“Nous privilégions clairement la qualité à la quantité”, Sadri Fegaier
En 2020, dans le cadre de l’Hubside Jumping, Grimaud a accueilli pas moins de onze semaines de compétition. En cette année de crise sanitaire mondiale marquée par l’annulation de très nombreux événements, Sadri Fegaier, épaulé pour cela par les Italiens Eleonora Ottaviani et Denis Monticolo, est devenu l’organisateur de CSI 4* et 5* le plus prolifique d’Europe. Très fréquemment salué par les meilleurs cavaliers du monde, qui ont vécu une bonne partie de l’année dans les infrastructures de l’écurie du Golfe de Saint-Tropez, l’entrepreneur drômois est satisfait de son exercice 2020. Et il n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. Si tout va bien, l’Hubside Jumping sera de retour dès avril 2021 dans le Var. Entretien.
Quel bilan global tirez-vous de la deuxième saison de concours disputés à Grimaud, dans le cadre de l’Hubside Jumping?
Il est globalement très positif. Même si nous avons dû annuler ou reporter les premiers concours de la série printanière, qui devait débuter le 8 avril, nous avons eu plaisir à accueillir les meilleurs cavaliers du monde dès le 10 juin. Compte tenu des restrictions sanitaires en vigueur partout, de nombreux autres concours ont malheureusement été annulés, ce qui nous a en quelque sorte profité. En revanche, compte tenu de la présence continue des meilleurs mondiaux, nous n’avons pas pu faire plaisir à tout le monde cette année, mais nous avons vraiment essayé de gérer cela au mieux.
De fait, vous vous êtes vite retrouvé dans la peau de l’organisateur le plus prolifique d’Europe, au moins en ce qui concerne le saut d’obstacles de haut niveau…
Une fois que nous avons pu ouvrir les portes de l’écurie du Golfe de Saint-Tropez, nous avons pu enchaîner onze semaines de concours, entrecoupées de pauses entre mi-juillet et mi-août, fin août et mi-septembre, puis entre fin septembre et début octobre. Beaucoup de cavaliers nous ont remercié de leur avoir donné l’opportunité de reprendre leur travail et de concourir à un très bon niveau malgré la crise. Toutes les épreuves, et particulièrement les plus importantes, ont été très disputées. En juin et juillet, après le confinement strict imposé presque partout en Europe, les cavaliers ont remis en route leurs chevaux, qui sont montés en puissance au fil des semaines, jusqu’à notre premier CSI 5* (disputé du 2 au 5 juillet, ndlr). En août, puis septembre et octobre, ils ont atteint un très haut niveau de performances, et on a senti que tout le monde prenait du plaisir. On a presque assisté à des championnats d’Europe toutes les semaines! En tant qu’organisateur, nous nous sommes régalés, même si ce fut une année particulière pour toutes les raisons que l’on sait.
Certaines victoires et épreuves, ou bien certains cavaliers et chevaux qui vous ont-ils particulièrement marqué cette année?
Franchement, tous les week-ends nous ont comblé de beau sport, des victoires de Maikel van der Vleuten et Dana Blue à la fin du printemps jusqu’à celle de Daniel Deusser avec Scuderia 1918 Tobago Z dans le Grand Prix de notre dernier CSI 4*, mi-octobre, en passant par celles de Steve Guerdat et Victorio des Frotards, Niels Bruynseels et Gancia de Muze, Scott Brash et Hello Jefferson, Marlon Módolo Zanotelli et VDL Edgar M, Nicolas Delmotte et Ilex VP ou encore Denis Lynch et Cristello. Je ne cite là que les Grands Prix majeurs, mais il y a vraiment eu du très beau sport tous les jours.
“La qualité du sport nourrit l’image de nos marques et projets”
Permettre aux cavaliers à la fois de monter dans vos CSI 4 ou 5*, mais aussi d’engager d’autres chevaux dans vos CSI 2 ou 3* y a sûrement joué pour beaucoup. Pourquoi leur avoir offert ce luxe dont ils bénéficient rarement ailleurs?
Nous avions déjà ouvert de cette possibilité l’an passé, afin de leur permettre de venir avec davantage de chevaux, y compris des jeunes, moins expérimentés ou revenant de convalescence, et de leur offrir un large panel d’épreuves. Cette année, compte tenu de l’annulation de nombreux autres concours, nous avons étendu cette ouverture. Et le fait est que cela a donné lieu à des épreuves d’un excellent niveau également dans ces labels.
Au-delà même des investissements dans vos infrastructures de Grimaud, l’Hubside Jumping peut-il atteindre la rentabilité ou bien dépend-il absolument du sponsoring, à commencer évidemment par celui d’Hubside?
Non, la rentabilité n’est pas notre priorité. Je crois que cela se ressent dans la qualité des infrastructures que nous mettons à disposition des cavaliers et chevaux. La qualité du sport est le critère numéro un de la réussite de nos événements. Tous les participants ont pu le constater depuis l’an passé. Si nous souhaitions augmenter nos revenus, nous pourrions accueillir mille cinq cents ou deux mille chevaux chaque week-end, mais ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous privilégions clairement la qualité à la quantité.
