“J’ai l’immense chance de pouvoir sauter les plus beaux cross avec Church’Ile”, Arthur Marx
Cette semaine, Arthur Marx sera au départ du CCI 5*-L de Badminton pour la troisième fois de sa carrière avec Church’Ile. Le Français fait de ce concours un véritable objectif, avant, peut-être, d’envisager une première participation au CCI 5*-L de Burghley en septembre. Dans cet entretien, celui qui s’entraîne avec Mark Todd évoque aussi son goût pour ces événements exigeants et l’histoire de son fils de Grafenstolz, né chez lui, taillé pour les cross les plus difficiles et avec lequel il vit une belle histoire familiale.
Cette semaine, vous disputez le CCI 5*-L de Badminton pour la troisième fois de votre carrière avec Church’Ile. Comment abordez-vous ce rendez-vous mythique?
Badminton constitue le grand objectif de notre année avec Church’Ile. Je souhaite y mettre en pratique tout ce que j’ai appris lors des précédentes éditions (Arthur Marx s’est élancé dans la classique anglaise en 2023 et 24, et a été éliminé lors du cross les deux fois, ndlr) dans le but de ne pas y faire de la figuration. Mon objectif est que tout se passe bien afin que mon cheval termine la compétition en bonne santé, et que nous soyons présents à la remise des prix.
Pour la première fois, un Français présidera le jury de l’événement en la personne de Xavier le Sauce. Cela change-t-il quelque chose pour vous?
Je sais qu’il est totalement impartial; il est honnête et ne regarde pas les nationalités. C’est appréciable! Comme les autres juges, il joue un rôle difficile, et nous en avons bien conscience. Toutefois, en CCI 5*-L, l’influence du dressage est un peu moindre qu’aux niveaux inférieurs. Cela rend ces épreuves encore plus passionnantes.
Quel a été le programme de Church’Ile en amont du CCI 5*-L de Badminton?
Après le CCI 5*-L de Pau (dont il a terminé quarante et unième, ndlr), fin octobre, il s’est reposé pendant un mois environ. Je l’ai ensuite remis doucement au travail, en privilégiant le stretching, avant de reprendre des petits galops dès janvier, dans l’optique de préparer le concours de Badminton. Ensuite, il a disputé l’étape du Grand National FFE / AC Print de Saumur (dont il a terminé cinquième début mars, ndlr). Il n’avait alors plus franchi d’obstacle de cross depuis Pau! Il a démontré une vraie envie de sauter, me forçant à être très précis, et même presque scolaire. Church’Ile ne s’est jamais montré regardant. Au contraire, il est toujours très volontaire. Intrinsèquement, ce n’est pas un cheval taillé pour les échéances majeures. D’ailleurs, à treize ans, il ne dresse pas encore tout à fait assez bien, même s’il a énormément progressé, notamment dans sa relaxation. Mark Todd, avec qui on a la chance de s’entraîner, m’a d’ailleurs dit en début d’année: “ton cheval est dressé, il maîtrise tout, mais il faut composer avec son mental”, m’a dit Mark Todd, avec lequel nous avons la chance de nous entraîner, en début d’année. Pour cause, Church’Ile a du tempérament. Avec lui, il faut donc éviter le conflit et lui donner envie de bien faire sur le rectangle. Cet hiver, ses changements de pied se sont encore améliorés, mais le travail au trot reste plus difficile pour lui en raison de sa conformation. Je le connais par cœur, avec ses qualités et ses limites, donc je le laisse évoluer à son rythme.
“Si j’arrive à être au niveau de mon cheval, je pense qu’il peut bien figurer à Burghley”
Nourrissez-vous d’autres ambitions avec Church’Ile cette année?
Après Badminton, il se reposera évidemment un peu, mais si tout se passe bien, je compte le remettre assez vite au travail disputer une épreuve moins exigeante – de niveau Pro 1 ou une Pro Élite – en juillet. L’objectif suivant sera le CCI 5*-L de Burghley, début septembre. Sa réputation de concours le plus difficile au monde m’attire. Je crois en mon cheval, que je sais prêt pour affronter un tel rendez-vous, et si j’arrive à être à son niveau, je pense qu’il peut bien y figurer. L’important sera de garder ma lucidité le jour du cross, et de bien gérer la préparation en amont. Mon but sera que Church’Ile arrive à Burghley plein d’énergie, quitte à ce qu’il se montre trop chaud au dressage. Pour y parvenir, il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte, ce qui est passionnant. Ensuite, nous ferons vraisemblablement l’impasse sur le CCI 5*-L de Pau, mais je m’y rendrai sans doute à pied, car j’adore ce concours.
Qu’est-ce qui vous motive à disputer des CCI 5*-L, où les cross sont plus exigeants que dans n’importe quelle autre épreuve?
