Les clés de la réussite selon Rob Ehrens

Il y a six ans jour pour jour, l'équipe des Pays-Bas était sacrée championne du monde aux Jeux équestres mondiaux de Normandie. À la tête du saut d’obstacles néerlandais depuis fin 2004, Rob Ehrens, qui détient de loin le record de longévité au poste de chef d’équipe, n'y était évidemment pas pour rien. Ayant depuis accumulé douze médailles en grands championnats, dont six en or, ainsi que deux victoires en finale mondiale des Coupes des nations Longines, le sexagénaire livre ici quelques-uns des secrets de son succès.



© Scoopdyga

“Même si j’ai beaucoup d’incroyables souvenirs, le premier qui me vient à chaque fois à l’esprit est notre médaille d’or aux Jeux équestres mondiaux d’Aix-la-Chapelle en 2006”, se remémore Rob Ehrens. “C’était historique et extraordinaire, car les Pays-Bas remportaient pour la première fois cette médaille dans ces championnats!” Le jeudi 31 août 2006, deux ans seulement après sa prise de fonction en tant que sélectionneur national de l’équipe néerlandaise, Rob Ehrens inscrit déjà son nom dans l’histoire des sports équestres. Le nouveau technicien, qui avait pris sa retraite sportive en 2001 au CSIO5* d’Hickstead - là-même où il avait d’ailleurs fait ses premiers pas au plus haut niveau vingt et un ans plus tôt -, semble déjà fait pour embrasser ce sacerdoce. Pourtant, rien n’était joué d’avance. 

Fin 2004, après des Jeux olympiques d’Athènes en demi-teinte, son prédécesseur Bert Romp annonce son départ de la Fédération néerlandaise (KNHS). Les regards se tournent alors vers Rob Ehrens, en charge des Juniors et des Jeunes Cavaliers depuis deux ans. Contre toute attente, celui-ci décline finalement la promotion. “J’ai refusé parce que je ne m’en sentais pas capable. Je n’étais pas encore prêt”, explique le sexagénaire, “d’autant plus que cela n’avait jamais été une ambition ou un objectif de ma part. J’aimais beaucoup travailler avec les jeunes!” Le KNHS tardant à trouver chaussure à son pied, Rob Ehrens accepte néanmoins d’assurer l’intérim. “Et cette période d’essai ne s’est jamais arrêtée!”, plaisante-t-il. 

Après quatorze années de fidélité au poste, le Néerlandais ne semble pas ressentir la moindre lassitude, et encore moins la tentation de partir vers d’autres horizons géographiques… “Je suis très loyal envers mon pays”, assure Rob Ehrens. “J’aime les Pays-Bas. Honnêtement, malgré tout ce temps, je n’ai pas été blasé une seule minute. Mon métier me passionne toujours autant et j’ai encore envie de donner le meilleur de moi-même. Même si cela demande beaucoup d’efforts, que je suis constamment en concours, que je dois suivre les compétitions et les résultats tous les week-ends, j’adore toujours autant mon métier! J’aime la tension qu’il engendre, le fait de vivre sur le fil du rasoir. Le jour où je me sentirai fatigué, j’arrêterai.”



La communication comme clé de voûte

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Un chef d’équipe est un manager. Si son rôle le plus perceptible consiste à établir des sélections et accompagner ses troupes sur le terrain, il est aussi le chef d’orchestre et le coordinateur d’une multitude de caractères. “Je pense que la communication est la chose la plus importante dans ce métier”, confirme l’Oranje. “C’est central! Ne pas savoir communiquer à ce poste doit être très difficile.” D’ailleurs, avant et après quasiment chaque Coupe des nations de Division1 du circuit FEI Longines, l’intéressé glisse toujours quelques mots dans le communiqué de presse du KNHS. “L’un de nos rôles est de faire des choix de sélection pour les championnats et tous les autres concours. Dès que vous arrêtez une sélection, vous devez vous préparer à répondre à ceux qui n’ont pas été retenus. Et, surtout, leur donner une réponse vraie et juste! Tout le monde le mérite, même si ce n’est pas toujours facile”, commente-t-il. Une qualité qui impose une honnêteté et une justesse à toute épreuve. 

Insuffler un véritable esprit d’équipe 

Les Néerlandais, à l’image d’une famille, sont constamment regroupés. Qu’il s’agisse de championnats, de CSIO ou de CSI, ils échangent, effectuent la reconnaissance et mangent ensemble, et ce d’autant plus depuis l’arrivée de Rob Ehrens. “Ce n’est pas quelque chose dont vous héritez, cela demande beaucoup d’efforts et n’est pas si facile!”, explique-t-il. “Il faut arriver à ce que tout le monde approuve cette cohésion, et prenne le petit-déjeuner ou le dîner ensemble, par exemple. Nous n’effectuons pas d’activités en dehors des concours, c’est donc devenu naturel. Nous n’avons même pas de camp de regroupement ou de choses de ce genre avant un championnat. L’esprit d’équipe s’acquiert sur le long terme. On ne peut pas l’inventer en une semaine avant une échéance. Évidemment, ce n’est que mon avis, et chaque coach a ses propres façons de travailler. Je pense que l’une des difficultés d’un chef d’équipe est de parvenir à transformer des cavaliers individuels en véritables équipiers à certaines périodes de l’année.”



