À quoi ressemblera l’écurie de sport de demain?

En quelques décennies, le rapport aux chevaux a changé. Autrefois utilisés comme bête de somme, de travail ou de guerre, ils sont aujourd’hui des partenaires de loisir et de sport. Moyen d’hébergement qui répondait jadis au besoin d’accéder rapidement et facilement à sa monture, le box bénéficie toujours aux cavaliers d’aujourd’hui, l’équitation demeurant une activité chronophage. Toutefois, cette réalité confrontée aux connaissances acquises en matière de santé et de bien-être animal donne toutes les clés nécessaires pour tendre vers une pratique plus en phase avec des principes éthiques. Voici quelques éléments pour définir ce que pourraient être une écurie de demain.



Respectueuse du bien-être d’abord

S’il est bien un principe que l’écurie de demain devra s’employer à suivre, c’est celui de trouver le juste milieu entre les besoins fondamentaux du cheval et son utilisation par l’homme. “On sait aujourd’hui que l’intégrité physique et mentale du cheval dépend du fait qu’il ait la possibilité de se déplacer, d’être en contact avec des congénères et manger en petites portions tout au long de la journée”, rappelle Ariane Lefebvre, architecte spécialisée dans les structures équestres au cabinet Horse Stop. La jeune femme met en lumière le paradoxe qui touche le traitement des chevaux en fonction de leur valeur dans la plupart des écuries traditionnelles, et selon lequel plus les chevaux ont de valeur symbolique et économique, plus leur espace de vie est restreint. “Les différents logements sont généralement associés aux statuts des chevaux qui y habitent: les chevaux de propriétaires ou de clubs sont généralement hébergés dans un box individuel et sont sortis dans un paddock individuel ou double, au mieux une fois par jour. Ce sont les hébergements jugés comme les plus luxueux. Les poneys de clubs, quant à eux, vivent en stabulation libre ou au pré toute l’année. Ainsi, plus les chevaux ont de la valeur, plus leur logement est réduit et plus ils sont isolés de leurs congénères”, poursuit-elle. 

Pour tenter d’estomper ce qu’Ariane Lefebvre qualifie de “ségrégation spatiale et architecturale”, l’écurie du futur devra repenser l’espace de manière à encourager les déplacements et réintroduire la vie en troupeau. Certains s’y emploient déjà, à l’instar de Francis Clément, cofondateur de Toubin & Clément, spécialiste des sols équestres, mais aussi excellent cavalier de concours complet et propriétaire de l’écurie des Longchamps, dans les Yvelines. Celle-ci a été construite en forme de U, de manière à disposer de paddocks en sable et en herbe en prolongation de chaque box, auxquels les chevaux peuvent accéder à volonté quelles que soit la saison. “J’ai imaginé cette configuration pour des raisons économiques de réduction du personnel qui permettait aux chevaux d’aller au paddock, mais également pour des raisons de sécurité. En effet, lorsque des chevaux qui vivent au box sont sortis au paddock, ils ont tendance à exploser d’énergie alors que leurs muscles sont encore froids, ce qui provoque des accidents. Cela peut également mettre en danger les personnes qui s’en occupent, surtout lorsqu’il y a plusieurs chevaux. Par la suite, nous nous sommes aperçus des bienfaits de ce système sur la santé physique et mentale de nos chevaux. Chez nous, les bandes de repos n’existent pas! Depuis que nos chevaux peuvent sortir marcher autant qu’ils le veulent, leur membres sont toujours secs le matin. Le fait qu’ils aient eu la possibilité de bouger continuellement se ressent également en selle”, explique le cavalier, pour qui ce système de sortie à volonté permet également aux chevaux de renouer avec leurs comportements primaires et leur instinct grégaire. “À l’état naturel, les chevaux sont des proie. Lorsque quelque chose les inquiète, leur premier réflexe est de fuir. Je ne peux qu’imaginer ce que doit ressentir un cheval qui a peur quand il ne peut pas s’enfuir. Dans mes écuries, lorsqu’un cheval est surpris par un bruit et sort au galop, tous les autres suivent. C’est le comportement qu’ils auraient en liberté.” 

