LA FEI FAIT SON GRAND DÉBALLAGE IDÉOLOGIQUE DE PRINTEMPS
Le quatrième Sports Forum de la Fédération équestre internationale a donné lieu à de passionnants débats, aujourd’hui à Lausanne. Après un débriefing des Jeux équestres mondiaux de Normandie et deux interventions très suivies de Kit McConnell, directeur des sports du Comité international olympique, et d’Ingmar de Vos, le nouveau président de la FEI, au sujet de l’avenir des sports équestres aux JO, deux sessions ont posé sur la table les possibles évolutions du dressage et du concours complet… en attendant le saut d’obstacles, demain matin. La perspective de disputer les Jeux olympiques par équipes de trois est loin de faire l’unanimité.
Quels que soient les chemins empruntés par les sports équestres dans les mois voire les années à venir, on ne pourra pas reprocher à leurs têtes pensantes de ne pas avoir réfléchi à leur modernisation. Cet hiver, Ingmar de Vos avait promis que ce quatrième Sports Forum ouvrirait des débats avec des idées nouvelles. À mi-chemin de ce rendez-vous de printemps, on peut d’ores et déjà affirmer que le nouveau président de la Fédération équestre internationale a tenu son engagement. À tel point qu’on se demande bien de quoi demain sera fait tant les voies proposées sont nombreuses et les contre-propositions souvent de qualité.
'Nous devons être ouverts et sincères face aux défis qui se présentent à nos sports, et nous devons être proactifs dans la recherche de solutions pour les moderniser', a introduit le Belge, ce matin. 'Nous ne serons pas tous d’accord sur tout, mais il nous faut aller de l’avant, discuter et trouver des consensus.' Le cadre a ainsi été posé, permettant à chaque sensibilité présente dans l’amphithéâtre de l’International Institute for Management Development de Lausanne de s’exprimer après les exposés des responsables invités à la tribune.
Comme on pouvait s’y attendre, le bilan des Jeux équestres mondiaux de Normandie a confirmé une quasi parfaite réussite sportive et pointé les dysfonctionnements plus ou moins graves du comité d’organisation, notamment en termes d’accueil du public et de la presse, au stade d’Ornano et surtout au Haras du Pin le jour du cross. Afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs dans le futur, la FEI entend travailler toujours plus étroitement avec les comités d’organisation, Tim Hadaway, le directeur des Jeux et championnats à la FEI, reconnaissant toutefois que les organisateurs des JEM 'ont mis tout leur cœur pour faire de leur mieux'…
Réduire la taille et la durée des JEM
Afin de rendre ces Jeux plus aisés à organiser, et ne pas risquer de saper la volonté de potentiels candidats à leur accueil, le cabinet Sports Consultancy, mandaté par la FEI, propose de réduire le nombre d’athlètes et de chevaux engagés (+133% entre 1990 et 2014). Cela contribuerait à faire baisser le budget nécessaire de 30 à 40% (près de 78 millions pour l’édition 2014) en réduisant les frais de transport et de logistique et d’accueil, mais aussi à réduire la durée des épreuves et ainsi améliorer la qualité d’ensemble de l’événement. Au terme d’une étude s’appuyant sur des entretiens qualitatifs, les consultants estiment aussi que les JEM gagneraient aussi, en termes d’exposition médiatique et de revenus potentiels, à se dérouler sur neuf ou dix jours contre seize actuellement.
Qu’il s’agisse des Jeux mondiaux ou olympiques, tous les intervenants ont mis en avant l’absolue nécessité de rendre les sports équestres plus attractifs sur le petit écran afin de conquérir de nouveaux publics, ce qu’une discipline autrefois confidentielle comme le biathlon a réussi en l’espace de quelques années et en se retroussant sérieusement les manches (+300% d’audience en huit ans!).
Le concours complet en plein doute
'Le monde dans lequel nous évoluons est en constante mutation. Le sport doit l’être tout autant', a appuyé Kit McConnell. Le directeur des sports du Comité international olympique est venu présenter les grandes lignes de l’agenda 2020 du CIO, donnant une ligne directrice aux disciplines souhaitant s’inscrire dans le mouvement olympique. Pour rester au programme des JO, car c’est bien de cela qu’il est question à Lausanne, le saut d’obstacles, le concours complet et le dressage devront notamment respecter les principes de durabilité, de crédibilité et de jeunesse, et progresser vers toujours plus d’universalité et de parité, même si sur ce dernier point, ils constituent une exception dans la mesure où femmes et hommes luttent pour les même médailles.
C’est sur les mesures supposées contribuer à l’universalisation qu’il sera le plus difficile de mettre tout le monde d’accord, dans la mesure où le nombre de participants aux JO reste bloqué à un total de deux cents pour les trois disciplines confondues. Le principal moyen envisagé par la FEI est de faire passer les équipes de quatre à trois couples, ce qui était le cas à Londres en dressage, et donc de supprimer la possibilité d’effacer le plus mauvais score de l’équipe. On rangerait donc aux oubliettes ce qui fait le sel des Coupes des nations. Une totale révolution qui est très loin de faire l’unanimité.
En dressage, où l’on évoque la possibilité d’un quatrième couple de réserve en cas de défaillance d’un des trois titulaires, le malheur des grandes nations (intouchables à quatre) ferait à peu près le bonheur des moyennes (plus à l’aise à trois), mais le débat s’est élargi à de nombreux autres pistes de modernisation sur lesquelles il sera intéressant de revenir. En complet, les parties prenantes sembles très, très loin d’un accord, dans la mesure où d’après la FEI, le problème majeur reste de distribuer deux jeux de médailles, individuelles et par équipes, après la même épreuve. Actuellement, on dispute une seconde manche d’hippique pour établir le classement individuel. Le comité propose d’organiser deux épreuves, un CCI 3* pour le classement par équipes, et un CCI 4* pour les individuels. Les effets pervers d’une telle mesure sont si nombreux qu’elle n’a trouvé quasiment aucun écho favorable dans le salle. Cela promet demain pour la table ronde du saut d’obstacles…
À Lausanne, Sébastien Roullier