Peder Fredricson, le triomphe de la discrétion
Le 19 août 2016, Peder Fredricson a achevé ses Jeux olympiques de Rio de Janeiro avec une médaille d’argent individuelle autour du cou. Au terme d’une semaine parfaite avec l’exceptionnel H&MAll In de Vinck, seul cheval à n’avoir renversé aucune barre du championnat, le Suédois avait créé la surprise au stade équestre de Deodoro. Ce quadragénaire, caractérisé par une grande discrétion et une simplicité toute suédoise, est revenu sur les images marquantes de sa vie.
Si certains ont été surpris de voir Peder Fredricson monter sur le podium des Jeux olympiques de Rio en 2016 aux côtés de Nick Skelton et d’Éric Lamaze, le Suédois revêtait pourtant la veste nationale dans les grands événements depuis bien longtemps. Né dans une famille d’amateurs de chevaux, fils d’un vétérinaire, le Scandinave est très rapidement monté en selle, tout comme son frère aîné, Jens, également cavalier de haut niveau ayant notamment brillé durant de nombreuses années avec le célèbre Lunatic (SWB, Landlord x Utrillo). “J’ai grandi avec mon frère à la campagne et il n’y avait rien d’autre à faire que de monter à cheval, étant donné que nous étions souvent seuls. Nous avions quelques chevaux à la maison et avons commencé à monter par nos propres moyens. Pendant les dix premières années, nous n’avions pas de moniteur, pas vraiment d’installations, rien. Quand j’ai eu dix ans, notre père a obtenu un poste et nous avons déménagé. À partir de là, nous avons pu nous faire des connaissances, et il y avait beaucoup de bons cavaliers. Il y avait le dresseur phare du pays, Peter Eriksson en saut d’obstacles, et Jan Jönsson en concours complet. Ils étaient tous des cavaliers olympiques et étaient très connus. À dix ans, pouvoir emménager dans cette ville à côté de chez eux était fantastique! Je n’ai jamais vraiment décidé d’être cavalier professionnel, j’ai juste grandi dans le sport, et j’ai toujours aimé en faire. En réalité, je ne l’ai toujours pas décidé!”
Avant de s’illustrer en saut d’obstacles, Peder a d’abord monté en concours complet. C’est d’ailleurs dans cette discipline qu’il a participé à ses premiers Jeux olympiques, en 1992 à Barcelone, après une formation de longue haleine avec le légendaire Mark Todd, son mentor. Le hasard le conduit finalement à s’orienter vers le jumping, qui lui fera vivre deux championnats du monde, un championnat d’Europe et les Jeux olympiques d’Athènes. Cet été au Brésil, Peder Fredricson a bel et bien confirmé son statut de pilier de l’équipe de Suède en décrochant, avec maestria, la médaille d’argent en individuel aux rênes de H&M All In de Vinck (sBs, Kashmir van’t Schuttershof x Andiamo), aussi discret et talentueux que son pilote. Pendant toute la semaine, le duo a été le seul à ne faire tomber aucune barre, n’écopant que d’un petit point de temps lors de la seconde manche de la finale par équipes. Au bout du suspense, une demi-seconde lors du barrage de la finale individuelle lui a coûté le métal doré, cédé à Nick Skelton et Big Star (KWPN, Quick Star x Nimmerdor).
À DROITE...
“Cette photo est incroyable! Hilly Trip (OI, Hills Double x High Flown), ma jument olympique, appartenait à des amis de la famille. Elle était normalement destinée aux courses, mais n’était pas assez rapide pour gagner, et ses propriétaires ne parvenaient pas non plus à la féconder. Ils ne savaient plus quoi en faire. Du coup, ils nous l’ont proposée et nous l’avons achetée à quatre ans. C’était une jument fantastique, assez petite et très attachante. À Barcelone, le test de dressage s’est très mal passé, ce qui était tout à fait inhabituel parce qu’elle se déplaçait très bien. Le problème, c’est que le rectangle olympique était au milieu d’une piste de galop. Entre les drapeaux, le bruit et le public, elle s’est crue de retour aux courses! Elle était vraiment excitée… et nous avons terminé derniers du dressage… Après cela, nous avons signé un sans-faute au cross et à l’hippique, si bien que nous sommes finalement remontés à la quatorzième place!
