Bryan Balsiger, la relève assurée (Partie 2)
À seulement vingt-trois printemps, Bryan Balsiger fait déjà partie des plus grands de sa discipline. Symbole de la réussite suisse à faire émerger de jeunes talents au plus haut niveau, le discret, authentique et talentueux Neuchâtelois s’est déjà constitué un beau palmarès, qu’il pourrait même agrémenter d’une sélection pour les Jeux olympiques de Tokyo l’an prochain. Portrait d’un champion en devenir au lendemain de sa victoire lors du Grand Prix CWD 2* du Fontainebleau Classic Summer Tour. La première partie de cet entretien est parue hier.
Un début d’année 2018 en demi-teinte avant un retour en grande pompe
L’année 2018 aurait pu démarrer sous de meilleurs auspices. En effet, Clouzot tombe légèrement malade, avant que Bryan lui- même ne se blesse, le contraignant à une pause de plusieurs semaines. Après une reprise au mois d’avril, le jeune pilote alterne entre CSIO Jeunes et CSIO 5*, disputant ceux de Rome et Saint-Gall. Mi-juin, toujours associé à Clouzot de Lassus, Bryan dispute son premier championnat de Suisse Élite. À seulement vingt et un ans, et face à tous les plus grands piliers nationaux, Bryan est absolument grandiose ! Enchaînant les parcours parfaits sans sourciller, le jeune homme s’adjuge la médaille d’or, le deuxième titre de sa carrière. En toute logique, il est sélectionné le mois suivant pour les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers de Fontainebleau, organisés par les équipes de GRANDPRIX Events, cette fois- ci aux rênes de Jenkins Ter Doorn (BWP, Numero Uno x Sir Lui), confié par Olivier de Coulon qui l’a acquis aux écuries Stephex. Sur la mythique piste du Grand Parquet, le Neuchâtelois déroule un championnat moyen et termine quarante-troisième en individuel. Il achève toutefois sa saison extérieure en beauté en décrochant le beau Grand Prix du CSI3* de Verbier, puis une sélection pour la finale de la Coupe des nations de Barcelone. Si la Suisse y finit huitième, Bryan et Clouzot signent le meilleur résultat de l’équipe aux côtés de Steve Guerdat, Barbara Schnieper et Arthur Gus- tavo Da Silva. “Mes années dans les catégories Jeunes m’ont vraiment formé”, loue le jeune homme, qui amorce son entrée définitive dans la cour des grands. “Nous avons la chance de compter sur des entraîneurs de qualité, qui nous suivent depuis le début. Ces circuits m’ont permis de gagner en expérience, d’affronter la concurrence et de goûter à cette sensation d’équipe.” Michel Sorg, qui succèdera en fin d’année à Andy Kistler au poste de sélectionneur de l’équipe de Suisse, confirme. “Ces circuits sont très formateurs. Au-delà même de la qualité des coachs, nous avons un système spécifique, notamment au niveau des concours, afin de permettre une traversée du pont plus facile entre les Jeunes Cavaliers et les Seniors. Quant à Bryan, dont j’ai été témoin de toute l’évolution depuis le début, nous voyions tous qu’il était spécial. Il avait naturellement ce feeling et ce petit truc en plus, que certains doivent travailler pendant des années.”
“Je pense que la réussite de Bryan est en grande partie liée à la qualité des instructeurs que nous avons encore en Suisse”, explique à son tour Steve Guerdat. “Même s’ils sont malheureusement de moins en moins nombreux, nous comptons encore de vrais professeurs, issus de la veille école et des racines de l’équitation, comme Thomas Balsiger (le père de Bryan, ndlr). Ils inculquent des bases solides et une certaine rigueur aux cavaliers, ce qui est très important pour une carrière à haut niveau. De plus en plus, les coachs font simplement plaisir aux élèves, aux parents et aux sponsors en leur disant constamment que tout est magnifique et réussi. Pour ne pas perdre des clients, certains deviennent trop gentils, ne disent pas un mot plus haut que l’autre et caressent sans arrêt dans le sens du poil. Dans une carrière sportive, un athlète de haut niveau est inéluctablement amené à traverser des hauts et des bas, et pour les surmonter, un cavalier doit avoir appris à s’endurcir et avoir un bon mental. Sinon, on peut avoir envie d’abandonner plus vite. Et Bryan en est le meilleur exemple, car il a appris la rigueur, la justesse et à être un vrai homme de cheval.”
