“Nous avons vu tout un panel de chevaux d’une qualité extraordinaire”, Odile van Doorn

Si le Grand Prix Spécial des Jeux olympiques de Paris 2024 a finalement souri à l’Allemagne de Jessica von Bredow-Werndl, Frederic Wandres et Isabell Werth, sacrés champions olympiques par équipes, la meilleure performance individuelle de l’épreuve a bien été signée par Cathrine Laudrup-Dufour sur Mount St. John Freestyle. Odile van Doorn dresse le bilan de cette finale collective, où des fautes surprenantes ont été commises, et revient sur les performances des Français.



“Lors des grands championnats des dernières années, nous avions toujours un cheval, ou plutôt un couple, qui était au-dessus du lot, à l’instar de Charlotte Dujardin et Valegro ou, avant eux, Edward Gal et Totilas. Là, nous avons vu tout un panel de chevaux d’une qualité extraordinaire, et j’ai trouvé que c’étaient la qualité technique ainsi que le sans-faute qui avaient primé. Je trouve cela très encourageant pour notre sport! Je dirais que les médailles se sont perdues en raison de fautes, plutôt que gagnées grâce à la qualité hors du commun d’un cheval qui aurait tiré son équipe vers le haut. Il a semblé y avoir beaucoup plus d’erreurs majeures dans ce Spécial que dans le Grand Prix. J’ai d’ailleurs eu le sentiment que certains chevaux étaient un tout petit peu fatigués, ce qui pourrait être lié à la chaleur qu’ils ont connue durant les jours de Grand Prix. Peut-être aussi que le nombre de fautes plus importants était lié à la pression, car cette fois, il s’agissait, pour les meilleures nations en tout cas, de ramener une médaille. De plus, la compétition était très ouverte, comme l’illustre le fait que l’Allemagne se soit imposée par équipes alors que la meilleure performance individuelle a été signée par la Danoise Cathrine Laudrup-Dufour et Mount St. John Freestyle (évaluées à 81,216% et seules à avoir dépassé les 80% dans cette épreuve, ndlr). Cela a peut-être fait monter encore un peu plus la pression pour les cavaliers. En tout cas, j’ai été surprise des grosses fautes que certains couples très en vue ont pu commettre.”



“Mount St. John Freestyle, la jument de Cathrine Laudrup-Dufour, est vraiment hors norme! (À propos du fait que la jument ait très régulièrement la bouche ouverte durant ses reprises) J’étais assise dans les tribunes, donc assez loin de la piste. Les juges sont censés avoir une certaine tolérance envers les bouches ouvertes étant donné que l’on demande aux cavaliers de ne pas trop serrer leur muserolle. Selon moi, si un cheval est vraiment relâché, une toute petite action sur le mors de bride peut l’amener à ouvrir la bouche de manière très naturelle, sa mâchoire inférieure suivant alors l’action du mors. En revanche, un cheval peut aussi ouvrir la bouche en résistance aux actions de main, et cela peut parfois être difficile de faire clairement la différence entre ces deux causes. Pour ce faire, les juges doivent aussi prendre en compte d’autres critères comme le fait que le cheval fouaille de la queue ou couche les oreilles, par exemple, et il faut aussi se rendre compte que contrairement à la caméra qui suit le cheval durant toute son épreuve, ils ne peuvent pas toujours voir sa tête, ni sa bouche.. En ce qui concerne Freestyle, elle  ne semble jamais être en résistance contre sa cavalière, et son fonctionnement général reste toujours fantastique, avec une belle attitude. On notera par ailleurs que l’on a déjà vu des scores de plus de 84% dans le Spécial aux JO, ce qui n’a pas été atteint aujourd’hui, et peut-être que c’était à cause de cela. Pour moi, en tout cas, Cathrine Dufour et Mount St. John Freestyle ont vraiment livré la meilleure prestation ce samedi.”  



“On sent que Dalera a un petit peu vieilli, ce qui s’est notamment vu dans les allongements, et c’est sans doute pour cela qu’elle a été beaucoup protégée, et presque un peu cachée cette année. Elle réalise toujours de très belles choses, comme des transitions entre le passage et le piaffer fantastiques, mais aujourd’hui, elle est très mal rentrée dans le premier piaffer. Le dernier, en revanche, était sublime. Wendy (la jument d’Isabell Werth, évaluée à 79,894%, soit un nouveau record personnel pour la fille de Sezuan), qui est en constants progrès, est pour moi encore perfectible techniquement. Elle est notamment campée dans tous ses arrêts. C’est un détail, mais cela montre qu’elle n’a encore pas atteint un degré de rassembler optimal. En revanche, cette jument est une athlète extraordinaire. Isabell l’a beaucoup plus compactée dans ce Spécial que dans le Grand Prix, et je pense que c’est lié au fait que Wendy pourrait légèrement la déborder par sa masse sur ce texte.”



“Du côté des Français, pour moi, c’est Alexandre Ayache qui a le mieux tenu son rang avec Jolene (évaluée à 70,821%, ndlr). Il s’est comporté en pilier, même si il n’est pas le plus performant des trois cavaliers tricolores. Il m’a semblé que Gotilas (qui a récolté 71,748%, ndlr), le cheval de Corentin Pottier, était un peu fatigué aujourd’hui. Enfin, la malédiction des changements de pied au temp a encore frappé Pauline Basquin et Sertorius de Rima*IFCE, qui en ont aligné quinze sur la diagonale sans souci, mais ont fauté dans les neuf à effectuer entre les deux pirouettes. Par ailleurs, le cheval s’est défendu dans le deuxième piaffer, mais des gens qui étaient autour de moi en tribunes m’ont dit avoir vu un reflet dans la caméra qui se trouvait pile en face de lui à ce moment-là, ce qui aurait pu l’éblouir. En tout cas, je crois que cela montre que les performances tricolores sont encore fragiles (Pauline Basquin a finalement obtenu 72,720%, ndlr). Nos cavaliers sont capables de faire de très belles choses, mais le sans-faute est encore une petite prouesse. Cela n’enlève rien à la superbe équitation que peuvent présenter les Français, et Pauline Basquin notamment, qui était à plus de 78% de moyenne avant de passer au pas dans ce Spécial. Je dois dire que la stratégie de Jean Morel de faire beaucoup sortir ce couple pour que les juges aient bien en tête que les présentations de ce couple doivent être récompensées pour leur justesse et leur légèreté, notamment.”



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