Jérôme Guéry, l'artiste réaliste (partie 1)
Doté d’un sens hors pair du commerce, Jérôme Guery a construit sa carrière en formant d’excellents chevaux qu’il a vendus un à un. Sa rencontre avec Papillon Z, en avril 2015, a amorcé un nouveau tournant dans sa vie. Depuis successivement accompagné de Grand Cru van de Rozenberg et du formidable Quel Homme de Hus, le Belge a franchi des nouveaux caps dans sa carrière. De sa femme à ses amis d’enfance, en passant par les entraîneurs nationaux des Diables Rouges, tous les siens sont unanimes: Jérôme est un artiste à la tête bien faite.
Sa chevelure dorée, son regard bleu transperçant et son sourire angélique ne cachent rien d’autre qu’une énorme détermination, doublée d’une franche joie de vivre. Voilà comment on peut décrire Jérôme Guery au premier abord. Encore assez méconnu du grand public il y a quelques années, Jérôme Guéry a gagné ses lettres de noblesse à force de travail, de persévérance et d’un système infiniment bien pensé. Si le Belge n’est pas issu d’une famille équestre, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, la passion des chevaux l’a habité dès sa première rencontre avec eux. Né le 24 juillet 1980 à Namur, capitale de la Wallonie, d’une mère professeur de langues et d’un père publiciste, le jeune homme découvre l’équitation au manège des Falizes, à Dinant, grâce à la jeune fille au pair qui s’occupe de lui. “Je l’accompagnais tous les mercredis lorsqu’elle allait monter. Assez vite, j’ai été passionné. Le jour de mes dix ans, j’ai demandé une leçon d’équitation à mes parents. J’y suis d’abord allé le mercredi, puis le samedi et les vacances et j’ai fini par planter ma tente dans les près!”, sourit-il.
À ses treize ans, sa mère, soutien indéfectible dans le lancement de sa jeune carrière, investit dans une ponette du nom d’Impala. Jérôme prend alors en charge le débourrage de sa nouvelle partenaire jusqu’à évoluer avec elle sur le circuit Poneys. Homme de cheval en herbe, l’adolescent a déjà compris que pour grimper les échelons, la vente est un passage obligé. Ainsi, celle d’Impala permet d’acheter trois jeunes chevaux avec l’objectif de les faire progresser en espérant trouver celui qui lui permettra de passer à la vitesse supérieure. Le jeune homme poursuit sa formation au manège de Carrières, géré par Constant Wathelet, le père de Gregory. Sur les conseils de ce dernier, les trois chevaux, manquant quelque peu de qualité, sont revendus, ce qui permet à Jérôme d’acquérir Esbrouffe, une alezane avec laquelle il s’illustre chez les Juniors. Déterminé, le jeune prodige monte également chez des éleveurs, le soir après l’école. C’est ainsi qu’il déniche Gauloise du Val Tibermont, une fille deCaprice de Sainte-Hermelle alors âgée de cinq ans, qu’il fait acheter à sa mère, chez Michel Raskin à Clavier. Après plusieurs années de formation, le couple représente la Belgique en Jeunes Cavaliers. Naturellement, le pilote vend sa baie afin de pouvoir acheter un certain Beverly... qui le hisse au niveau supérieur. Le cercle vertueux est bien lancé.
Ces aléas qui changent une vie
Après la séparation de ses parents, sa mère fait la rencontre de Jean-Pierre Thenet, cavalier national et international, qui confie de bons chevaux au jeune homme. “Cela m’a permis d’évoluer dans des concours importants et notamment de gagner les championnats de Belgique avec Granny du Grand Cortil, à dix-huit ans”, explique le Belge. Sa Rhétorique - équivalent belge de la Terminale - touchant à sa fin, celui qui n’imaginait pas sa vie loin des chevaux convainc tant bien que mal ses parents de lui laisser une année pour faire ses preuves. “En 2000, j’ai été engagé par le haras des Hayettes pour former des jeunes chevaux. J’ai eu la chance d’en monter d’exceptionnels à l’image de Mozart des Hayettes ou Hugo Gesmeray, par exemple.”
À cette période, le charmant blond fait la rencontre de Patricia, alors avocate au barreau de Bruxelles. Avant d’accepter sa demande en mariage, quelques années plus tard, la future Mme Guéry s’est laissé désirer. “La première fois que nous nous sommes rencontrés, je cherchais un cheval. Il m’en avait présenté plusieurs et voulait mon numéro de téléphone, mais j’ai refusé, car il était beaucoup plus jeune (de sept ans, ndlr) que moi! Ensuite, lors d’un concours, il m’a suivi durant toute une reconnaissance, et j’ai à nouveau refusé de lui donner mon numéro! Nous avons finalement engagé notre première conversation quatre mois plus tard, lors d’un autre concours”, se souvient Patricia, amusée.