Si, comme le faisait remarquer Ariane Lefebvre, les chevaux de sport et de haut niveau ont parfois tendance à être surprotégés et confinés dans de petits espaces, Francis Clément est convaincu de la compatibilité sport et la vie en extérieur, au même titre de Raphaël Goehrs, Gwendolen Fer, Marie-Charlotte Fuss, Arnaud Boiteau et bien d’autres grands cavaliers, mais surtout des conséquences négatives que peut avoir la vie au box sur le physique de l’athlète. “L’accident est par définition inévitable, au box comme en liberté. Le fait d’être au box vingt-trois heures sur vingt-quatre créé inévitablement des pathologies, qu’elles soient digestives ou biomécaniques”, argumente-t-il.



Écologique et économique?

En outre, il serait insensé d’envisager l’évolution des structures équestres dans un avenir proche sans soulever les enjeux écologiques qui y sont liés. En effet, il est primordial que l’écurie de demain s’articule autour d’une logique environnementale responsable et durable, ce qui passe inévitablement par la parfaite intégration du cheval dans son environnement. S’il peut être nécessaire de repenser l’espace et la structure en elle-même dans le cadre de nouvelles constructions, transformer des installations existantes peut également être une option. L’extension ou la création de nouvelles ouvertures peuvent permettre d’économiser des moyens et ressources tout en limitant l’impact écologique que pourraient avoir de gros travaux. La stabilisation des sols, la favorisation des filières locales pour les matériaux de construction, les aliments et le fourrage, ainsi que la rentabilisation des énergies vertes, notamment à travers la valorisation du fumier, sont d’autres éléments pouvant être envisagés comme des moyens de s’orienter vers un modèle d’hébergement équestre plus responsable.

Maquette d’écurie active exposée chez Horse Stop.




Automatisée et numérisée?

Pour s’inscrire dans une logique de recherche du bien-être de ses pensionnaires, l’écurie de demain devra s’employer à placer le cheval au centre de son agencement. De cette manière, elle ne sera plus conçue pour le cavalier mais pour les chevaux qui y vivent, ce qui implique de décentraliser les espaces de travail au profit du lieu de vie. Dans un souci de gain de temps et de réduction des tâches d’entretien chronophages et répétitives au profit du temps passé au contact de l’animal, la place de l’humain au sein de l’écurie pourra également être repensée, notamment à travers l’automatisation du nourrissage et de l’entretien de l’habitat. Par l’automatisation, l’homme perd son caractère indispensable au sein du lieu de vie du cheval et profite d’un précieux gain de temps et d’énergie, lui permettant de se consacrer entièrement à sa passion et à son sport.

Certaines écuries dites actives tentent déjà d’intégrer ce concept à leur fonctionnement grâce à des automates situés dans des endroits stratégiques du lieu de vie des équidés qui, équipés d’un collier électronique, déclenchent, ou non, un apport en nourriture lors de leur passage à proximité, leur permettant ainsi de bénéficier de rations personnalisées et savamment fractionnées tout au long de la journée. “Certaines personnes ont beaucoup de mal à envisager l’automatisation à cause de préjugés autour de la machine, généralement associée à l’élevage intensif dans lequel la bête ne représente qu’un élément dans la masse. C’est différent pour les chevaux car l’automatisation permet de répondre aux besoins de chacun d’entre eux. De plus, eux n’ont pas conscience de la machine. Il ne s’agit à leurs yeux que d’un objet ou d’un lieu où il y a parfois de la nourriture, et parfois non, comme dans la nature. On entend souvent dire qu’il est important de nourrir les chevaux à la main pour créer du lien avec eux, mais le cheval qui s’excite à la vue de la brouette de granulés ne le fait pas par affection pour le palefrenier. Dans un environnement où le cheval ne dépend pas de l’homme pour se nourrir, le lien peut se créer sur des bases saines”, précise Ariane Lefebvre. 

En outre, cette manière de nourrir les chevaux favoriserait leur digestion, réduisant ainsi les risques d’ulcères et permettrait aux dominés d’échapper à la pression des dominants lors du nourrissage, garantissant ainsi un apport journalier en nourriture adapté à chaque cheval, le tout sans intervention humaine. Un moyen de rendre l’écurie plus “cheval”.