''L'histoire ne fait que commencer'', Thierry Rozier

De retour après un CSIO 5* de La Baule fructueux le week-end dernier, dont le plus bel accomplissement aura été une cinquième place dans le Grand Prix Longines, Thierry Rozier ne cache pas son bonheur. Ayant renoué avec le haut niveau depuis deux ans, le Francilien, grâce à sa bonne Venezia d'Ecaussinnes, semble bien armé pour gravir les échelons du haut niveau. GRANDPRIX-Replay l'a rencontré au CSI 4* de Bourg-en-Bresse.



GRANDPRIX-Replay : Quel bilan tirez-vous du CSIO 5* de La Baule, où vous avez brillamment terminé cinquième du Grand Prix avec Venezia d'Ecaussinnes le week-end dernier ?
Thierry Rozier :
Ce serait difficile de ne pas en tirer un bilan positif ! Remonter à La Baule était un objectif depuis que j'ai recommencé à monter, il y a deux ans. Il me fallait des résultats pour être sélectionné, ce qui a été le cas grâce à un super programme entre Olivia, Cagnes-sur-Mer, Le Touquet et Maubeuge. Ma jument a été incroyable depuis le début de l'année ! À la fin du concours de Maubeuge, Simon Delestre et Olivier Robert, très habitués des CSI 5*, m'ont demandé si j'allais à La Baule, et j'hésitais encore. Ils m'ont répondu que j'étais dingue, que je devais y aller, que nous étions prêts ! Le dimanche soir, j'ai fait ma demande pour La Baule. J'étais très fier de pouvoir y aller ! Je savais que Venezia devait s'endurcir, donc nous avions établi un excellent programme entre Le Touquet, puis la semaine en forêt. On avait fait un super travail. J'ai eu Nicolas (Delmotte, ndlr) au téléphone le mardi après notre séance, et je lui ai glissé que je sentais que je pouvais faire un exploit. J'étais confiant, je marche beaucoup comme ça. 
Le plus difficile à La Baule allait être le jeudi, puisqu'il fallait me qualifier directement pour le Grand Prix dans une épreuve à 1,50m. Je n'avais pas le droit à l'erreur ! Je n'avais pas monté à La Baule depuis treize ans, c'est chez moi, ma jument ne connaissait pas le terrain... Quand je suis rentré en piste, Philippe m'a bien dit "Tu as droit à quatre points, pas plus !" (rires) Être qualifié pour le Grand Prix, c'était déjà superbe. Ensuite, je me suis mis dans ma bulle. C'est magique de sauter aussi haut, à La Baule, face à un tel plateau de cavaliers ! Je cherche la bonne concurrence. Je ne veux pas me satisfaire.

GPR : Vous montez Venezia d'Ecaussinnes depuis deux ans en compétition. Comment jugez-vous sa progression ?
T.R. :
Je l'ai achetée à sept ans à Pedro Veniss, qui est son éleveur, pour ma propriétaire à la base, qui tournait en Amateurs. Je l'ai adoré dès le début ! Pedro aussi adorait la jument, mais il devait avoir des rentrées d'argent puisqu'il allait s'installer dans ses nouvelles écuries. Un jour, au CSI de Dinard, Electra (Niarchos, sa propriétaire, ndlr) m'a dit qu'elle n'aurait plus le temps de monter parce qu'elle devait de plus en plus s'occuper des haras des courses. Elle m'a dit qu'elle n'avait plus la tête à ça, qu'elle était désolée mais qu'elle ne pouvait plus la monter. Récupérer Venezia m'a motivé pour remonter, d'autant plus avec une jument si qualiteuse !
Sa progression a été incroyable. Je dois dire que j'ai des défauts comme tout le monde, mais j'ai, je pense, la qualité de savoir établir un programme pour un cheval. Mon premier gros concours de reprise avait d'ailleurs été ici, à Bourg-en-Bresse ! C'était compliqué parce que je n'avais pas de points au classement mondial, je n'avais rien. Je remercie encore les organisateurs et Philippe Guerdat pour m'avoir fait confiance. L'an dernier, j'avais laissé quatre mois de repos à Venezia, parce que je ne la sentais pas à 100 %. Elle avait enchaîné les parcours à quatre points sur 1,40m, ce qui n'est pas son style. Après examens, elle avait attrapé un petit virus. Donc j'ai tout arrêté, même si ce n'était pas grave, et au repos ! C'est simple, je m'en fiche, je ne suis pas pressé et j'ai besoin d'elle. J'ai d'ailleurs fait l'impasse sur de beaux concours, comme les Longines Masters de Paris. Et nous sommes repartis de plus belle cette année !

GPR : Quel va être le programme de Venezia d'Ecaussinnes pour les prochaines semaines ?
T.R. : Nous sommes ce week-end à Bourg-en-Bresse, où elle va courir la qualificative ce soir et le Grand Prix dimanche, si j'arrive à me qualifier. Je fais attention à ne surtout pas tirer dessus, j'essaie de la préserver. Après, repos, puis le CSI 3* de Lons-le-Saunier, encore repos, et peut-être les championnats de France mi-juin. Je pense que nous pouvons y faire une sacrée performance, mais je n'irai que si le terrain est bon. J'ai en tout cas envie de les faire ! Je vais essayer de participer au CSI 5* de Knokke également, et nous verrons ensuite. Il est possible que mon téléphone sonne pour des CSIO...