Déterminé au travail, Jérôme l’est donc tout autant dans sa vie personnelle! Après six mois de relation, la jeune femme demande au barreau une suspension afin de vivre au plus près des chevaux. Cinq mois durant, elle évolue aux côtés de Jérôme au haras des Hayettes. Par un heureux concours de circonstances, en 2002, le jeune couple pose ses valises à Assesse, dans les écuries familiales de Jérôme où se trouve alors un poney-club. “Nous avons été débauchés par Eddy Sepul (dont les chevaux sont aujourd'hui connus sous l'affixe Edesa, son entreprise, ndlr), un cavalier belge de renom, qui cherchait un couple pour gérer ses écuries. Au moment de déménager, ce dernier a eu des soucis privés et dû changer ses plans. Le bec dans l’eau, nous nous sommes repliés vers les écuries de la mère de Jérôme où nous avons fait des travaux pour rendre les installations aussi professionnelles que possible”, détaille la dynamique brune. Outre des chevaux confiés par François Mathy, Jérôme accueille les protégés de l’élevage Hero de Luc Henry. Le début d’une longue et fructueuse relation de confiance avec celui que Jérôme qualifie désormais d’ami. Après quelque temps passé à Assesse, le couple s’installe chez la famille Brichart à Yvoir, où malgré de belles idées et quelques achats de chevaux, Jérôme ne trouve pas son compte sportivement. Sentant ralentir son ascension vers le haut niveau, le téméraire prend son envol, mais la vie lui joue un mauvais tour en le frappant d’un cancer dont il mettra un an à se remettre pleinement. Cette maladie a toutefois le don de révéler cet amour de la vie, cet optimisme et ce désir d’aller de l’avant qui le caractérisent si bien.
L’indépendance, début d’une aventure
En 2005, prêts à affronter de nouvelles aventures, Patricia et Jérôme décident de voler de leurs propres ailes en louant des boxes dans diverses écuries. “Le chemin a été long et dur, mais la passion était là. Être à deux nous a aidés: nous nous sommes soutenus”, argue l’homme. Indépendant dans l’âme, Jérôme décide de construire son propre système. “J’ai du mal à travailler sous les ordres de quelqu’un. J’aime suivre mes propres idées, même si je suis ouvert aux avis extérieurs.” Intelligent et talentueux, le Belge n’en garde pas moins les pieds sur terre. “J’ai assez vite compris que pour pouvoir vivre de ce sport, j’allais devoir vendre des chevaux, car seul le commerce rentabilise une écurie. Dès qu’un cheval commençait à performer dans le grand sport, il était vendu, et il fallait tout recommencer.”
Voilà comment sont nées les écuries Guéry, en 2007 à Sart-Dame-Avelines, entre Bruxelles et Charleroi dans le Brabant wallon. “Il y avait cinq hectares et un bâtiment pour les vaches. Nous avons d’abord tout installé pour les chevaux. Nous, nous faisions du camping. À chaque fois que nous vendions un cheval, nous investissions. Quand Jérôme revoit les photos du départ, il dit que nous avons été fous! Il avait un peu peur, mais comme moi je suis assez fonceuse, ç’a équilibré les choses!”, s’amuse Patricia, en charge de la gestion quotidienne des écuries, de l’intendance et des tâches administratives, mais aussi de leurs deux enfants - Mathieu et Clément - afin de permettre à son mari de se focaliser sur le sport et le commerce. “Finalement, elle travaille beaucoup plus que moi!”, sourit-il.
Grâce à l’entremise de Luc Henry, Jérôme se rapproche de l’écurie de Kalvarie, propriété de Charles Geens. Ce dernier lui permet d’inscrire son nom dans le grand sport grâce à Tokade de Kalvarie (BWP, Landetto x Fluger), mais surtout à Waldo (BWP, Darco x Saygon) avec lequel il dispute ses premières Coupes des nations, en 2009 à Gijón, en 2010 à Lisbonne, puis en 2011 à Falsterbo, en Division 1, sous la houlette de Philippe Guerdat. “Jérôme était déjà assez sûr de lui, très bon cavalier en piste, très facile à gérer et très agréable en équipe. C’est un formidable compétiteur qui ne doute de rien et qui monte toujours pour gagner. Il était tellement compétiteur et commerçant qu’il a parfois surclassé ses chevaux trop rapidement, mais avec l’expérience, il a appris à mieux gérer son écurie”, analyse le Jurassien. “Confié pour être commercialisé, Waldo est vraiment le cheval qui m’a lancé dans le grand sport. Avec lui, j’ai participé à mon premier grand CSIO, en 2011 à La Baule. C’est un souvenir inoubliable, d’autant que je montais notamment deux chevaux que j’avais entièrement formés: Ramiro de Belle Vue (sBs, Mozart des Hayettes x Capricieux des Six Censes) et Waldo. J’ai terminé troisième du Derby avec Ramiro et d’une qualificative avec Waldo. Je me suis élancé dans le Grand Prix avec le brassard du meilleur cavalier du concours. J’ai commis deux fautes dans le Grand Prix par manque d’expérience. Après La Baule, j’ai été sélectionné à Saint-Gall et Falsterbo. En 2012, Waldo a été vendu à Stephanie Brugman, une jeune Néerlandaise“, se rappelle le Wallon. Suivant son perpétuel cycle vertueux, l’artiste Guery se met en quête de nouveaux pinceaux pour peindre son nouveau tableau.
La suite de ce portrait, paru dans le magazine GRANDPRIX International en 2015, sera publiée demain.