Être au top le jour J
Tout compétiteur le reconnaîtra: le travail quotidien avec son cheval, les entraînements et les heures passées dans le but de progresser ont un seul et même but: la valorisation en concours. Ici, GRANDPRIX transmet les conseils du maestro Michel Robert pour être au top le jour J, de la reconnaissance de son parcours au franchissement de la ligne d’arrivée.
Avant toute chose, deux postulats sont à prendre en compte avant d’aborder un concours. D’abord, il faut avoir bien conscience de la raison de sa participation à telle ou telle épreuve, et quelles sont ses motivations. Telle est la question qui permettra à tout cavalier d’interpréter de manière positive son concours, quel qu’en soit le résultat. “Soyez conscient des réalités: on ne peut pas gagner toutes les épreuves, tous les week-ends”, relativise Michel Robert *. Pour autant, l’ancien cavalier de haut niveau n’hésite pas à donner les clefs de sa réussite en concours...
LA RECONNAISSANCE
C’est pendant la reconnaissance que les cavaliers récupèrent le maximum d’informations sur le parcours. Rien n’est à négliger: profil des obstacles, orientation, déclivité du terrain, promiscuité avec un obstacle potentiellement regardant, poids des barres, largeurs et hauteurs... Il faut également essayer de se mettre à la place des yeux d’un cheval, et analyser ce qui serait susceptible de surprendre sa monture : jardinières, drapeaux, points d’eau… En marchant, il faut d’ores et déjà dessiner le tracé de son parcours, et suivre ce chemin: “Je cherche à prendre des points de repères : je dois passer à droite de la brouette, ou, après le tournant du numéro 2, je dois longer la lice au niveau de l’arbre…” Plus les repères seront précis, plus le dérouler du parcours sera fluide le moment venu.
Autre point important lors de la reconnaissance: le comptage des foulées entre les obstacles, notamment dans les lignes. Attention néanmoins à ne pas se contenter de compter. Il faut également analyser le profil de l’obstacle en début de ligne, par exemple, et du contexte général. “Si la ligne d’obstacles est située après une rivière, l’amplitude de mon galop d’entrée dans la ligne sera supérieure à celle qui correspond à la réception d’un double de verticaux très courts”, illustre le champion. Enfin, il faut que le cavalier prenne en compte le barème de l’épreuve pour échafauder sa stratégie de monte. En effet, une ligne de cinq foulées au premier tour d’un Grand Prix pourra tout à fait être raccourcie en quatre foulées lors d’un barrage... Enfin, si d’aventure un obstacle impressionne davantage un cavalier, ce dernier doit alors exprimer son appréhension et prévenir son coach de ses doutes, par exemple. Cela lui permettra d’évacuer son stress et il pourra alors essayer d’analyser les options offertes par ce même obstacle. “Lors de la reconnaissance, si tel ou tel obstacle vous paraît un peu plus impressionnant que les autres, voyez en revanche comme il est bien placé. Recherchez le positif en toute chose et vous vous apercevrez que vos inquiétudes sont la plupart du temps disproportionnées”, rassure Michel Robert. Une fois la reconnaissance terminée - qu’il est tout à fait possible de réaliser plusieurs fois - il est alors bon pour la préparation mentale de visualiser dans sa tête le parcours parfait, en faisant appel à des sensations permettant de réussir le sans-faute: “Certains se voient en vue aérienne, d’autres refont le parcours à l’envers. Chacun sa technique! L’important c’est d’y mettre les bons ingrédients en introduisant des messages plus forts si l’on veut améliorer des points précis : “Mes jambes sont bien en place… je saute bien au milieu de l’obstacle… je garde des rênes très courtes…” Autant de gestes programmés qui vous permettront de réellement progresser.”
