Le Derby de La Baule est-il encore un Derby?

Même s’il n’y a finalement eu qu’un sans-faute, signé par le Colombien René Lopez sur Destiny’s Child, cet après-midi au stade François-André, on peut légitimement s’interroger sur l’évolution du Derby de La Baule, épreuve mythique en passe de devenir banale. Au fil des années, ses obstacles naturels ont été tellement rabotés que ce test de demi-fond n’a plus grand-chose d’excitant…



En 2009, année où Pius Schwizer s’était imposé avec le génial Ulysse, le Derby était doté de 50.000 euros et comportait encore un vrai double de buttes.

En 2009, année où Pius Schwizer s’était imposé avec le génial Ulysse, le Derby était doté de 50.000 euros et comportait encore un vrai double de buttes.

© Scoopdyga

Des tribunes pleines, un grand ciel bleu, une pelouse bien verte et vingt engagés. Sur le papier, tous les ingrédients étaient réunis pour vivre un grand et beau Derby, ce midi à La Baule. Seulement, un Derby, ce n’est pas seulement un long parcours de saut d’obstacles. Au stade François-André, si le nouveau tracé imaginé par Frédéric Cottier comporte toujours vingt-deux obstacles pour vingt-six efforts, à franchir en 2’30’’, on ne peut que regretter de voir les difficultés naturelles s’estomper, sinon se rabougrir, au fil des années. L’impression la plus flagrante est celle du double de buttes placé le long de la tribune Est du terrain. Déjà rabotées à plusieurs reprises depuis 2012, celles-ci ne ressemblent plus désormais qu’à de petits plateaux... En cause, la dernière réfection de la pelouse, qui a entraîné une élévation moyenne du niveau du sol de 20 à 30cm selon les sources consultées. Mais à ce titre, une simple comparaison avant/après (voir photos) vaut mieux qu’un long discours…
 
Bien sûr il y a toujours un talus, mais bien moins impressionnant qu’autrefois, le passage dans la partie ombragée et surélevée du fond du terrain, la très large barrière blanche et le lac en fin de parcours, mais franchement, cette épreuve est-elle encore digne de l’appellation Derby? «Non, cela ne ressemble plus vraiment à un Derby. En tout cas, les difficultés n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a quelques années», confirme le Brésilien Rodrigo Pessoa, lauréat de cette épreuve en 1999 avec Bianca d’Amaury, et qui se souvient certainement de quelques-uns des six succès de son légendaire père, Neco, vainqueur ici en 1975, 76, 89, 91 (ex æquo avec Michel Robert), 92 et 95!
 


« Ce n’était donc pas si facile que cela », Rémi Cléro

Deuxième, Harold Boisset a signé une belle performance avec Vakhenaton.

Deuxième, Harold Boisset a signé une belle performance avec Vakhenaton.

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Sur le terrain aujourd’hui, il y avait vingt couples engagés, dont dix-neuf sont finalement partis, et il n’y a eu qu’un sans-faute, réalisé par le tout premier concurrent, le Colombien René Lopez, victorieux sur Destiny’s Child. Fort de cette statistique, Rémi Cléro, président de la Société des concours hippiques de La Baule, déduit que « ce Derby n’était donc pas si facile que cela. » Cependant, à bien y regarder, on se rend compte que, sur vingt engagés, il y avait deux chevaux de huit ans et six de neuf ans, des jeunes qui représentaient donc la moitié du plateau… « Nous avons sept épreuves comptant pour le classement mondial Longines, peut-être huit l’an prochain. Les cavaliers viennent avec un piquet de chevaux devant courir le Grand Prix, la Coupe des nations, ce Derby et les autres belles épreuves, ce qui n’est pas si simple à gérer. Et si ce Derby n’était plus couru que par sept couples, il deviendrait forcément moins intéressant. C’est vraiment une question compliquée », ajoute Rémi Cléro.
 
En 2013, lors de la première des deux victoires de Patrice Delaveau avec sa fabuleuse Ornella Mail*HDC, seuls quatorze couples avaient disputé l’épreuve. C’est justement cet inquiétant étiage qui avait encouragé Patrick Caron, alors directeur technique, et le chef de piste Frédéric Cottier, qui lui a succédé cette année, à abaisser encore le niveau de l’épreuve. Pour autant, on peut aussi s’interroger sur sa dotation. Ainsi, en 2009, année où Pius Schwizer s’était imposé avec le génial Ulysse, le Derby était doté de 50.000 euros. Compte tenu de l’augmentation exponentielle des prize money dans l’ensemble des concours de la planète, sans doute devrait-il être aujourd’hui doté de 80.000, voire 100.000 euros. Or il n’en offre plus que 40.000…


« Les cavaliers ne prennent pas toujours leurs responsabilités », Steve Guerdat

«Je préférerais que les buttes soient un peu plus hautes et qu’il y ait un peu plus de difficultés naturelles», dit Steve Guerdat, troisième avec Vénard de Cerisy.

«Je préférerais que les buttes soient un peu plus hautes et qu’il y ait un peu plus de difficultés naturelles», dit Steve Guerdat, troisième avec Vénard de Cerisy.

© Scoopdyga

Ne serait-on pas tombé dans une sorte de cercle vicieux, la baisse du prize money décourageant peu à peu les cavaliers, ce qui aurait alors contraint les organisateurs à réduire le niveau de difficulté? «Nous pourrions doter ce Derby de 50 ou 60.000 euros, mais cela ne changerait pas grand-chose», assure Rémi Cléro. «La question, c’est plutôt les difficultés naturelles et la capacité des cavaliers à engager des chevaux dans cette épreuve. Le terrain ayant été entièrement refait cette année, nous avons pris certaines précautions. Il n’était d’ailleurs pas parfait les premiers jours. Il a effectivement été relevé de 20cm, ce qui fait que ces buttes paraissent toutes petites. Nous allons peut-être les relever dans l’an prochain, mais je ne suis pas le chef de piste, c’est le travail Frédéric Cottier. En tout cas, nous écoutons humblement ce que nous disent les cavaliers et propriétaires, et le bien-être des chevaux reste notre priorité», conclut Rémi Cléro.
 
«Nous n’avons pas besoin de sept ou huit épreuves comptant pour le classement mondial ; quatre ou cinq suffiraient. Et on pourrait alors revaloriser ce Derby », lui répond Steve Guerdat, troisième aujourd’hui avec Vénard de Cerisy, la deuxième place ayant récompensé le Montpelliérain Harold Boisset et Vakhenaton – à noter que ces deux paires ont fauté sur l’oxer 16. « Je préférerais que les buttes soient un peu plus hautes et qu’il y ait un peu plus de difficultés naturelles. Il faut prendre en compte tous les aspects. Je sais que c’est compliqué pour les organisateurs, étant donné que les cavaliers ne prennent pas toujours leurs responsabilités vis-à-vis de cette épreuve (en ne s’y engageant pas ou bien avec des chevaux pas assez préparés, ndlr). Quoi qu’il en soit, quelques points pourraient être améliorés, et j’aimerais que cette épreuve redevienne un peu plus dure pour ressembler davantage à un véritable Derby », lance le Suisse.
 
Gageons que le message du champion olympique de Londres sera entendu, et que cette épreuve retrouvera bientôt son lustre d’antan, pour la beauté du sport et le prestige de cet Officiel de France.
 
Les résultats