“L’équipe de France pour Tryon me plait bien”, Hervé Godignon
Les Jeux équestres mondiaux de Tryon sont au bout du virage, et qui de mieux qu’un expert comme Hervé Godignon pour parler pronostics ? Trois fois médaillés avec la France aux championnats d’Europe, auréolé du bronze par équipes aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992, le Tricolore aujourd’hui retraité de la compétition a participé à ses derniers Jeux équestres mondiaux en 2006, à Aix-la-Chapelle. Le nouveau visage de l’équipe de France, les équipes favorites, les cavaliers qui pourraient briller en individuel, la suppression de la finale tournante : avec son traditionnel franc-parler, Hervé Godignon a répondu aux questions de GRANDPRIX-Replay.com.
Hervé Godignon : En l’état, cette équipe est très fraiche. Cela change des « dreamteams » que l’on a eu depuis quelques année, et ce quinté me plait bien. Nous assistons en effet à du renouveau, cela amène de la fraicheur. Pour autant, les cavaliers et les chevaux sélectionnés démontrent énormément de qualité, et même si la plupart n’ont pas l’expérience des championnats, ce ne sont pas des jeunes premiers. Ils ont déjà tous monté un certain nombre de compétitions, et outre leurs qualités de cavaliers ils sont tous très froids dans leur tête et ont une bonne mentalité.
C’est une configuration que j’aime bien, car nous avons Kevin, qui sera le grand-frère de l’équipe. Depuis de nombreuses années, il est au service de l’équipe de France, ce qui n’est pas le cas de tout le monde...
GPR. : Que pensez-vous du renouveau auquel nous avons assisté dans l’équipe de France cette année ?
H.G. : Cela prouve que nous possédons un vivier potentiel en France. Le choix fait [par Philippe Guerdat] n’était peut-être pas un choix de cœur mais un choix de raison. Et je trouve que cela tombe bien. Certains qui se pensent indispensables se sont certainement rendu compte que non. On ne peut pas à la fois être chasseur de médailles et chasseur de primes.
GPR. : Sur le papier quelques équipes semblent se détacher comme la Suisse, tandis que l’Allemagne ne pourra pas compter sur ses pilotes les plus chevronnés. Qu’en pensez-vous ?
H.G. : Typiquement, Steve Guerdat est un véritable chasseur de médailles ; il donne constamment la priorité aux Coupes des nations et aux championnats. Évidemment, il ne fait pas uniquement cela pour la beauté du geste, car comme tout chef d’entreprise il a un soucis de rentabilité. Mais il porte des valeurs dans lesquelles je me retrouve. Janika Sprunger a quant à elle déjà beaucoup d’expérience et un cheval qui ne manque clairement pas de moyens (Bacardi VDL, ndlr). Martin Fuchs et Paul Estermann sont eux aussi très chevronnés, et je pense qu’ils seront vraiment prêts pour Tryon.
En ce qui concerne l’Allemagne, je dirais qu’il s’agit un peu de la même configuration que celle de l’équipe de France. Il y a un grand-frère, Marcus Ehning, et des cavaliers plus jeunes (Laura Klaphake, Simone Blum et Maurice Tebbel, ndlr) qui ont déjà comme expérience les championnats d’Europe de Göteborg l’année dernière.
Plus globalement, je trouve que pas mal d’équipes arrivent à terme de cycles, et qu’un renouveau s’opère. Les chefs d’équipes ne veulent plus surprotéger les cadres, qui peuvent être tentés par le chant des sirènes. On ne peut d’ailleurs pas toujours les condamner, car il s’agit d’ailleurs parfois du choix de leur propriétaires. Mais dans tous les cas, il faut que les choses soient claires ; on joue le jeu de l’équipe ou non. J’ai été sélectionneur mais aussi un soldat, et je sais par expérience que lorsque l’on est clair dès le départ, il n’y a pas de problème. En revanche, lorsque l’on veut jouer sur les deux tableaux, on finit par casser les chevaux.
“Peder Fredricson est LE cavalier qui conjugue tout”
GPR. : En individuel, qui voyez-vous briller à Tryon ?H.G. : Pour moi, Peder Fredricson est LE cavalier qui conjugue tout ; c’est actuellement ce que l’on voit de plus beau sur le circuit, tant au niveau de l’équitation que de la gestion des chevaux. Évidemment, on ne peut pas ne pas évoquer Steve Guerdat, qui a toujours couru pour des médailles et qui sait parfaitement gérer les grandes échéances et la préparation. Outre-Atlantique, il y a aussi McLain Ward qui est l’un des cavaliers que j’admire pour la perfection absolue de son équitation.
En vérité, il n’y a plus d’outsiders qui peuvent s’imposer dans de telles échéances désormais. Par rapport à mon époque, en prenant en compte que mon dernier championnat date de 2006, on commençait déjà à avoir cinquante des soixante engagés susceptibles de gagner. Il y a vingt-cinq ou trente ans, on savait que l’on allait retrouver des chevaux comme Milton ou Jappeloup, et qu’il faudrait uniquement viser les places d’honneur. Aujourd’hui, tout est plus ouvert. Cela s’observe dans les sports équestres mais plus largement dans tous les sports. Les dominations sont de plus en plus rares, car le professionnalisme est accru et que les sommes d’argent gonflent. Pour ce qui est de notre sport, on ne peut plus parler d’une “équitation française”ou italienne.
GPR. : La finale individuelle tournante n’aura désormais plus lieu, regrettez-vous ce changement ?
H.G. : Oui, personnellement je regrette ce format mais je peux le comprendre. Cela représente quatre tours supplémentaires pour les chevaux, ce qui est éprouvant. Si j’avais eu la chance d’y participer, j’aurais raffolé de ce moment d’exception. Comme spectateur, c’est également un petit regret. Lors des derniers championnats du monde, on a vraiment vu le meilleur avec Jeroen Dubbeldam et Philippe Le Jeune. Désormais, les chevaux valent tellement chers que cette modification de format se comprend. Le sport se modernise, il faut vivre avec !