Le digital au service des ventes directes

Faire le lien entre acheteurs et vendeurs, faciliter le processus d’achat, voire accompagner administrativement la transaction: de nos jours, l’ap­pui digital est devenu plus que profitable – voire indispensable selon les cas de figure – pour la vente directe d’un cheval. Selon Hippolia, unique pôle de compétitivité dédié à la filière équine, 90% des acheteurs poten­tiels effectuent une première démarche de recherche en ligne. L’heure du bouche-à-oreille est-elle révolue?



L’ère du tout digital? Oui et non. La vente directe conserve parfois un modèle de commerce qui fait avant tout appel à un réseau de connaissances, dans un cercle plutôt privé. “Tel élevage est réputé, va le voir.” “J’ai entendu qu’untel vendait son cheval, va te renseigner.” Pour autant, le bouche- à-oreille a ses limites. Quid de la distance, du manque d’opportunités, de la distorsion entre l’offre et la demande? Trois organismes professionnels du secteur du commerce ont accepté d’analyser les différentes méthodes d’achat concernant les chevaux d’élevage, de sport et de loisir.



Le cheval d’élevage conserve sa part de vente traditionnelle

“L’élevage est représenté par un large spectre d’éleveurs, dont plusieurs fonctionnent encore uniquement par le bouche-à-oreille et n’utilisent pas forcément le digital de prime abord. Parmi nos missions, nous souhaitons promouvoir tous les éleveurs et leur permettre une présence digitale”, introduit Lucie Duval, chargée de mission auprès de Cheval Normandie, association régionale qui représente les éleveurs de chevaux de sport normands en organisant des ventes aux enchères et des ventes directes, des circuits d’élevage et de valorisation sportive, etc. “Lors des concours d’élevage réservés aux chevaux de deux et trois ans, par exemple, nous communiquons le programme en amont et, pour certaines dates, nous intégrons une retransmission en direct des épreuves. Chaque cheval est présenté avec son numéro de dossard, ses origines et le nom de son éleveur. Ensuite, nous relayons les résultats, les noms et les photos des gagnants sur notre site et les réseaux sociaux. En sus, nous avons mis en place depuis quelques années un onglet ‘chevaux à vendre’ sur le site de Cheval Normandie. Nos adhérents peuvent y déposer gratuitement une annonce; plus il y a d’annonces déposées, plus les acheteurs sont susceptibles de les consulter!” Le succès est-il au rendez-vous? “Pas assez. Cet aspect de notre association manque de publicité. Néanmoins, le contraire rencontre un vif intérêt: les acheteurs partagent avec nous leurs critères de recherches, que nous communiquons à notre tour via emailing à nos six cents adhérents, potentiellement vendeurs. En grande majorité, un éleveur se manifeste rapidement pour proposer un cheval correspondant, alors que celui-ci n’était pas forcément sur le marché. Cette manière de procéder est utilisée tant par les professionnels que les amateurs”, détaille Lucie Duval.



L’achat d’un cheval de sport, le lien virtuel avec le terrain de concours

Par sa nature événementielle, le cheval de sport est, sans nul doute, celui qui reçoit le plus de visibilité directe vis-à-vis de ses potentiels acheteurs. Pour autant, trouve-t-il facilement preneur? “Un spectateur peut être intéressé par un cheval participant, mais saura-t-il s’il est à vendre, et à qui s’adresser? Et quid du potentiel acheteur qui ne se déplace pas sur les concours? Un accompagnement digital nous a paru être une solution indispensable pour faire le lien entre acheteurs et vendeurs”, estime Marie Crochet, responsable de la communication et du site www.shf-market.com de la Société hippique française (SHF). Initié en 2014, le site SHF Market se positionne comme site de référence pour la commercialisation des jeunes chevaux et poneys de sport et de loisir concourant sur le circuit SHF (épreuves du Cycle classique et du Cycle libre de quatre à six ans) ou participant aux concours d’élevage. Les adhérents peuvent déposer gratuitement une annonce sur le site; pour illustrer la vente, l’annonceur dispose alors de la médiathèque SHF (photos et vidéos), alimentée par les prises de vue officielles réalisées sur les différents concours. En outre, l’équidé à vendre inscrit sur le site SHF Market est signalé par une balise sur sa page dédiée FFE Compet – site de résultats sportifs toutes disciplines confondues de la Fédération française d’équitation (FFE). “L’équidé à vendre est automatiquement intégré à notre catalogue en ligne et est, de plus, annoncé comme tel par le speaker lors de son passage en piste sur les concours. Ainsi, nous associons digital et action sur le terrain. Notre souhait est de permettre aux éleveurs, propriétaires et cavaliers d’offrir une visibilité optimale à leurs chevaux et poneys, tout en ouvrant de nouveaux marchés et ainsi toucher de potentiels clients au-delà des frontières géographiques régionales”, poursuit Marie Crochet.

