"Je garde toujours la même envie de progresser", Éric Navet

Le 9 mai, Éric Navet a fêté ses soixante et un ans confiné et entouré de sa famille, à Rancho Santa Fé, à quelques encablures de San Diego, en Californie. Fin 2020, son second contrat quadriennal d’entraîneur privé et exclusif du cavalier américain Karl Cook arrivera à échéance. Restera-t-il sur la côte Ouest, où il mène une vie paisible et heureuse ? S’installera-t-il sur la côte Est, où sont établis la plupart des meilleurs cavaliers américains ? Rentrera-t-il en France, où il a conservé ses écuries et tant d’amis qui lui manquent ? Ou bien embrassera-t-il une vie de nomade, au risque de passer sa vie dans les avions ? Relancera-t-il sa carrière de cavalier ? Le Normand assure ne pas avoir encore fait son choix. Quoi qu’il en soit, s’entretenir avec le triple champion du monde procure un immense plaisir tant il s’exprime avec générosité, clarté et sincérité, tant il a à transmettre, et tant il semble apprécier cet exercice qui lui était si difficile dans sa jeunesse



Comment allez-vous ? Et dans quel état d’esprit êtes-vous en ce moment ?

 Je me sens bien. Nous, cavaliers professionnels, sommes privilégiés dans cette situation par rapport à beaucoup de gens, qui ont dû trouver ce confinement particulièrement pénible. Nous le sommes quoi qu’il arrive, mais encore plus aujourd’hui car nous évoluons dans de grands espaces avec nos animaux. En dehors du fait que les concours ont été annulés, notre vie quotidienne n’a pas foncièrement changé. Nous passons simplement plus de temps aux écuries, ce qui n’a rien de désagréable. À court terme, je vis donc dans une forme de sérénité. À moyen terme, j’ai un peu plus de mal à me projeter, comme tout le monde. Au-delà de la santé, qui est évidemment l’enjeu primordial de la crise que nous traversons, on ne sait pas quand les concours pourront reprendre et surtout à quoi ressemblera le monde d’après, ce qui génère forcément du stress et un peu de peur. Sans doute devrons-nous énormément changer nos habitudes. Et si c’était finalement un mal pour un bien, celui-ci serait très cher payé.

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Que devient Catypso (Han, Catoki x Calypso II), le cheval avec lequel vous aviez pris part à la finale de la Coupe du monde en 2017 à Omaha ? 

Depuis fin 2018, il est à la retraite dans les prés du ranch des parents de Karl. Il m’a procuré énormément de plaisir là-bas. Ce n’était vraiment pas rien de retrouver le très haut niveau après tant d’années d’absence (le dernier grand rendez-vous du cavalier remontait aux terribles et douloureux Jeux olympiques d’Athènes, en 2004, où Dollar du Mûrier s’était irrémédiablement blessé sur le sol trop dur du stade de Markopoulo, ndlr), qui plus est pour une finale de la Coupe du monde (il n’en avait disputé qu’une seule précédemment, en 1992 à Del Mar, se classant neuvième avec Roxane de Gruchy, SF, Le Sartillais x Éclat, Ps). J’ai vécu une semaine fabuleuse dans cette arène où l’ambiance était d’ailleurs incroyable (cette finale fut l’une des meilleures de ce point de vue, ndlr). De plus, cela s’était très bien passé sportivement (le couple avait fini dix-neuvième, ndlr). Je ressentais un peu de pression, parce que je n’étais pas sûr que nous serions au niveau de ce rendez-vous, ni Catypso, ni moi ! Finalement, je n’avais perdu ni la main, ni la jambe !

Ce retour furtif à très haut niveau a-t-il réveillé en vous une envie de consacrer à nouveau plus de temps à votre carrière sportive ? 

On ne sait jamais. Je ne peux pas dire que ce soit un objectif, mais oui, j’aimerais beaucoup trouver un cheval capable de s’illustrer à ce niveau. Je viens de fêter mes soixante et un ans mais je ne sens pas du tout mon âge. Je suis même en pleine forme. Et puis oui, cette finale d’Omaha m’a permis de réaliser que j’étais toujours capable de le faire, de bien le faire, et en prenant un maximum de plaisir ! Si j’y parvenais, je le ferais pour moi, sans ambition de réintégrer l’équipe de France. Il y a un temps pour tout et la France ne manque pas de grands cavaliers plus jeunes que moi ! Entre la Coupe du monde et les beaux concours estivaux, on peut tout à fait s’épanouir à haut niveau sans solliciter de sélections dans les grands CSIO.

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Quel cheval vous a le plus appris sur vous-même ? 

Dollar du Mûrier a été le plus compliqué que j’aie eu à monter au cours de ma carrière. Jean-Maurice Bonneau pourrait raconter un paquet d’anecdotes sur notre couple et mes petits ajustements qui ne cessaient jamais ! Nous avons mis beaucoup de temps à nous comprendre. Je l’ai récupéré à six ans et il m’a fallu cinq saisons pour le mettre au point. Avec lui, c’était l’école de la patience et de la tolérance. Il m’a appris à composer au lieu d’imposer, et a été un très bon professeur pour moi. Je pense qu’il est arrivé au bon moment dans ma carrière, et cette expérience m’a servi par la suite. Je pense qu’il m’a autant appris que ce que je lui ai enseigné.

 

L’intégralité de cet entretien est à retrouver dans le numéro 117 du magazine GRANPRIX, disponible en kiosques.