“Dans le Grand Prix olympique, nous avons pu constater que de sérieux progrès avaient été faits”, Alain Francqueville

Ancien juge international de dressage ayant notamment officié aux Jeux olympiques, Alain Francqueville y a aussi pris part en tant qu’entraîneur et sélectionneur national. Hier et avant-hier, le Français a suivi avec attention le Grand Prix des JO de Paris 2024, pour lesquels il est consultant sur la plateforme Max. Il livre ici son avis sur la formule de qualification pour les finales mise en place depuis les Jeux de Tokyo, et dresse son bilan après cette première épreuve. 



Que pensez-vous de la formule mise en place depuis Tokyo, en vertu de laquelle les couples sont intégrés à des groupes pour le Grand Prix en fonction du classement mondial des chevaux, et les qualifications directes pour la Reprise Libre en Musique, support de la finale individuelle?

J’apprécie cette nouvelle formule qui présente des groupes où tous les niveaux de cavaliers sont mélangés. Aux couples que l’on n’observe que rarement sur des CDI se succèdent de grandes stars de la discipline ! À mon sens, cela active déjà l’intérêt des spectateurs, qui peuvent ainsi plus facilement comparer différents niveaux de pratique puisque les têtes d’affiche sont réparties sur les deux jours. Mais, en plus, cela présente également un intérêt pour les juges par rapport à l’attention à porter aux prestations. 

Quid des équipes de trois cavaliers sans drop score possible ?

Ce format est intéressant, mais devrait rester réservé aux Jeux olympiques, qui sont un système à part. On devrait conserver des quatuors aux championnats d’Europe et du monde (comme c’est toujours le cas actuellement, ndlr).



Peut-on parler ici d’une modernisation du jugement?

Grâce aux superviseurs (lors des grands championnats, un panel de supervision des juges est mis en place pour corriger les éventuelles erreurs de ceux-ci, ndlr) et à la volonté positive de la Fédération équestre internationale (FEI), l’ensemble du jugement évolue concrètement, mais la façon de décider des notes reste la même. On compte maintenant sept juges sur les très gros championnats et leur gestion a elle aussi été modifiée. Aujourd’hui, tous sont beaucoup plus préparés par un management qui a vraiment évolué avec les formations, les échanges, les circuits mis en place, la mise en commun des expériences, etc. 

À Versailles, on peut voir évoluer les meilleurs chevaux au monde. Quelles sont les principales caractéristiques de ces chevaux modernes? 

Les élevages se sont consacrés à une recherche d’évolution orientée autour de la compétition. De fait, on observe ici plusieurs modèles de chevaux, plus réactifs, disposant de trois bonnes allures, de souplesse et d’un bon équilibre. Ils peuvent être grands, comme Glamourdale (monture de la cavalière britannique Charlotte Fry, ndlr), ou plus petits; comme Sertorius (de Rima*IFCE, binôme de la Tricolore Pauline Basquin, ndlr), mais ce sont uniformément des chevaux réactifs et qualiteux dans leur locomotion. De plus, mentalement comme physiquement, ils se révèlent adaptés à la discipline grâce à la génétique.  



“Le rayonnement du dressage s’élargit”

Que dire des nouvelles nations émergentes? 

Le rayonnement du dressage s’élargit, car nous ne sommes pas restés uniquement focalisés sur l’Europe. Les championnats se sont en effet tenus dans le monde entier, des entraîneurs et des juges se sont déplacés sur toute la surface du globe pour apporter leur expérience et délivrer leurs conseils. Et ce mouvement se développe de plus en plus, ce qui permet, au bout d’un certain temps, de créer une évolution certaine! Il y a donc une réelle exportation des savoir-faire, mais aussi des pratiques sportives et de l’élevage. Les nations périphériques à l’Europe viennent en effet très majoritairement chercher leurs chevaux et leurs entraîneurs sur leur Vieux continent. 

Sur les prochaines années, pensez-vous que les textes des reprises puissent, eux aussi, évoluer?

Il est très possible que cela advienne, en effet. Sachant que le Grand Prix a duré jusqu’à dix-sept minutes, il a déjà été notablement raccourci! Et voilà une décennie, il a été décidé par la FEI de changer les textes pour le présenter en miroir : ce qui s’exécutait à main droite est alors passé à main gauche. On pourrait peut-être réorienter les reprises dans cette optique. Pourquoi pas, également, prévoir une légère réadaptation…? Généralement, sur le plan international, ces négociations sont particulièrement longues. Il faudrait donc commencer à s’y atteler en cette fin d’année si l’on voulait aboutir à un changement pour les prochains Jeux olympiques! Il faut aussi garder en tête que le Grand Prix est devenu une norme à part entière, très respectée, pour le marché du cheval et ses observateurs. Le Grand Prix court n’a d’ailleurs jamais vraiment connu de succès. Selon moi, on pourrait donc revenir à l’inversion, mais avec la même durée de performance et un niveau de difficulté similaire. 



Aujourd’hui, à l’issue de cette première étape versaillaise, comment analyseriez-vous l’évolution du bien-être animal? S’est-il amélioré significativement?

Déjà, ce bien-être s’incarne par la modification de l’attitude générale des chevaux, comme nous l’avons mentionné en début d’entretien, mais aussi par les nombreux contrôles, entre autres aux détentes, qui sont mis en place sur tous les terrains d’entraînement. Consécutivement, on voit bien que les chevaux sont mentalement beaucoup moins dans la contrainte. Peut-être que la féminisation de la discipline y est aussi pour quelque chose d’ailleurs. Nous abandonnons maintenant la contrainte dans les mouvements : elle devient l’exception et est donc davantage sanctionnée. D’ailleurs, peu de mouvements ont finalement été ratés ici, et, globalement, il y a un vrai progrès! Les chevaux paraissent aujourd’hui moins contraints et c’est très positif!