JO”. Avant une telle échéance, il y a forcément une véritable envie de bien faire qui nous habite, mais aussi un peu de stress, l’important étant de ne pas se laisser dominer par celui-ci.



Pour ces JO, l’objectif clairement affiché par le sélectionneur national du dressage français, Jean Morel, est que l’équipe de France prenne part à la finale par équipes du 3 août, ouverte aux dix meilleures nations. Selon vous, quelles performances peut-on attendre du collectif tricolore, qui sera composé d’Alexandre Ayache, Pauline Basquin et Corentin Pottier avec Holmevangs Jolene, Sertorius de Rima*IFCE et Gotilas du Feuillard?

Je suis assez sereine quant au fait qu’ils arrivent à atteindre la finale collective, qui aura pour support le Grand Prix Spécial, car ils ont réussi à répéter de bons scores. Ces derniers temps, Alexandre a obtenu quelquefois des notes un peu inférieures à celles qu’il peut avoir, mais c’est quelqu’un qui est normalement très sûr mentalement. Je pense qu’ils vont être poussés positivement par le pays et qu’il va y avoir une sorte d’émulation après la médaille d’argent des Français en concours complet, donc je suis assez positive. Je les crois tout à fait capables d’obtenir des notes se rapprochant de leurs records personnels, voire de dépasser ceux-ci. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’ils seront médaillés par équipes, car ils sont trop loin des nations de tête. En individuel, je pense que l’on pourrait avoir deux représentants dans la Libre, et les statistiques le confirment. Après, il ne faut pas qu’ils craquent et commettent trop de fautes, mais je suis assez confiante. Le format par groupes (les soixante cavaliers au départ du Grand Prix sont divisés en groupes de dix, les deux meilleurs de chaque groupe et les six meilleurs non qualifiés obtenant finalement leur ticket pour la Libre, ndlr) ne m’inquiète pas du tout, dans la mesure où il a un temps été en vigueur aux championnats du monde jeunes chevaux, que j’ai très souvent disputés, et à la fin, c’étaient toujours les meilleurs chevaux au classement général qui se qualifiaient pour la finale. En revanche, il est sûr qu’il faut tout de même avoir un peu de chance, car une faute est vite arrivée et peut coûter très cher. Quoi qu’il en soit, une belle performance de l’équipe de France serait très positive pour toute la filière hexagonale du dressage.



“Il faudra faire attention à Isabell Werth”

Et qu’attendez-vous de la compétition entre les nations de tête?

Les cartes sont déjà un peu distribuées, comme toujours en dressage, et il y a donc de grandes favorites en individuel, mais il va maintenant falloir voir dans quel ordre elles se classent. Jessica von Bredow-Werndl va avoir beaucoup de pression en tant que tenante du titre, et elle a tout de même commis des fautes importantes avec Dalera dans son Grand Prix au championnat d’Allemagne, qui pourraient s’avérer coûteuses dans un contexte olympique. On sait que par équipes, cela va se jouer à très peu de choses entre l’Allemagne et le Danemark. Personnellement, je pense que ce seront plutôt les Allemands qui termineront devant, avec Isabell Werth qui est vraiment montée en puissance au CDIO 5* d’Aix-la-Chapelle (dont elle a remporté les trois épreuves début juillet avec Wendy de Fontaine, sa jument olympique, ndlr), Jessica von Bredow bien sûr, qui est une valeur sûre en temps normal, et Frederic Wandres, qui prend beaucoup de points avec Bluetooth. En individuel, outre les Jessica et Charlotte Fry avec Glamourdale, Hermès (le double médaillé de bronze mondial de Dinja van Liere, ndlr) peut aussi sortir du lot, et je pense qu’il faudra faire attention à Isabell. Elle n’est peut-être pas associée à Wendy depuis assez longtemps pour devancer Jessica von Bredow, mais si elle réalise un très bon Grand Prix, puis un très bon Spécial, et qu’elle nous livre une Libre comme elle sait les faire, elle pourrait repartir avec une médaille! Après, il va faire très chaud à partir de demain, donc il faudra voir comment les chevaux le vivent, notamment Dalera, qui n’est plus tout jeune (elle a dix-sept ans, ndlr). En plus, cette hausse des températures est assez brutale! 

J’aimerais vraiment qu’il y ait quelques surprises, des choses pétillantes qui nous tiennent en haleine, comme une médaille pour Pauline (Basquin, ndlr), par exemple! Elle perd régulièrement des points avec des fautes, donc si elle fait tout bien et sans erreur, en France, sans prédire qu’elle décrochera une médaille, je l’espère presque (rires). Même si elle ne semble pas médaillable aujourd’hui, on ne sait jamais ce qui peut se passer.



Pour les sports équestres, lors de ces JO, il y a aussi un enjeu en ce qui concerne la manière dont ils sont perçus par le public, n’est-ce pas ?

Oui, mais ce n’est pas nouveau. Je pense que chaque cavalier a sa responsabilité à assumer envers les chevaux et l’avenir des sports équestres. Cela dit, il faut aussi que les personnes militantes soient parfois raisonnées et raisonnables, c’est-à-dire qu’il ne faut pas tout attaquer sur la base d’une petite photo prise dans un mauvais moment. Des fois, ces gens ont raison, mais parfois, leurs attaques sont un peu dures. En tout cas, je crois que tous les cavaliers, mais aussi les fédérations et autres acteurs du milieu, ont ces enjeux en tête, et je vois d’ailleurs que les progrès sont énormes depuis 2012! Il faut en prendre conscience, car sinon, on peut tout arrêter directement.



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