“Malgré le premier confinement, il est très important que mes chevaux profitent d’une trêve”, Romain Potin
Romain Potin a choisi de mettre un terme à sa saison de concours un peu prématurément, notamment en raison de la situation sanitaire et de ses conséquences. Pour le champion de France Pro Élite 2017, pas question de priver ses chevaux d’une trêve hivernale malgré une saison un peu allégée. Installé à Faumont, près de Lille, le Nordiste explique les difficultés qu’il a traversé cette saison ainsi que les solutions qu’il tente de mettre en place pour garantir l’équilibre de sa structure.
Vous avez annoncé mettre un terme à votre saison 2020 en fin de semaine dernière. Avez-vous pris cette décision en raison de la situation sanitaire actuelle ou vis-à-vis de vos chevaux ?
C’est un peu les deux en définitive. J’avais clairement l’intention d’arrêter ma saison, mais plutôt d’ici quinze jours ou trois semaines, afin de concourir jusqu’à fin novembre ou début décembre. Dès le départ, j’étais parti du principe que ce n’était pas parce que mes chevaux n’avaient pas concouru pendant deux mois et demi en raison du premier confinement qu’il fallait essayer de rattraper ce retard cet hiver. Il est très important pour moi qu’ils profitent d’une trêve chaque année, il n’était donc pas question de l’amputer, ça n’aurait pas été respectueux pour eux. Après l’annonce du nouveau confinement, un certain nombre de concours qui étaient à mon programme ont été annulés, ce qui a rendu la situation un peu compliquée. J’avais notamment prévu d’aller au national de Dreux, qui a été annulé. Je pensais aussi aller en Belgique, qui a aussi de nouveau été confinée, ce qui rendait les choses délicates... On marche un peu sur des œufs ces derniers temps. Je n’ai par ailleurs pas de vieux chevaux prêts à gagner, mais plutôt des jeunes à former, hormis Impressario vd Heffinck. Je trouvais donc cela plus intéressant d’arrêter la saison maintenant, en espérant redémarrer l’an prochain, de façon plus normale, si la situation le permet. J’aimerais pouvoir reprendre les concours d’entrainements pour les jeunes chevaux en février et les concours Pro et les CSI mi-mars.
Le nombre de concours ayant chuté, avez-vous plus de difficultés à obtenir des places ?
L’accès aux concours n’est pas tellement plus compliqué que d’habitude, d’autant que je ne vise plus le niveau auquel j’ai pu participer par le passé. Aujourd’hui, je m’oriente surtout vers des concours nationaux ou des CSI 2*. Dans ces concours, il n’est pas si difficile d’obtenir des places. En revanche, l’une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté ma saison est que je refuse de prendre part à des épreuves qui comptent une centaine de partants. Par exemple à Lier il y avait cent quatre-vingt partants dans une épreuve à 1,40m. Tout le monde doit s’en sortir, et comme je le dis régulièrement, je ne suis pas un sponsor de concours. Qu’il y ait autant de partants dans des épreuves de formations, pourquoi pas. Mais pour le reste, je crois qu’il faut rester raisonnable. J’ai par exemple une très bonne jument de sept ans, et je la saccagerais si je l’engageais dans une telle épreuve avec comme objectif un classement. Ce n’est pas ma politique, et j’ai l’impression que cela est étendu à tous les niveaux. À Vilamoura, certaines épreuves sont même divisées en deux classements. Je crois que tout le monde doit faire des efforts. C’est super que les organisateurs tentent tout pour maintenir leurs concours, mais dans certains cas, on en arrive à pénaliser les chevaux d’abord, puis ensuite les cavaliers vis-à-vis de leurs propriétaires. Pour départager autant de partants, les parcours deviennent parfois si difficiles que l'on trouve des choses très difficiles. J’ai vu des dispositifs avec des couleurs insautables, des combinaisons trop compliquées… Les combinaisons ne devraient d’ailleurs pas être des juges de paix. C’est là que l’on reconnaît les bons et les mauvais chefs de piste. Lors du dernier concours que auquel j’ai participé, soixante-six pourcent des couples ont écopé de temps dépassé, ce qui démontre bien qu’il y a un problème. Ce n’est pas le sport que j’aime. Certes, la qualité des chevaux et des cavaliers s’améliore, il est normal de faire une sélection. Mais cela doit rester juste pour les chevaux.