Avec près de quatre-vingt-cinq mille utilisateurs répertoriés en 2023, la plateforme SHF Market avance une large couverture médiatique. “L’illustration avec des photos et vidéos professionnelles est un réel soutien: le vendeur n’a plus à se soucier de courir après ces données indispensables et, de son côté, le futur acheteur peut aisément se faire une opinion sur le cheval avant de se déplacer pour l’essai (contrairement au cheval de loisir, la proximité géographique immédiate n’est pas le critère prioritaire pour l’achat d’un cheval de sport, ndlr). Nous cherchons à optimiser le parcours d’achat de la meilleure manière possible”, termine Marie Crochet. Pari réussi, puisque plus de trois cent quatre-vingts ventes ont été conclues avec l’aide de SHF Market en 2023.



Responsabiliser l’achat d’un cheval de loisir

Acheter un cheval n’est pas un choix à faire à la légère, en théorie. En pratique, le cheval de loisir est parfois victime d’un engouement passager ou d’un malheureux assemblage avec son propriétaire, faute de préparation soignée. “Les cavaliers amateurs ne sont pas souvent préparés à devenir propriétaires en termes de soin, de coût et de temps que cela demande”, analyse Salomé Zuzia, fondatrice de la plateforme de ventes et d’achats Caval.app, disponible en novembre prochain. “Cela pénalise toute la filière: d’un côté, les éleveurs, marchands, etc. perdent leur temps face à des acheteurs fantômes ou peu informés qui vont disparaître après deux questions, et, de l’autre, l’acheteur sérieux perd le sien à contacter chaque annonceur pour connaître des détails essentiels et pourtant souvent passés sous silence. La loi de protection animale dite Dombreval (applicable depuis le 31 décembre 2022, ndlr), qui demande à ce que l’on justifie des connaissances liées à la détention d’un premier équidé, est une avancée. Dans les faits, du chemin reste à faire.”

Pour équilibrer la relation entre vendeur et acheteur et, surtout, permettre au cheval de loisir de trouver un propriétaire adapté, la fondatrice de la plateforme Caval.app mise depuis quelques mois sur la création d’un outil à mi-chemin entre une application de rencontre et une marketplace. Au programme: mettre en place des questionnaires auprès de chaque partie afin que vendeur et acheteur puissent, d’un seul coup d’œil, évaluer si le cheval à vendre sera le bon “match”. “Le futur acheteur répond à plusieurs questions: quelle est sa pratique (disciplines pratiquées, niveau estimé, nombre d’années exercées)? De quel mode d’hébergement disposera-t-il (pré, box, etc.)? Quel est son budget mensuel alloué à l’équidé? De combien de temps disposera-t-il pour lui? Quel est son caractère (posé, dynamique, aventurier, etc.)? Le vendeur détaille, pour sa part, le caractère de l’équidé: est-il peureux, sûr de lui, grégaire, intéressé par le travail à pied, l’obstacle ou l’extérieur, etc.? Caval.app compile ces données et propose à l’acheteur des profils de chevaux qui lui correspondent. Si ce dernier apprécie un profil, le vendeur est notifié et peut vérifier très rapidement si, sur le papier, le cheval concorde. S’ensuit le dialogue classique – prise de contact, rencontre, essai, visite vétérinaire, signature du contrat de vente. Avec notre outil digital, nous espérons accompagner, simplifier et responsabiliser la démarche afin d’être bénéfiques à tous”, achève Salomé Zuzia.