Faire de sa discipline son quotidien

Comme tout bon professionnel, le sélectionneur doit connaître sa discipline sur le bout des doigts et dans les moindres recoins. “Vous devez avoir l’expérience des parcours. Quand j’effectue une reconnaissance, je dois savoir quoi dire à mes cavaliers et identifier les difficultés de tel ou tel enchaînement”, affirme le jeune sexagénaire. Pas de doute, ce dernier dispose bien des connaissances requises. Ancien cavalier de renom, à l’instar d’autres sélectionneurs tels que le Suisse Philippe Guerdat, l’Allemand Otto Becker et le Brésilien Rodrigo Pessoa il y a encore quelques mois, l’intéressé présente un honorable palmarès. Vainqueur d’une trentaine de Grands Prix internationaux, comme ceux de Calgary et Bois-le-Duc, il comptabilise quatre participations à la finale de la Coupe du monde, deux aux Jeux olympiques et cinq aux championnats d’Europe avec, à la clé, une médaille de bronze décrochée en 1981 à Munich avec Koh-I-Noor. “Un chef d’équipe doit être impliqué et avoir accumulé des connaissances profondes du sport. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il faut nécessairement avoir été bon cavalier soi-même”, précise-t-il. “C’est primordial pour moi parce que je suis également l’entraîneur de l’équipe, mais ce n’est pas le cas de tous mes confrères.” 

Garder la tête froide 

“La plus grande difficulté n’est pas tant de prendre des décisions que de devoir les assumer”, a déclaré le publicitaire français Serge Uzzan. Rob Ehrens le sait mieux que personne, qu’il s’agisse des championnats comme des concours hebdomadaires. “Quand vous devez sélectionner vingt cavaliers alors qu’il y en a quarante à la porte, c’est difficile. Cela me tracasse toujours autant, mais j’essaie constamment de faire de mon mieux. Le jour où je sentirai que je prends des décisions sans réfléchir, j’arrêterai”, assure-t-il. Évidemment, un chef d’équipe se doit aussi et surtout d’être impartial. Que l’on soit propriétaire, entraîneur, groom, observateur, ou simple passionné, chacun a ses préférences. Le tout est de rester neutre et de laisser de côté ses sentiments personnels. “C’était difficile, surtout au début. Lorsque je devais sélectionner des Jeunes Cavaliers jusqu’aux Seniors, c’était compliqué puisqu’ils étaient tous mes collègues, j’avais commencé avec eux. Quand vous êtes entraîneur, c’est d’ailleurs encore plus dur, parce qu’être mon élève ne veut pas dire que vous serez automatiquement sélectionné! C’est heureusement devenu plus facile avec le temps, puisque je connais désormais tout le monde.” 

Rebondir après l’échec 

Si ce sport est si beau, c’est aussi parce qu’il comporte son lot de surprises, bonnes ou mauvaises. Bien que ce principe soit toujours plus fastidieux à entendre lorsque l’on est partie prenante, le tout est d’apprendre à se relever après la chute. “Il faut savoir aller de l’avant!”, résume simplement Rob Ehrens, qui se souvient encore de son pire souvenir: les Jeux équestres mondiaux de Lexington, en 2010. Les Pays-Bas avaient alors été recalés dès la première manche de l’épreuve par équipes, terminant quinzièmes. “Nous avions enchaîné les parcours à huit points et manqué la première occasion de nous qualifier pour les Jeux olympiques. Cela dit, même en ayant eu ce résultat décevant, je reste persuadé que nous présentions la meilleure équipe possible. Tout chef d’équipe connaît des défaites.” Deux ans plus tard, les Pays-Bas se sont parés de deux médailles d’argent aux Jeux olympiques de Londres! Les échecs sont d’autant plus compliqués à traverser qu’ils peuvent susciter de virulentes critiques de toutes parts, notamment sur les réseaux sociaux. “Je dois avouer que c’est très, très difficile pour moi”, confie le Néerlandais. “Il y a des moments où je dors très peu la nuit, surtout quand nous avons connu une défaite ou quand j’ai l’impression d’avoir pris une mauvaise décision. En concours, je passe outre, mais quand je reviens à la maison, c’est différent. J’y pense jusqu’à ce que la situation s’inverse. Parfois, je me dis que j’en ai assez, que ce sont toujours les mêmes critiques, les mêmes confrontations… Mais finalement, je pense que cela nous pousse à être meilleurs. Et je dois admettre que j’ai une chance infinie parce que ma fédération est géniale. Mes responsables, nos cavaliers et moi allons tous dans la même direction. C’est peut-être une question de culture, mais il faut arriver à la créer. En toute humilité, je pense que beaucoup de pays peuvent nous envier de ce côté-là.”

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