Colette Lefranc Ducornet, la naisseuse de Galoubet A, nous a quittés

Colette Lefranc Ducornet, cavalière et éleveuse à qui l’on doit le génialissime chef de race Selle Français Galoubet A, et décédée cette semaine à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Parmi d’autres, Bernard Le Courtois, journaliste et éleveur auquel elle avait légué ses poulinières,  lui rend un vibrant hommage.



Colette Lefranc Ducornet, cavalière et éleveuse de chevaux de sport à succès, est décédée dans sa quatre-vingt-treizième année. Bernard Le Courtois, éleveur, étalonnier et contributeur occasionnel de GRANDPRIX, l’a annoncé sur les réseaux sociaux. Colette Lefranc Ducornet, qui avait cessé d’élever des chevaux depuis 1985, avait surtout fait naître Galoubet A, phénoménal fils d’Almé et de la jument Trotteur Français Viti, qu’elle avait elle-même montée en concours. Depuis la naissance de Galoubet, la femme de cheval était convaincue d’avoir affaire à un poulain époustouflant, et plus encore quand elle avait commencé à le faire sauter à l’âge de deux ans. Après un échec total au concours des mâles de trois ans du Selle Français, alors orchestré par les Haras Nationaux, où l’inspecteur avait classé Galoubet dernier en précisant que ce croisement hybride de première génération n’avait aucun intérêt pour l’élevage, les convictions de Colette Lefranc Ducornet furent ébranlées, et elle vendit le cheval. Jean-François Pellegrin entra dans la danse deux ans plus tard en l’achetant pour Gilles de Balanda, qui monta Galoubet A jusqu’au plus haut niveau, avec à la clé un titre mondial par équipes en 1982 à Dublin et tant d’autres accomplissements sportifs.

“Colette faisait partie de cette glorieuse génération d’éleveurs-cavaliers bourgeois des années 1960, comme les Villenave, Empain, Pélissier, Dubuisson, Gaudichau et d’autres. Héritière, elle a pu assouvir sa passion de la compétition puis de l’élevage dans son haras sis près de Gisors, dans le Vexin normand”, raconte Bernard Le Courtois, qui estime que la rencontre avec cette femme a contribué à bouleverser sa vie. “J’ai connu Colette dans des circonstances très particulières. Je la connaissais de réputation, mais je n’étais jamais allé chez elle. En 1983, alors que j’étais rédacteur en chef du magazine L’Éperon, elle m’a suggéré de venir la voir. C’était, semblait-il, très important. Elle avait convoqué un boucher chevalin qui devait venir chercher tout son effectif de chevaux qu’elle voulait envoyer à l’abattoir. Elle n’en pouvait plus d’être exploitée par les cavaliers, les marchands de chevaux ou cette nouvelle génération de ‘courtiers’ qui lui ‘mangeaient la laine sur le dos’, qui se gavaient au détriment des éleveurs et propriétaires. Je ne pouvais pas me libérer le jour-même, mais je l’ai dissuadée de mener à terme son macabre projet. Je me suis rendu chez elle quelques jours plus tard et nous avons beaucoup discuté de son élevage et de ses chevaux et sur les alternatives possibles, sans aboutir à l’abattage fatidique d’une vingtaine de têtes. Je suis alors reparti avec le sentiment du ‘devoir accompli’. Nous ne nous sommes recroisés que deux ans plus tard au CSIO de Dinard quand j’ai organisé le retour et la présentation de mon nouvel étalon Almé. Là, je lui ai dit que, maintenant que j’avais les étalons Laudanum et Almé, j’avais pris la décision de réaliser mon rêve de gosse et de m’installer comme éleveur en Normandie. Quelque temps plus tard, Colette m’a demandé si j’étais intéressé par un partenariat concernant ses poulinières, et elle m’a donc légué son élevage en 1986. Dix femelles sont arrivées au tout nouveau haras de Brullemail, en pleine construction. Parmi ces juments, certaines y ont fait souche et d’autres n’ont finalement pas été conservées. Pendant trois ans, j’ai pris tout le cheptel à ma charge et nous nous partagions l’effectif de poulains, puis je suis devenu propriétaires des juments. Parmi celles envers lesquelles je suis redevables, il y a les deux sœurs SF Jolie Môme D (Almé) et Historiette (Barigoule, AA) à qui je dois certaines de mes stars comme Ikat Mail ou Ornella Mail, gagnants en CSIO 5* et Grands Prix à 1,60m, mais aussi Jessica D (Almé), grand-mère de vedettes comme les étalons Moon Mail (Carthago) et Quarto Mail (Cardento), qui se sont illustrés au même niveau.” La souche d’Historiette a aussi donné au sport l’exceptionnelle Kellémoi de Pepita, vice-championne d’Europe par équipes en 2011 à Madrid et victorieuse de la finale du Top Ten avec Michel Robert.

“Malgré ses défauts de caractère, j’ai toujours eu une certaine reconnaissance envers Colette, qui m’a fait confiance à mes débuts d’éleveur. Toujours méfiante, elle avait demandé à l’un de ses amis éleveurs, Gérard Turrettini (fondateur de l’élevage de Boisy, ndlr) d’assister à notre rendez-vous pour finaliser notre contrat de partenariat. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de celui qui est devenu l’un de mes meilleurs amis – et témoin de mariage – depuis près de quarante ans. Je me sens donc doublement reconnaissant envers Colette Lefranc Ducornet”, conclut Bernard. Colette Lefranc Ducornet s’est éteinte dans la région lyonnaise, où elle était retirée depuis quelques années.

GRANDPRIX présente ses plus sincères condoléances aux proches de la défunte et s’associe à la peine de tous ceux qui appréciaient, aimaient ou chérissaient cette femme de cheval.



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