Gayle Ecker, ou les bienfaits du minéral sur l’animal
Comme Jean-Marie Denoix, Gayle Ecker a dédié sa vie à l’étude du fonctionnement des équidés. Cependant, là où le Français s’est spécialisé dans la locomotion, la chercheuse canadienne s’est penchée sur la physiologie de l’animal, et particulièrement sur les apports des électrolytes durant les périodes d’effort.
Passionnée de recherche scientifique en matière équine, Gayle Ecker est établie à Guelph, une ville située à cent kilomètres à l’ouest de Toronto, dans la province canadienne de l’Ontario. Depuis 2003, la chercheuse dirige Equine Guelph, centre affilié à l’université de la ville et son renommé Ontario Veterinary College, plus ancienne école vétérinaire d’Amérique du Nord, dont la première incarnation remonte à 1862.
“Ma mère m’a hissée sur un cheval avant même que je sache marcher. Dès ce jour, ma carrière était toute tracée !“, plaisante-t-elle. “Mon diplôme de premier cycle était spécialisé en physiologie de l’exercice humain. En tant que gymnaste et cavalière, il me semblait naturel de comparer les athlètes humains et équins.“ À l’occasion d’une course d’endurance, discipline qu’elle a découverte par le biais d’une connaissance, elle soulève une question qui va s’avérer déterminante pour la suite de son itinéraire. “Voyant des cavaliers de haut niveau donner des électrolytes à leurs chevaux, je leur ai demandé : “Comment savez-vous quelle quantité leur délivrer ?“ Malgré leur statut de professionnels, ils m’ont répondu : “À vue de nez“. Compte tenu de nos connaissances sur la complémentation en électrolytes de l’athlète humain, j’ai voulu en apprendre davantage au sujet des chevaux. Et comme très peu de recherches avaient été menées en la matière, cela a suscité mon intérêt !“, retrace-t-elle.
Tout comme les humains, les chevaux transpirent lorsque leur température corporelle s’élève. Le liquide aqueux évacué contenant des sels minéraux, ou électrolytes, comme le sodium, aidant à équilibrer la teneur en eau du corps et à maintenir la tension artérielle, le potassium, oeuvrant au bon fonctionnement des cellules, des muscles, du coeur et des reins, le chlorure, agissant au maintien de l’équilibre des acides et des bases, le magnésium, ayant plusieurs fonctions dans le corps et contribuant à la croissance du squelette, ou le calcium, solidifiant les os et les dents et favorisant un fonctionnement sain du coeur, des muscles et des nerfs ou encore une bonne coagulation du sang. Si l’humain transpire deux à trois litres par jour, le cheval peut perdre dix à quinze litres d’eau par heure. En outre, le liquide sécrété est environ dix fois plus concentré en minéraux que celui de l’homme. Il ne suffit donc pas de remplacer l’eau perdue à l’effort, d’autant que celle-ci est normalement excrétée, l’organisme équin la percevant comme superflue. Ainsi, un cheval qui s’exerce dans la chaleur peut perdre 25% de son endurance, et même 50% si les conditions climatiques sont à la fois chaudes et humides. “Au-delà de l’impact sur la performance des chevaux de sport, la déshydratation peut causer des pertes d’appétit et coliques, mais aussi des blessures physiques, hyperthermies, troubles cardiovasculaires et autres lésions rénales, voire provoquer la mort de l’animal“, rappelle Equine Guelph.
Recherche, éducation et formation
L’utilisation des électrolytes est alors devenue le point central des recherches de Gayle Ecker. Grâce à des analyses approfondies d’échantillons de sang et de sueur, au contrôle du poids et de la prise d’électrolytes des chevaux d’endurance, la Canadienne et son collègue, le Dr Michael Lindinger, ont développé une approche scientifique permettant d’objectiver l’intérêt de ces minéraux. Jusqu’alors, les cavaliers s’appuyaient essentiellement sur la rapidité de la peau à reprendre sa place après avoir été pliée et soulevée avec deux doigts… “L’objectif était de développer des moyens de prévention des problèmes“, affirme-t-elle. Leurs recherches ont abouti à la création du premier complément électrolytique testé dans une université. À l’aide d’un tapis de course, les deux associés ont notamment pu éprouver les performances des chevaux avec et sans ce complément : en moyenne, ceux qui l’avaient ingéré une heure avant l’effort pouvaient trotter 27% plus longtemps que les autres.
Au fil des ans, Equine Guelph, qui célèbre son quinzième anniversaire en 2018, a accueilli des étudiants issus de plus de trente-cinq pays. Outre ces questions physiologiques, le centre a bâti sa réputation internationale sur des projets de recherche et d’éducation en matière de bienêtre, financés par l’industrie équine. “Il était nécessaire de travailler ensemble pour financer la recherche sur les chevaux et mieux diffuser l’information aux cavaliers, grooms, entraîneurs, palefreniers et autres professionnels du secteur équin“, explique Gayle Ecker. “Je suis persuadée que l’éducation et la formation peuvent grandement changer notre culture et qu’une meilleure connaissance peut aider à prévenir de nombreux problèmes de bien-être.“ Ainsi, son équipe propose des cours en ligne consacrés à la biosécurité, tout en assurant la formation de professionnels au contrôle régulier du bien-être équin ou encore celle des pompiers au sauvetage d’urgence des grands animaux.
En 2015, l’experte canadienne a été récompensée du prestigieux Equine Industry Vision Award, décerné par American Horse Publications, pour son innovation et son engagement dans le monde équestre. Pour autant, Gayle Ecker n’est pas décidée à se reposer sur ses lauriers : “Nos exigences sportives continuant d’évoluer, nous devons poursuivre nos recherches et diffuser davantage nos connaissances à tous les propriétaires de chevaux“, conclut-elle. “Nous avons encore tant à apprendre !“
Cet article est paru dans le hors-série du magazine GRANDPRIX n°118 pendant l'été 2018.