GPR : Justement, quelle importance donnez-vous à l'équipe de France ?
T.R. :
L'an passé, Philippe Guerdat m'avait proposé de partir en CSIO. J'étais très heureux de la proposition, mais je lui ai demandé un peu plus de temps, parce que je n'étais pas encore prêt. Ma jument était encore verte, et j'avais besoin de reprendre mes marques, je ne savais pas si j'étais capable de refaire des Coupes des nations, mentalement parlant. C'était un petit peu juste. Il m'avait dit de ne pas m'inquiéter, que je devais prendre mon temps. Nous nous faisons confiance, et ils savent qu'ils ne seront pas déçus si je me sens prêt.
Vendredi à la sortie du Grand Prix de La Baule, Philippe m'a dit que j'étais son coup de coeur de la journée ! Cela m'a beaucoup, beaucoup touché. Si mon téléphone sonne, j'irai, parce que je me dois de le faire. Nous avons un super sélectionneur, et nous sommes contents de pouvoir porter la veste de l'équipe de France, avec le petit coq. Je suis fier de l'avoir portée à La Baule, cela faisait quand même treize ans ! Pour la petite anecdote, beaucoup de cavaliers, dont moi, n'aimons pas porter des vêtements neufs. À La Baule, j'ai reçu ma veste le matin du Grand Prix, alors j'avais une appréhension, j'avais peur que ça me porte la poisse ! Maintenant, elle est baptisée, je l'adore, elle est parfaite ! (rires)


"La médaille de mon frère m'a donné un bon coup de pied aux fesses!"

© Scoopdyga

GPR : Avant votre fracassant retour, votre dernier CSI 5* remontait au CSI 5* de Monte-Carlo, en 2012. Pourquoi avoir eu envie de revenir à haut niveau ?
T.R. : 
Lors de ce dernier CSI 5*, je montais Tintero,un bon cheval pour gagner les CSI 2*. Je savais que la propriétaire, la Princesse de Monaco, voulait que j'aille à Monaco. J'avais tout misé et préparé pour que mon cheval arrive en forme pour ce concours. Je savais que c'était difficile pour lui, mais il avait eu une superbe marge de progression, et ça n'était que pour un week-end. Il avait été excellent ! Il y a plusieurs raisons à mon retour. Je suis quelqu'un qui marche beaucoup à l'envie, et je ne l'avais pas. Mais plusieurs choses se sont enchaînées, notamment mon frère qui a remporté la médaille d'or aux Jeux de Rio. Ça m'a donné un bon coup de pied aux fesses ! Et Venezia est arrivée. Pour les gens avec qui je travaille, notamment la famille Niarchos avec qui je suis très proche, ça me tenait à cœur. J'avais quand même posé une condition, c'est que si je remontais, c'est pour aller en haut. Courir pour courir, ça ne m'intéresse pas. C'est pour ça que j'ai demandé à Bertrand de Bellabre de m'aider, ou à des très bons amis comme Nicolas Delmotte, Julien Epaillard, qui m'aident de temps en temps. Nous sommes très soudés. Toutes ces choses m'ont redonné la motivation. Je suis heureux de ce que je fais, je me sens en osmose. Je me sens bien ! J'ai encore beaucoup d'objectifs à court et long terme en tête, que je préfère garder pour moi pour l'instant. Je mettrai tout en œuvre pour les réaliser. J'ai hâte d'écrire une nouvelle page dans mon petit cahier d'objectifs !

GPR : Sur quelles autres montures pouvez-vous vous appuyer ?
T.R. :
 J'ai une très bonne jument, qui s'appelle Star. Elle s'est donnée un petit coup au CSI de Cagnes, en début d'année. Ce n'est pas grand chose, mais comme elle est très verte et très prometteuse, je ne veux prendre aucun risque. Et elle me manque effectivement ! À part ces deux juments, je n'ai malheureusement pas d'autres chevaux pour épauler Venezia dans des gros concours. C'est le problème classique d'un cavalier. Mais je sais ce que je veux, et je ne veux pas faire n'importe quoi.


GPR : Vous attachez beaucoup d'importance à la communication, notamment via les réseaux sociaux. Ça vous booste ?
T.R. :
 Je découvre tout ça, alors j'amuse tout le monde ! (rires) Je reçois même des coups de téléphone, ça m'amuse. J'ai notamment eu des retours après le CSIO de La Baule, notamment d'Eric Lamaze, que j'avais vivement remercié. Il n'a pas trop le moral en ce moment, et il m'a appelé dimanche soir. Il m'a raconté qu'il avait regardé le Grand Prix de La Baule à la télé, et il a vu un cavalier rentrer en piste avec la veste de l'équipe de France, avec une belle position. Il ne m'avait pas reconnu ! Il se demandait ce que je faisais là ! (rires) Il m'a dit qu'il était debout sur son canapé, et sautait en même temps que moi pour que ça marche ! Ça m'a énormément touché. Tout ça me motive. La reconnaissance des grands cavaliers, ça signifie quelque chose. Depuis le début du concours ici à Bourg-en-Bresse d'ailleurs, tout le monde me félicite, ça fait plaisir ! L'histoire ne fait que commencer, même si nous ne sommes jamais sûrs de ce que demain nous réserve.