Avoir débuté en complet est une particularité dans notre sport. Cependant, il n’y a pas tant de différences que cela par rapport au saut d’obstacles, si ce n’est qu’il faut pratiquer beaucoup de dressage, ce que je n’aimais pas tellement! (rires) En revanche, j’adorais le cross! Les chevaux de cette discipline sont très agréables à monter. Ils sont très intelligents! En plus, vous devez les garder très en forme et polyvalents pour qu’ils soient capables de briller au cross, au saut d’obstacles et au dressage. J’aime cette discipline pour cette complémentarité. J’adorais reconnaître les parcours de cross, qui se disputent toujours dans de très beaux endroits. Chaque parcours est complètement différent des autres. À Badminton ou Burghley, l’atmosphère est tellement impressionnante! Je suis encore un peu les résultats de complet. En réalité, j’ai changé de discipline parce que j’ai obtenu le soutien de H&M (Hennes&Mauritz, le géant mondial du prêt-à-porter, a été fondé en Suède, ndlr). Ils sponsorisaient déjà Malin (Baryard-Johnsson, ndlr) et cherchaient un nouvel ambassadeur, un homme. Ils voulaient vraiment que ce soit un cavalier de saut d’obstacles, donc j’ai décidé de changer! Le concours complet me manque parfois, mais pas si souvent, parce que je suis très heureux de ce que je fais maintenant. Je préfère admirer de grands cavaliers comme Mark Todd, William Fox-Pitt ou Michael Jung.”
EN BAS...
”Mark est une légende, un peu comme Georges Morris ou quelques autres. C’est un véritable homme de cheval. J’ai travaillé pour lui pendant un peu plus de deux ans. J’ai vécu d’excellents moments chez lui et j’y ai beaucoup appris. J’ai été très marqué par sa manière très naturelle d’entraîner et de monter ses chevaux. Il a développé une approche simple et juste que j’aime beaucoup. De plus, c’est un homme humainement très gentil! D’une certaine manière, je pense que c’est un peu mon mentor. C’est vrai que j’ai beaucoup tiré de lui dans ma façon de monter. J’ai travaillé avec beaucoup d’autres personnes durant ma carrière, notamment l’Allemand Franke Sloothaak. Là-bas, c’était complètement différent, mais c’était une bonne expérience aussi.”
À DROITE...
“Cette semaine olympique avait été phénoménale! Les terrains étaient encore en herbe à cette époque! Je n’évoluais en saut d’obstacles que depuis un ou deux ans. Tout est allé vraiment très vite jusqu’à ces Jeux, et je manquais vraiment d’expérience. Je montais Magic Bengtsson, un cheval pas très rapide, mais qui avait beaucoup de moyens. Nous avions un état d’esprit génial. Nous avons passé de très bons moments ensemble! Cette équipe d’Athènes ressemblait beaucoup à celle des JO de Rio (cette année, Henrik von Eckermann a assuré la relève de Peter Eriksson, retiré du haut niveau depuis les JO de Hong Kong en 2008, ndlr). Les cavaliers d’aujourd’hui étaient déjà là. Désormais, Peter Eriksson m’entraîne. Il m’aide beaucoup et monte très souvent All In à la maison. Nous évoluons ensemble et échangeons sur notre travail et sur le sport. L’équipe de Suède est très soudée. Nous sommes tous très amis. C’est essentiel pour toutes les nations, et peut-être plus encore pour une équipe comme la nôtre. Cependant, pour atteindre le niveau de l’Allemagne ou de la France, nous avons besoin de davantage de bons chevaux. Nous devons redoubler d’efforts pour en trouver. Aujourd’hui, nous n’avons presque tous qu’un seul très bon cheval dans nos écuries. Collectivement, il nous en faudrait au moins trois ou quatre de plus pour pouvoir être sur tous les fronts. C’est un problème que devront résoudre les futures générations du saut d’obstacles suédois. Cela demande beaucoup d’efforts et de persévérance. Il faut trouver le temps d’appeler des gens, d’aller voir des chevaux, de les essayer… Désormais, Henk Nooren ne fait plus partie de notre staff. C’est un entraîneur fantastique qui a occupé une grande place dans notre système pendant longtemps. Nous avons toujours été bien encadrés. Actuellement, tout est en train de changer (en conflit avec la Fédération suédoise, Sylve Söderstrand a quitté son poste de sélectionneur cet été, ndlr), donc j’espère que le futur nous réserve de bonnes surprises! Le challenge de notre nouveau sélectionneur sera de maintenir le niveau que nous avons réussi à atteindre ces dix dernières années.“
EN BAS...
“Je peins depuis tout petit. Je suis également designer graphique. Je peignais régulièrement jusqu’à l’an passé. En réalité, j’ai arrêté depuis qu’All In évolue à haut niveau, car je voulais me concentrer sur la préparation olympique. Je vendais mes œuvres et les présentais dans des expositions. C’est un peu comme si mon cerveau était scindé en deux! Je trouve qu’avoir cette deuxième activité est vraiment bénéfique. Cela rend plus sain, plus équilibré. En tout cas, je me sens beaucoup mieux quand je peins. Cela me relaxe énormément. Le seul problème est que vouloir concourir à haut niveau constamment demande énormément de temps, d’autant plus que j’ai trois enfants et une femme. Il est parfois difficile de tout concilier, mais, bien sûr, je n’arrêterai pas!”
Cet article est paru dans le magazine GRANDPRIX international n°96.