“J’ai vraiment apprécié ces deux ans aux côtés de Maelle Martin”, Olivier Sadran

Au lendemain de l’officialisation du terme de la collaboration entre Maelle Martin et l’écurie Chev’el, Olivier Sadran, propriétaire de la structure, a tenu à exprimer sa gratitude envers la cavalière, confirmant que les deux parties s’étaient séparées en bons termes. L’occasion, aussi, de revenir sur les excellents résultats de Julien Épaillard, notamment avec Queeletta et Virtuose Champeix, acquis l’an passé par Chev’el, mais aussi d’évoquer l’avenir proche de la Global Champions League, où est engagé en tant que copropriétaire de l’écurie des Monaco Aces l’entrepreneur toulousain, par ailleurs co-président de Newrest, géant mondial de la restauration collective, et président du Toulouse Football Club.



Comment allez-vous en cette période inédite de confinement mondial?

Bien… enfin comme un entrepreneur qui voit son chiffre d’affaires baisser de plus de 90% depuis le début de la crise… Newrest est une entreprise que nous avons construite en partant de rien à deux personnes. C’est dur, mais si je dois prendre une pelle et une truelle pour tout reconstruire, je le ferai. Depuis le début de cette crise, je me remonte les manches avec tous mes proches collaborateurs pour trouver les meilleures solutions possibles. Le plus urgent a été de protéger nos salariés œuvrant en Afrique et en Amérique du Sud, qui se retrouvent sans activité dans des pays où ils ne peuvent pas bénéficier de mesures sociales telles que le chômage partiel. Tous nos cadres ont accepté de réduire leur rémunération afin de pouvoir leur assurer un revenu minimal. Nous faisons également en sorte de préparer la reprise, mais nous savons qu’elle sera très progressive pour notre activité (très liée à l’intensité du trafic aérien et ferroviaire, ndlr) et que celle-ci ne retrouvera probablement pas son notre meilleur niveau avant l’été 2023.

Avant-hier, Maelle Martin a annoncé son départ de Chev’el, votre écurie de sport située non loin de Toulouse, au service de laquelle elle œuvrait depuis début 2018. “La collaboration s’arrête d’un commun accord, nos routes se séparent mais j’en retiendrai une expérience extrêmement positive”, a-t-elle déclaré, remerciant notamment votre épouse Sophie et vous-même. Pour quelle raison cette collaboration s’est-elle achevée?

Je voudrais d’abord saluer Maelle. Je souscris pleinement au très beau message qu’elle a publié et qui reflète tout à fait ce que nous avons vécu. Nous avons eu la chance de partager de grandes expériences dans de très beaux concours. Elle a parfaitement exercé son métier, formant et valorisant les chevaux de qualité que nous lui avions confiés. J’ai vraiment apprécié de vivre ces deux années à ses côtés. Je l’estime en tant que cavalière, mais aussi pour tout le savoir qu’elle a transmis à Nina Mallevaey et à mes filles Jeanne et Louise. Elle a été un excellent relais d’Éric Louradour (qui se rendait très régulièrement chez Chev’el pour aider chevaux et cavaliers à progresser) puis de Julien Épaillard (qui coache en concours les jeunes cavaliers de l’écurie dès qu’il le peut, ndlr).

Cela s’est arrêté pour deux raisons principales. La première est que Kosmo van Hof ter Boone s’est blessé et que Tempo du Plix, son propre cheval, s’est également blessé. Dès lors, il devenait difficile d’envisager une saison sportive avec le piquet de chevaux qui lui restait. La deuxième est la conjoncture économique, qui s’est vraiment, vraiment durcie pour moi et qui ne me permet pas à court terme d’acheter de nouveaux chevaux.



“Rien n’a plus de résonnance pour moi que de défendre les couleurs de mon pays”

Julien Épaillard et Virtuose Champeix au CHI de Genève en décembre dernier.

Julien Épaillard et Virtuose Champeix au CHI de Genève en décembre dernier.

© Scoopdyga

Depuis quelques mois, Julien Épaillard est devenu le numéro un français au classement mondial Longines des cavaliers, notamment grâce à ses performances avec Virtuose Champeix et Queeletta. Désormais, les supporters français espèrent le voir revenir en équipe nationale, particulièrement en vue des Jeux olympiques de Tokyo, reportés à 2021. En tant que propriétaire, êtes-vous prêt à l’accompagner vers cet objectif?

