DÉBRIEF : Philippe Rozier revient sur la finale par équipes des Jeux de Tyon

Chaque jour, un expert analyse, pour GrandPrix-Replay, la compétition des Jeux équestres mondiaux de Tryon. En saut d'obstacles, ils seront plusieurs à partager leur précieuse expertise. Ce samedi, c'est Philippe Rozier, champion olympique par équipes à Rio de Janeiro, qui revient sur la finale par équipes d'hier.



Un contrat encore réussi pour Alan Wade
"L'épreuve était très bien, et le parcours moins difficile que la première manche par équipes. J'ai eu Sophie Dubourg au téléphone qui m'a dit en revanche qu'il faisait encore très chaud, et c'est pareil pour tout le monde. Les fautes ont été beaucoup engendrées par la pression. Il y a eu bien plus de fautes sur des verticaux que sur des oxers, donc tant mieux. C'est là où le chef a été intelligent! C'était vraiment bien construit, et c'était cheval. C'était un beau championnat par équipes, et pas du tout au rabais! J'ai trouvé ça un peu dommage qu'il y ait eu un barrage, la Chasse étant faite pour que ça ne puisse pas arriver. Cela rajoute un parcours de plus pour certains chevaux, et c'est dur pour eux s'ils doivent sauter la finale par la suite. C'est dommage, j'aurais préféré une victoire en toute simplicité, d'autant que je n'ai pas tellement aimé le tracé du barrage."

L'équipe de France loupe sa qualification pour les Jeux olympiques
"Je ne veux pas me cacher derrière des "bonnes choses" (répondant à la question de Grand Prix, ndlr). Nous étions partis là-bas pour, au pire, se qualifier pour les Jeux olympiques. Ce n'est pas méchant, c'est un fait. Il ne faut pas se voiler la face! Il y a eu de bonnes choses parce que c'était une équipe jeune, avec des cavaliers qui n'avaient jamais couru un championnat. La seule bonne chose d'hier, c'est Alexis Deroubaix. Nous découvrons ce couple, qui a un sang-froid incroyable. C'est formidable qu'il soit qualifié pour la finale individuelle, mais ce n'était pas l'objectif... Nous savions que l'équipe était jeune et qu'il allait être difficile d'aller chercher une médaille, mais je n'aurais pas parié que nous serions en dehors des six équipes qualifiées pour les JO! Même s'ils manquent d'expérience, les quatre cavaliers sont quand même des excellents cavaliers et nous avons quelques cracks. Ce n'est pas comme si nous étions partis avec quatre couples très moyens! Il faut remettre les choses à leur place, et je parle en toute objectivité. On sait qu'un championnat c'est long, c'est dur, nous avions toutes les informations.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous n'avons pas cette qualification olympique et que les Européens de l'année prochaine ne serviront donc pas à un test pour de nouveaux couples, comme c'est d'habitude le cas. On pourra pas se permettre d'envoyer des nouveaux couples ou de se préparer pour Tokyo, et cela change tout! J'espère que le peu de chevaux que nous avons en France vont y rester aussi... C'est un autre problème. Nous avons une feuille blanche à partir de lundi. Cela fait deux fois de suite que nous passons à côté de notre championnat. Je ne suis pas devin, mais il va falloir se poser les bonnes questions. Aujourd'hui, en France, nous avons des propriétaires, mais pas de mécènes (sans compter Emmanuelle et Armand Perron-Pette et Geneviève et Dominique Megret). Ce sont deux choses différentes. Les étrangers fonctionnent avec des budgets que nous n'avons pas, sans demander aucun retour sur investissement, ce qui n'est pas le cas chez nous. Nous avons de la chance d'être dans un pays d'élevage et de compter beaucoup de très bons cavaliers en France, donc nous nous en sortons toujours plus ou moins. Nous devons faire attention parce que notre sport prend une nouvelle dimension. Quand je vois les deux jeunes Allemandes (Laura Klaphake et Simone Blum, ndlr) monter leurs deux jeunes juments (les exceptionnelles Catch Me If You Can et DSP Alice, ndlr), elles aussi sont testées. Les Allemands se sont passés de Christian Ahlmann ou de Daniel Deusser, et ils sont là quand même, parce qu'ils ont des mécènes et de très bons chevaux. Encore une fois, il ne faut pas se voiler la face. Nous allons devoir essayer de remobiliser tous les sponsors et mécènes. J'ai peur que tout le monde se démotive... Le nerf de la guerre, c'est les gens qui sont derrière nous!"

Le titre pour les Américains, la déception suisse
"Les Américains étaient ultra-favoris chez eux! Cette équipe comptait des piliers d'équipe, à part la jeune Adrienne Sternlicht qui peut compter sur sa fabuleuse jument, qui est peut-être la meilleure du monde. Donc c'était du sérieux! Les Suédois ont fait une remontée incroyable, d'autant que le score de leur pilier n'a même pas compté à la fin! Les Allemands ont été troisièmes, sans surprise. Par contre, les Australiens m'ont vraiment bluffé! Ils ont été phénoménaux, et sans Edwina (Tops-Alexander, qui n'a pas souhaité participer à ces JEM parce qu'elle n'aurait eu, d'après elle, pas de cheval pour y participer, ndlr) en plus! Ils se sont battus comme des lions, j'ai adoré!

La déception, c'est les Suisses, évidemment, qui ont terminé quatrièmes. Janika (Sprunger, qui montait Bacardi VDL, ndlr) a complètement raté son départ... Je pense qu'elle va s'en vouloir parce que cela leur coûte très cher, et c'était quasiment le meilleur cheval de leur équipe. C'était obligé... Son abord du numéro un était mauvais, ça a dû détraquer le cheval, qui ne voulait plus sauter... Les Irlandais doivent être pas mal déçus aussi, parce qu'ils n'ont pas non plus décroché de qualification olympique. Rodrigo (Pessoa, chef d'équipe de l'Irlande, ndlr) doit être déçu. Eux, ils avaient quand même un réservoir de chevaux deux fois plus important que le nôtre. Il y a quelques mois, Rodrigo m'avait dit qu'il avait au moins huit ou neuf couples sélectionnables! La Suisse et l'Irlande doivent être les plus déçus... Comme quoi, ce sport est compliqué..."