L’adrénaline, sans aucun doute possible. C’est une vraie drogue, pour moi comme pour mon cheval. En CCI 5*-L, on reconnaît le parcours de cross avec un peu de peur, puis on le monte avec envie. Il faut viser l’efficacité avant tout pour passer entre les fanions, sans chercher à trop soigner le style. C’est un défi pour moi, qui suis perfectionniste de nature. En outre, il est impossible d’aller au bout d’un cross de ce niveau sans un cheval motivé. Contrairement à ce que certains imaginent, j’affirme que nos chevaux prennent du plaisir à disputer ce type d’épreuves. En outre, nous les choyons autant que nous le pouvons, et même plus que nous-mêmes. Church’Ile passe toujours en priorité, et il en va de même chez les autres cavaliers.

Church’Ile a vu le jour dans la famille Marx
© Collection privée
Ce cheval est né chez vous. Pouvez-vous en dire plus sur son histoire?
Church’Ile a effectivement vu le jour chez nous, il y a treize ans. J’ai monté sa mère, Ile d’Ohe, et mon père avait monté sa grand-mère. Ile d’Ohe disposait d’un excellent mental, et le père de Church’Ile, Grafenstolz (vainqueur du Mondial des six ans sous la selle de Michael Jung, ndlr), produit de très bons chevaux de cross. Malheureusement, nous avons un peu cassé le moule après sa naissance. Mon père, âgé de soixante-sept ans, monte aujourd’hui la sœur utérine de Church’Ile par Happy Vergoignan, D’Une Ile, mais elle évolue jusqu’à 1,10m en saut d’obstacles, et en Amateur 3 en concours complet. Elle est à l’opposé de Church’Ile, assez froide, et ne constitue pas ma relève. D’ailleurs, l’élevage n’est pas notre vocation. À présent, je préfère acheter des jeunes de quatre ans, et laisser aux éleveurs la tache de les faire naître.
Cela dit, j’ai sous ma selle le fruit d’un croisement réussi, dont nous n’avions pas prévu qu’il fonctionnerait aussi bien. Le fait d’avoir fait naître ce cheval est d’autant plus motivant pour poursuivre cette histoire de famille jusqu’à disputer les plus beaux concours de la planète avec lui. Même si Church’Ile n’est pas taillé pour les grands championnats, j’ai l’immense chance de pouvoir sauter et galoper sur les plus beaux cross avec lui. À l’heure actuelle, il est à acheter, mais, sciemment, je ne dis pas ‘à vendre’. Je ne cherche pas à le vendre, mais si une offre au prix souhaité se présentait, je l’accepterais, car les concours ne nous permettent pas de vivre financièrement. S’il venait à partir, je demanderais à son nouveau cavalier de venir passer une semaine à la maison, pour une vraie passation.
“Rapidement, j’ai compris que Church’Ile était un cheval de cross exceptionnel”
Quand avez-vous réalisé que Church’Ile sortait de l’ordinaire ?
À ses six ans, en disputant des épreuves du Cycle classique. À l’époque, je montais Mage Mail et Z Corlanda, que j’ai emmenés jusqu’au niveau 4*, et je me suis surpris à avoir beaucoup plus de facilités avec lui qu’avec ces chevaux-là. Le temps m’a semblé long pour attendre ses sept ans, et pouvoir commencer à l’engager à bon niveau. Rapidement, j’ai compris que c’était un cheval de cross exceptionnel, et on me l’a confirmé. Nous n’avons jamais vraiment eu besoin de l’entraîner pour ce test. Grâce à lui, j’ai découvert les CCI 4* de format long puis, logiquement, les CCI 5*-L. Il m’a emmené à Boekelo, Aix-la-Chapelle par deux fois, Pau et Badminton, et j’ai découvert l’univers des Coupes des nations grâce à lui. Il nous reste à nous frotter au concours de Burghley, ce qui constitue un véritable objectif très motivant! Malheureusement, Luhmühlen tombe mal dans le calendrier, sans quoi j’aurais aimé pouvoir dire que nous avions disputé tous les CCI 5*-L européens. À long terme, c’est un but intéressant à poursuivre, tant que mon cheval en montre l’envie.
De quels autres chevaux disposez-vous aujourd’hui?
Je n’ai pas une grosse écurie. J’ai actuellement un autre cheval, Guerland du Terroir, que j’envisage d’engager dans le championnat du monde non officiel des chevaux de huit et neuf ans, à Blenheim, cette année. En un an, il est passé du niveau Pro 4 à un CCI 3* à Arville. Il montre du potentiel, mais n’atteindra pas les CCI 5*, et il est à vendre. J’ai aussi une jument de cinq ans, que nous estimons beaucoup. Elle est encore jeune, donc nous allons lui laisser du temps, d’autant que je n’ai aucune pression avec elle.