Avec Julien, nous nous sommes rapprochés un peu par hasard il y a quelque temps, ce qui a fait évoluer notre modèle. Nous lui avons acheté Virtuose Champeix et Queeletta, à des prix tout à fait modestes par rapport à la moyenne du marché et aux folles envolées dont on parle pour les meilleurs cracks du circuit. Julien les monte merveilleusement bien et obtient de fabuleux résultats en concours. Tout le mérite lui revient. Il était d’ailleurs parti pour réussir une saison fantastique, avant que les circonstances ne mettent tout cela entre parenthèses. En tant que fan de sport, rien n’a plus de résonance pour moi que de défendre les couleurs de mon pays. Si les chevaux de l’écurie Chev’el peuvent intégrer l’équipe de France, dans le respect de leur intégrité, de leur sensibilité et de leurs aptitudes, qui ne sont pas forcément les mêmes, et si Julien en a envie, alors oui, priorité sera donnée au drapeau sans aucune ambiguïté.

La crise sanitaire et économique que le monde traverse actuellement va-t-elle influer sur votre engagement auprès de l’écurie de Global Champions League (GCL) des Monaco Aces, dont vous êtes le copropriétaire, alors qu’on ne sait pas aujourd’hui quand ce circuit va reprendre?

Je suis dans l’expectative. Les organisateurs (le Néerlandais Jan Tops, désormais associé à parts égales à l’Allemand Lars Windhorst, ndlr) nous doivent un certain nombre d’informations, au-delà même de la pandémie de Covid-19 d’ailleurs, puisque nous n’en avions déjà pas eues l’an passé concernant l’annulation de l’étape de Montréal, qui représentait pourtant une perte potentielle de gains. Cette année, le nombre de concours annulés sera sûrement plus nombreux encore. Ce n’est pas en plein milieu d’un crise qu’il faut faire pression pour obtenir des réponses à nos interrogations, mais celles-ci devront arriver, aussi bien sur le plan sportif que financier. J’ai toutefois confiance dans le sérieux et le professionnalisme des organisateurs. En tout cas, je ne transigerai pas sur le respect de l’intégrité physique de mes chevaux, donc il serait hors de question, par exemple, qu’ils concourent trois ou quatre semaines d’affilée ou qu’ils enchaînent en deux mois ce qui était prévu en dix, surtout avec tous les déplacements que cela implique. Je ne jouerai clairement pas ce jeu-là.

En outre, comme un grand match de football, un concours d’envergure n’a plus vraiment de sens s’il doit être disputé à huis clos…

Peut-être est-ce moins dommageable pour un concours que pour un match, mais aucun sportif n’a envie de se produire devant des tribunes vides. Ce n’est pas pour rien le CHIO d’Aix-la-Chapelle est le plus beau concours du monde et si les CSI 5* de Mexico et Hambourg, par exemple, figurent parmi les plus belles étapes du Longines Global Champions Tour. Évoluer devant un public nombreux et connaisseur transcende les cavaliers et même les chevaux, j’en suis sûr. Pour moi, en tout cas, quel que soit le nouveau calendrier, l’essentiel est de garantir le bien-être des chevaux.

En tant que citoyen, que vous inspire cette crise?

Elle nous montre que rien n’est jamais acquis. Les pandémies de 1957 (dite de la grippe asiatique, ndlr) et 1968 (dite de la grippe de Hong Kong, ndlr) avaient déjà été terribles, mais celle-ci est différente dans le sens où nous vivons un changement de société extrêmement brutal. Aujourd’hui, nous ne sommes plus prêts à accepter la mort de nos aînés et des personnes les plus fragiles, ce qui est sans doute une bonne chose, mais condamner durablement la jeunesse suscite d’autres questions. Hélas, nous subissons les lacunes et manquements de nos gouvernements successifs dans plusieurs domaines. Nous vivons dans le pays où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés au monde, ce qui ne me dérange pas – et où la dette publique atteint 100% du PIB, ce qui me dérange un peu plus – à condition que cela se traduise par des services publics du meilleur niveau. Or, aujourd’hui, on se rend compte que ce n’est pas le cas, y compris pour l’armée, la police, la justice, la santé et l’éducation, qui sont tout de même les services plus fondamentaux, alors nous avons un vrai problème. L’Allemagne semble s’en sortir mieux que la France, une fois encore, comme la Corée du Sud et quelques autres pays, ce qui doit nous interroger. Cependant, cette remise en question ne sera pas facile à mener compte tenu de la situation économique et sociale qui nous attend…