“À la reprise, il faudra prendre en compte le fait que le dos des chevaux a perdu de sa densité, que les ligaments se sont raidis...”, Jérôme Thévenot

Le confinement qui a été imposé au monde entier depuis mi-mars a entraîné la suspension de la saison de compétition, qui commençait justement à battre son plein. Il n’en demeure pas moins que les chevaux de haut niveau doivent continuer à être sortis et travaillés de manière à être maintenus en état et aussi prêts que possible à recommencer à concourir aussitôt que les engagements seront à nouveau ouverts… Comment préserver au mieux leur forme? De quelle façon préparer au mieux la reprise dont la date est incertaine? Le point sur cette question cruciale avec Jérôme Thévenot, vétérinaire de l’équipe de France de saut d’obstacles.



Les chevaux de concours qui avaient entamé la saison se retrouvent le bec dans l’eau… Quel programme de travail serait selon vous pertinent en attendant la reprise?

Il s’agit de les garder en condition et de les entretenir. Je préconise un travail doux quotidien, avec une séance de saut toutes les semaines, ou au moins tous les quinze jours, pour la proprioception et les articulations. Cette période peut ne pas être “que” négative. Certains chevaux de sport, d’autant plus maintenant qu’il n’y a plus, ou si peu, de trêve hivernale, sont tellement sollicités toute l’année qu'ils souffrent parfois sans que l’on s’en rende compte de petites lésions, notamment ligamentaires ou tendineuses : ce temps de pause leur permettra de cicatriser, et de ne s’en trouver que mieux pour la reprise!

Quid des chevaux qui sont mis au repos forcé, faute de professionnels disponibles sur la structure pour les travailler?

Ceux qui sont au box doivent impérativement être sortis tous les jours, au moins quarante minutes au pas. Pour ceux qui ont la chance de pouvoir être mis dehors, ils peuvent ne pas être travaillés, car en extérieur, ils déambulent sans cesse, mais cela aura tout de même pour conséquence une certaine fonte musculaire doublée d’une relative décalcification osseuse. À noter que, pour les chevaux mis en extérieur et qui d’habitude ne vivent pas dehors, je préfèrerai un petit paddock avec une activité contrôlée qu’un lâchage total et permanent dans un pré gigantesque, car alors les risques d’accident ou de blessure sont élevés. Dans tous les cas, un mot d’ordre pour la reprise : en douceur!

C’est-à-dire?

Il faut autant de temps à un cheval pour se remettre en route que de temps passé arrêté, par exemple après une blessure. Finalement, ce confinement s’apparente pour certains à une convalescence… Alors à la reprise, il faudra prendre en compte le fait que le dos a perdu de sa densité, que les ligaments se sont raidis. Et pour ce faire, il faudra travailler les assouplissements, mécaniser sur des cavaletti et ne pas négliger la proprioception, en travaillant, essentiellement au pas, en terrains variés. D’autant plus que le cheval a un peu d’âge, ou souffre d’une pathologie telle que l’arthrose par exemple. Un petit check-up vétérinaire ne serait d’ailleurs alors pas du luxe!

Et faut-il modifier leur alimentation?

L’alimentation doit évidemment être adaptée au niveau de travail des chevaux. Si un cheval fonctionne au ralenti, il faudra réduire ses apports énergétiques de cinquante à quatre-vingt-dix, en fonction du degré de ralentissement, et privilégier les fibres, avec un apport nettement plus conséquent en fourrage. Ceci pour essentiellement prévenir les coliques et les variations de poids trop importantes. C’est assez logique. Comme pour le travail, je dirais que c’est tout simplement du bon sens. 

Beaucoup de cavaliers s’inquiètent, et ce d’autant plus qu’ils n’ont actuellement pas l’autorisation de voir leurs chevaux. Que peut-on leur conseiller?

De faire confiance aux professionnels qui, pour la grande majorité d’entre eux, s’occupent bien des chevaux qui leur sont confiés. De prendre leur mal en patience en ayant conscience que l’on vit vraiment quelque chose d’inédit… Et je ne saurai trop leur conseiller de profiter de ce temps laissé libre pour se maintenir en forme, cela évitera les accidents idiots au moment de la reprise. Et de même que pour les chevaux, il faudra alors reprendre en douceur. D’ailleurs, même si la tentation est grande après avoir rongé son frein pendant longtemps, mieux vaudra éviter d’engager le premier concours au moment de la réouverture de la saison, ou du moins, il faudra le faire à un niveau inférieur à son niveau habituel. Là aussi c’est du bon sens, il ne faut pas se précipiter. Comme à cheval!