LE PADDOCK
Pour réaliser une bonne détente, il est nécessaire d’arriver sur le paddock suffisamment de temps en avance pour pouvoir s’échauffer tranquillement, progressivement et dans le calme (voir encadré pour les étapes d’une détente intelligente). C’est au cours de ce laps de temps que le cavalier et son cheval se mettent en phase, mais également qu’ils s’échauffent musculairement. Si le stress gagne un peu de terrain, l’heure de l’entrée en piste approchant, le cavalier ne doit pas oublier qu’il n’est pas là pour prouver quoi que ce soit. Pas question donc de faire un show sur la détente. Ici, rigueur, travail, calme et tête froide sont de mise. C’est au cours de cet échauffement que le travail de pensées positives va être très important. Le stress de l’événement étant normal, il peut arriver au cavalier de se demander ce qu’il fait là. Pourquoi s’est-il engagé dans cette épreuve, etc.? Il doit alors respirer. Prendre du recul. Et se rappeler qu’il est là avant tout pour prendre du plaisir. Repenser à de bons parcours et de bonnes séances pour garder confiance est alors important. Certes, un peu de stress et de vigilance sont nécessaires à l’abord d’un parcours, mais il ne faut pas se laisser envahir par l’angoisse. Il est donc important de stopper toute pensée négative. Le cavalier, surtout s’il est un peu tendu, doit surtout rester dans sa bulle et ne pas se laisser distraire par des commentaires qui se voudraient gentils, mais qui pourraient déstabiliser. “Il est étonnant de constater que si l’on est sûr de soi, les perturbateurs se tiendront à distance. Comme le lion qui va boire à la rivière, personne n’ose venir le déranger. Il faut se protéger et rester dans sa bulle”, conseille Michel Robert. Enfin, le professeur rappelle qu’il est judicieux de refaire mentalement son parcours, entre deux sauts ou lors d’un moment de détente au pas, par exemple: “C’est une excellente méthode pour réviser votre tracé, rester concentré et ne pas laisser l’inquiétude s’installer.”
LE PARCOURS
Bien évidemment, l’idéal serait d’être aussi détendu sur son parcours qu’à la maison. Pour autant, les cavaliers peuvent se rassurer sur un point: il est normal de ressentir une petite tension à l’entrée de piste. De plus, chaque parcours est différent et il existe toujours une part d’improvisation et d’adaptation en piste. C’est pourquoi, le cavalier doit avant tout s’appuyer mentalement sur ses points forts et en avoir conscience: “La technique et la communication avec le cheval, la connaissance du parcours, telle ou telle qualité du cheval...” En fait, le job du cavalier se résume à peu de chose: amener son cheval jusqu’à la battue d’appel dans les meilleures conditions possibles. Pour cela, il faut, bien sûr, que sa monture soit bien dressée et à l’écoute, et que le cavalier garde le cap sur les objectifs fixés (cadence du galop, tracé, etc.). De fait, chaque phase du parcours doit être connue. Avant de partir, il peut être judicieux de passer à côté de l’obstacle qui impressionne le plus le cavalier et de caresser sa monture. Ensuite, il faut bien comprendre que le galop du départ est d’une importance capitale pour l’ensemble du parcours. “L’abord lointain du premier obstacle doit se faire dans un galop supérieur à celui que vous souhaitez avoir dans les dernières foulées. À cinq ou six foulées du numéro 1, vous pourrez reprendre le cheval, tout en conservant la même impulsion dans une attitude un peu fermée de ralentissement. Ceci vous évitera d’aborder l’obstacle en accélérant et de risquer une perte de contrôle, une faute ou encore de désorganiser la réception du saut. La réussite du parcours dépend beaucoup de la qualité de ces premières foulées de galop”, avertit Michel Robert. Enfin, si le cavalier commet une faute sur son parcours, il ne doit surtout pas se focaliser dessus. “Au contraire, faites comme s’il ne s’était rien passé, gardez votre concentration sur la suite du parcours et profitez-en pour travailler votre cheval et finir le reste du tour sans faute. C’est important pour aborder les prochains parcours. Le cheval doit rester en confiance.” Le maître rappelle que malheureusement, beaucoup trop de cavaliers s’engagent dans des épreuves inadaptées, générant chutes, barres, perte de confiance, tant de la part de l’engagé que du cheval. Il est donc précieux de franchir les étapes pas à pas.
ET APRÈS?
Il est toujours intéressant d’analyser ses résultats en fonction des objectifs que l’on s’était fixés au départ. “Après une épreuve, je me concentre avant tout sur les faits et les moyens mis en œuvre plutôt que sur le résultat lui-même”, confie Michel Robert. “C’est important pour progresser. Chaque épreuve est une expérience de plus. Restez neutre : ne vous focalisez pas sur les fautes ou les erreurs, et à l’inverse, face à un bon résultat, ne relâchez pas la vigilance et n’oubliez pas le cheminement qui a permis d’atteindre l’objectif.” Se rappeler, enfin, que la victoire est une notion relative. Réussir un parcours propre avec du temps peut être une victoire si l’on s’était donné pour objectif de faire un bon parcours de travail, par exemple. Comprendre aussi que le bilan se fera sur un ensemble de parcours et non sur une seule compétition. “L’important n’est pas d’être le meilleur, mais de donner le meilleur de soi-même”, conclut le champion.
Cet article est paru dans le dernier numéro du magazine GRANDPRIX (n°121).