“Nous avons envie de faire revenir le cheval dans un milieu plus rural, traditionnel et historique”, Christophe Ameeuw
Fin octobre, EEM et son fondateur Christophe Ameeuw ont annoncé la reprise du prestigieux concours de Chantilly, qui a mis fin à sa collaboration avec le Longines Global Champions Tour en fin d'année dernière, après en avoir été une étape depuis 2010. Tournant la page des Longines Masters et de l'événementiel indoor, le Belge évoque avec enthousiasme son nouveau projet, qu'il développera aux côtés de la marque horlogère Rolex, son envie d'amorcer la construction du monde de demain et la situation sanitaire actuelle.
Comment allez-vous et comment vivez-vous ce nouveau confinement?
Je le vis comme ces derniers huit mois... Ce coronavirus est une catastrophe qui nous touche depuis début janvier, date à laquelle cette pandémie a éclaté déjà en Asie. La situation est difficile car nous avons tous l’impression d’être sur un pédalo, de pédaler dans l’océan sans voir aucune rive ni aucune destination à l'horizon. Naviguer à vue comme cela procure un sentiment désagréable car personne ne sait quand et comment nous allons nous sortir de cette situation. Lorsque nous nous sommes collectivement déconfinés après la première vague, nous savions bien qu'il y en aurait une seconde, et nous savons aujourd'hui qu'il y en aura au moins une troisième d'après toutes les projections scientifiques. La preuve, c'est que de nombreux événements ont été annulés et continuent d'être annulés. Je ressens comme beaucoup un goût amer parce que nous avions commencé à retrouver une certaine liberté et la possibilité de se remettre au travail, mais il faut relativiser. Nos ancêtres ont connu des guerres mondiales, la grippe espagnole et des crises dramatiques en tous genres. Il faut garder espoir et la tête haute!
Fin octobre, vous avez officialisé la reprise du prestigieux concours de Chantilly, qui constituait une équipe du Longines Global Champions Tour depuis 2010. Comment est né ce projet?
J'avais anticipé la sortie du concours de Chantilly du Global Champions Tour. Quand ce circuit et l'association Chantilly Jumping de Gérard Manzinali ont annoncé la fin de leur contrat, cela a immédiatement attiré mon attention. En tant que cavalier, spectateur et passionné de sport, j'ai toujours été très sensible à ce concours. J'aime son site unique et exceptionnel, la superbe piste en herbe et le cadre incroyable aux alentours. La vue sur le château de Chantilly et ses Grandes Écuries n’est pas quelque chose qui se fabrique. C'est authentique, et ce serait dommage de ne pas profiter de cela. Et surtout, Chantilly est une ville qui porte une longue histoire équestre en elle; elle a l'ADN du cheval en elle! La ville attire de nombreux spectateurs lors du Prix de Diane ou pour des événements de polo. En plus d'être prestigieux, ce lieu est idéalement situé puisqu'il jouit d’un accès rapide depuis Paris, et qu’il se trouve à proximité des aéroports de Roissy et Beauvais.
La crise sanitaire a mis en lumière les difficultés d'organiser un concours indoor, qui sont souvent plus compliqués, coûteux et polluants que les autres. Ce retour en extérieur symbolise-t-il un nouveau chapitre dans votre carrière d’organisateur?
Depuis le début de la crise sanitaire et l'annulation de notre concours de Hong Kong, qui a été le premier événement à devoir être supprimé du calendrier international, je dis qu'il faut se poser les bonnes questions au sujet de l'invention du monde de demain. Avons-nous intérêt, dans un monde où la Covid-19 n'est sûrement pas la dernière pandémie à laquelle nous allons devoir faire face, à développer autant les concours indoor? L’expérience du grand air va nous faciliter l'organisation ainsi que la gestion des coûts. Organiser les concours de Paris, Hong Kong et New York était très coûteux mine de rien. Au-delà même des raisons sanitaires et économiques, le cheval est-il fait pour évoluer autant dans de grands halls intérieurs? Avec la série des Longines Masters, je pense que nous avons révolutionné les concours indoor en amenant de nouveaux concepts et en attirant de nouveaux publics, mais la crise que nous traversons constitue une occasion de se remettre en question. Nous avons envie de faire revenir le cheval dans un milieu plus rural, traditionnel et historique.