Comment parvenez-vous à trouver un équilibre économique en cette période ?
J’espère que nous parviendrons à retrouver une saison plus classique bientôt, même si je pense que 2021 sera encore plus difficile à vivre que 2020 sur le plan économique. Il ne faut pas rêver, nous ne sommes qu’au début de la crise, on le voit bien. J’espère que tout rentrera en ordre en 2022. Pour l’heure, c’est difficile, car les dotations de concours sont parfois abaissées et que le prix des engagements a explosé. Je suis plutôt opposé aux concours Jeunes Chevaux de la Société Hippique Française mais certains de mes propriétaires ont tenu à ce que leurs chevaux le courent. Les championnats du monde de Lanaken ayant été annulés, je me suis rabattu sur le championnat de France de Fontainebleau. Je trouve un peu honteux que la saison dans ce circuit ait coûté plus cher à mes propriétaires que ce que cela leur a rapporté. Le bilan de la saison Jeunes Chevaux a été compliqué à cause de cette donnée. Certes, ils ont dépensé moitié moins d’argent que d’habitude pour que leur cheval y participe, mais cela leur a rapporté au moins cinq fois moins. Une jument étrangère qui a signé deux sans-fautes à Fontainebleau mais à qui je n’ai pas fait courir la finale car elle a été vendue n’a même pas remboursé ses engagements alors qu’elle a signé dix sans-fautes sur douze parcours courus. J’ai déconseillé à mes propriétaires de faire courir ces épreuves à leurs chevaux et de plutôt opter pour des épreuves préparatoires. Les propriétaires ont moins gagné, tout comme les cavaliers, qui comptent en partie sur les gains pour faire fonctionner leur structure. J’ai la chance de compter sur de très bons propriétaires, mais je comprendrais que certains préférèrent faire concourir leurs jeunes chevaux en CSI plutôt que sur le circuit SHF.
Les stages et le commerce vous permettent-ils de contrer les pertes ?
Même s’il y a toujours pire, la crise sanitaire nous met face à des difficultés, car les règles ont changé. Les propriétaires réfléchissent à leurs investissements, qu’ils s’impliquent pour le plaisir ou dans un but de bénéfice. C’est une période compliquée. Pour pallier à cela, j’organise davantage de stages. Pas parce que j’y suis contraint, mais parce que j’aime vraiment transmettre et que j’ai davantage de temps en cette période. Avec le confinement, c’est toutefois compliqué et je ne peux faire travailler que des professionnels. Heureusement, beaucoup d’amateurs sont professionnels désormais, car il leur suffit de disposer d’un numéro MSA (Mutualité Sociale Agricole, ndlr). Vendre des chevaux est aussi une option, mais pour ce qui est des chevaux à forte valeur, la période n’est pas propice car le trafic aérien est fermé, ce qui bloque les marchés américain, asiatique et arabe. Ce n’est pas évident et je n’ai pas de solution miracle. À l’issue du premier confinement, le marché du cheval d’amateur coûtant au moins 25 000 euros a explosé. Il n’y en avait plus à vendre. Et aujourd’hui, un éleveur ne peut pas mettre son cheval au travail pour qu’il prenne part à des épreuves à 1,25m ou 1,30m, il n’en a plus les moyens. Cela rend le commerce plus difficile. Par ailleurs, on ressent très fort depuis un an et demi la décroissance de l’élevage qui a débuté il y a une dizaine d’années. On a aujourd’hui du mal à trouver des chevaux de commerce.