L’explosion au plus haut niveau
Il est une chose d’évoluer parmi les plus grands, il en est une autre de pouvoir rivaliser avec eux. En 2019, Bryan fait incontestablement partie des cavaliers dont il faut se méfier en piste, ce qui se symbolise par son entrée dans le top 100 du classement mondial. Il entame la saison extérieure par une victoire dans la Coupe des nations du CSIO5* de La Baule, aux côtés de Paul Estermann, Steve Guerdat et Niklaus Rutschi. En conférence de presse, ce dernier, qui courrait son premier CSIO de France à cinquante-trois ans, s’était d’ailleurs amusé de se retrouver sur le podium aux côtés d’un gamin de vingt-deux ans! Quinze jours plus tard, toujours aux rênes de Clouzot, il effleure la victoire dans le Grand Prix du CSIO5* de Saint- Gall, bouclant un tour parfait puis un barrage pénalisé de cinq points. Bryan doit attendre le CSI 5*-W d’Oslo, en octobre, pour atteindre le Graal. Face à une ribambelle de cracks, le Neuchâtelois, deuxième sur onze à partir au barrage, ajoute la première étape de Coupe du monde à son tableau de chasse, signant le meilleur double sans-faute de l’épreuve. “Je savais qu’il y avait des cavaliers très rapides derrière moi, donc je devais prendre des risques et je suis très heureux que cela ait marché !”, avait déclaré le lauréat en sortie de piste. “Cette victoire est la plus belle de notre carrière. Je dois dire que j’ai encore du mal à réaliser, car il s’agissait certes d’un objectif, mais aussi d’un rêve. Je suis très content du résultat, mais aussi de la manière dont mon cheval a sauté.” En parallèle de cette excellente dynamique, Bryan accueille également une nouvelle monture dans ses écuries, Twentytwo des Biches (SF, Mylord Carthago x Kalor du Bocage), montée jusqu’ici par Romain Duguet. Confiée par Christiana Duguet, cette Selle Français arrive à point nommé pour enrichir le piquet de chevaux du Suisse.
“J’ai mis du temps à décider à qui je confierai Twentytwo”, raconte la propriétaire, qui s’entraîne depuis avec Thomas Balsiger. “J’ai reçu pas mal de demandes, mais je voulais prendre le temps de trouver la bonne personne. Je triais au fur et à mesure: Steve (Guerdat, ndlr) et Martin (Fuchs, ndlr) étaient déjà bien fournis, et Janika (Sprunger, ndlr) allait déménager à l’étranger, et je souhaitais que ma jument reste proche de chez moi. Un jour, j’ai pensé à Bryan et cela m’a semblé le choix le plus logique. C’est un cavalier talentueux, un garçon très sympathique, et il était en pleine ascension. J’avais aussi envie de donner un coup de pouce à un jeune cavalier et l’aider à pouvoir évoluer régulièrement au plus haut niveau. Twentytwo a de l’expérience et beaucoup de qualités, donc elle saura le faire progresser. Mon choix reflète assez bien la personnalité des Suisses, qui sont très patriotes et veulent aider leur pays.” Au-delà de ses performances sportives, Bryan attire aussi la sympathie des gens qui l’entourent. “C’est un garçon avec de belles valeurs, qui lui viennent sûrement de sa famille”, évoque Michel Sorg. “Vous allez avoir du mal à trouver quelqu’un qui dit du mal de lui! (Rires) Malgré ce très rapide succès pour son âge, il garde les pieds sur terre. Il ne triche pas. La marque des grands champions est de rester eux-mêmes.” “C’est un gars de campagne, donc il ne parle pas beaucoup”, rigole Andy Kistler. “Mais quand il parle, c’est pour dire quelque chose d’intelligent ! Il est honnête et a une vision claire de sa profession et de son milieu. Je pense qu’il a aussi gagné en assurance depuis l’an dernier.”
Malheureusement, à la suite de la crise liée à la pandémie de Covid-19, les plans de Bryan ont été quelque peu chamboulés. Les derniers mois, qu’il a passés dans les écuries familiales gérées par son frère Ken, ont été placés sous le signe du travail au long cours, comme la majorité des cavaliers. À seulement vingt-trois ans, le jeune Suisse est déjà en lice pour une sélection aux Jeux olympiques de Tokyo, reportés à l’été prochain. Si les places de Steve Guerdat et Martin Fuchs semblent inévitables, le fils Balsiger pourrait bien être le troisième homme pour le voyage au Japon. “Je pense que le report des JO peut être un vrai avantage pour lui et lui laisser davantage de temps”, confie Andy Kistler. “D’ailleurs, l’annulation de la finale de la Coupe du monde de Las Vegas a été dommageable pour lui, qui s’était qualifié, car il aurait pu prendre ses marques avant Tokyo. Pour être un champion, il faut de la personnalité, du mental et un bon état d’esprit. Dans le sport, c’est la tête qui décide. Pour l’instant, Bryan a l’air bien parti, et j’ai hâte de suivre son évolution.”
Cet entretien est paru dans le magazine GRANDPRIX n°118 de juillet/août 2020.