On relève évidemment le changement de sponsor-titre puisque le concours de Chantilly se jouera désormais sous les couleurs de Rolex, ce qui représente une vraie marque de confiance puisque cette marque sponsorise peu d’événements équestres. Comment s'est nouée cette collaboration?
Nous avons déjà eu la chance et l'opportunité de travailler avec la marque horlogère Rolex pour nos concours de Paris, à l'époque des Gucci Masters, et de Bruxelles. Nous sommes évidemment très fiers que Rolex ait montré un intérêt pour cet événement. Je pense que ses responsables ont accepté de soutenir Chantilly car c'est un lieu unique, différent et historique, qui porte les valeurs de la marque. Je suis très reconnaissant envers cette maison parce qu'elle aide grandement notre filière dans un contexte très difficile. Malgré une vision réduite de l'avenir, elle a choisi de nous faire confiance et de continuer à investir pour que les grands rendez-vous de notre sport puissent encore avoir lieu.
“Je veux vraiment créer un rendez-vous incontournable à Chantilly, donc je préfère me concentrer, tout comme Rolex, sur cet événement pour le moment”
On connaît votre hargne et votre imagination. Y a-t-il d’autres projets à venir ou préférez-vous vous concentrer sur ce CSI 5* de Chantilly uniquement?
Cette question est très importante car quelques médias ont transformé ce qui avait été dit dans le communiqué annonçant notre reprise du concours de Chantilly. Pour clarifier la situation, il n'est pas du tout prévu que Rolex remplace Longines dans la série des Masters, puisque celle-ci n'existe plus. Je veux vraiment créer un rendez-vous incontournable à Chantilly, donc je préfère me concentrer, tout comme Rolex, sur cet événement pour le moment. Après, je suis un créateur d’opportunités, donc sait-on jamais ce qu'il peut arriver, mais ce n’est pas du tout au programme pour l'instant.
Quid de la Asia Horse Week? Même si le CSI 5* de Hong Kong n’aura plus lieu, serez-vous toujours investi dans cet événement à l’avenir?
Pour moi, la Asia Horse Week est un peu le Davos équestre (le forum de Davos est un forum économique mondial, réunissant chaque année des dirigeants d’entreprise, responsables politiques ainsi que des intellectuels et des journalistes dans cette station suisse, et qui s’est donné pour but de débattre des plus grands problèmes internationaux, ndlr). Ce projet me tient à cœur depuis longtemps car nous avons connu beaucoup de succès lors des deux premières éditions. Dès que nous aurons un peu plus de visibilité sur l’avenir, nous allons y réfléchir et évidemment tenter de la réitérer. Cet événement est à mon sens nécessaire pour l’industrie équestre et son développement à l'international.
Dans le communiqué paru fin octobre, il était écrit que cette reprise du concours de Chantilly était une étape dans la construction du monde de demain. En plus du fait de déjà renouer avec un environnement plus rural et plus vert, allez-vous amorcer d’autres initiatives éco-responsables?
Effectivement, le simple fait de quitter l’indoor et de retrouver le grand air symbolise quelque chose. Vouloir remettre le cheval sur du vert, au sein d'un hippodrome et dans un lieu dont l'histoire s'est forgée autour du cheval est une vraie volonté de notre part et s'inscrit dans la construction du monde de demain, que nous voulons et devons mener. Encore une fois, compte tenu des leçons que nous tirons de cette pandémie de Covid-19, pouvoir “étaler” le public dans des grandes surfaces et ne plus être enfermés dans des boîtes a un vrai sens! Allons-nous aller plus loin dans la démarche et réduire notre bilan carbone? Nous allons évidemment essayer de le faire. Si l’on nous donne l'opportunité, nous le ferons car cela fait partie de notre vision. Je ne vais pas demander aux cavaliers de venir à l’hôtel à vélo, mais si demain une marque de voitures électriques nous fait une proposition pour être partenaire de l'événement, bien sûr que nous y réfléchirons. Je ferai tous les choix possibles pour aller dans le sens du monde de demain, et il le faut car c'est notre devoir d'organisateur mais aussi d'individu, mais je suis aussi contraint du fait de la situation économique... Faire un événement éco-responsable nécessite au minimum 30% de budget supplémentaire, donc c'est pas négligeable en ce moment, et nous nous devons aussi de proposer des concours pour que les cavaliers, les marchands de chevaux et les marques puissent vivre de leur métier.