Si vous vous placez en tant que dirigeant d’Hubside, êtes-vous un partenaire heureux?
Franchement, oui, je ne pourrais pas dire le contraire. En termes de visibilité, on ne peut pas faire mieux. Et encore une fois, la qualité du sport nourrit l’image de nos marques et projets. Cela tombe bien car nous avons lancé un réseau européen de cinq cents points de vente physiques nommés Hubside.Store. Nous avons commencé à le déployer l’an passé en France. Ainsi, tout le monde, à commencer par les cavaliers, pourra trouver un point de contact pour acheter, neuf ou reconditionné, louer, faire réparer, recycler et assurer téléphones, tablettes, ordinateurs et objets connectés. Les premiers retours sont d’ailleurs très positifs.
Beaucoup de débats agitent l’univers du saut d’obstacles de haut niveau. Comment concilier les coûts d’organisation des concours, les exigences des cavaliers et propriétaires, les difficultés à trouver des sponsors, le recours aux pay-cards et le caractère méritocratique du sport, corollaire de son maintien au programme olympique? Quel regard portez-vous sur tout cela?
Je n’ai aucune ambition politique dans ce sport. Je m’y suis impliqué en toute discrétion en tant qu’organisateur, propriétaire et cavalier. Et j’entends maintenir cette ligne de conduite. Je suis là pour entreprendre et agir, et absolument pas pour critiquer qui que ce soit. Trouver un équilibre entre tous ces intérêts n’est clairement pas évident. Je trouve dommage que certains cavaliers critiquent la manière dont nous nous comportons vis-à-vis de ce sport. Si on leur donnait la gestion d’un concours, ils envisageraient sûrement les choses différemment. Mais il est toujours plus facile de critiquer que de trouver des solutions.
“Nous avons encore de belles perspectives de développement”
L’évolution des restrictions sanitaires ont contraint vos équipes à s’adapter tout au long de l’année. À ce sujet, la relocalisation à Grimaud des concours prévus fin août au haras des Grillons, dans la Drôme, était-elle inévitable? On sait que vous aimez particulièrement y accueillir les cavaliers et propriétaires, mais aussi le grand public et vos collaborateurs de la SFAM, dont le siège se situe à Romans-sur-Isère?
Oui, il aurait été très compliqué de pouvoir mettre en œuvre ces deux concours au mois d’août. Il est vrai qu’ils ont attiré beaucoup de monde depuis que nous les avons lancés. Compte tenu des risques sanitaires, avec lesquels nous avons un peu navigué à vue toute l’année, mais aussi des questions logistiques liées à l’installation des structures temporaires, nous avons effectivement préféré organiser ces événements à Grimaud. Évidemment, j’espère que la situation sera plus favorable en 2021 et que nous pourrons à nouveau accueillir un maximum de gens au haras des Grillons.
À quoi ressemblera l’Hubside Jumping en 2021? Selon le calendrier de la Fédération équestre internationale, à Grimaud, la reprise est programmée de début avril à début mai, suivie d’une deuxième série de début juin à début juillet et d’une troisième session de début septembre à mi-octobre, entrecoupées par un mois de compétition à Valence.
Pour l’instant, il est encore trop tôt pour arrêter précisément ce calendrier. Compte tenu des incertitudes sanitaires, il est difficile de se projeter aussi loin. Pour autant, nous espérons que 2021 se passera aussi bien pour nous que 2020, et que nous pourrons reprendre aussi tôt que possible au printemps.
Même si de nombreux officiels et cavaliers français ont la chance de pouvoir prendre part à vos événements, vous travaillez entouré de beaucoup d’Italiens, à commencer par vos directeurs, Eleonora Ottaviani et Denis Monticolo. Est-ce un hasard ou ont-ils quelque chose en plus?
C’est un peu le fruit du hasard. Eleonora travaille avec nous depuis nos débuts à Valence. Et Denis, qui officiait déjà pour l’organisation du CSI 5* organisé à Ramatuelle (le Longines Athina Onassis Horse Show, ndlr), tout près de chez nous, nous a rejoints cette année. Je suis très satisfait de leur travail et de celui de leurs équipes.
La crise sanitaire que nous traversons engendre aussi une crise économique. Quel est votre degré d’optimisme quant à l’avenir, pour l’ensemble de vos activités?
D’une manière générale, la crise ne me fait pas peur. Compte tenu d’où je viens, m’étant construit tout seul, je suis passé par des phases plus difficiles que cela. Toute crise a des effets néfastes mais crée aussi des opportunités. Il faut se montrer optimiste, réactif et véritablement performant. On n’a pas le droit d’être moyen ou de se reposer sur ses acquis, même si ce n’est jamais évident. Pour notre part, nous développons des activités qui ont le vent en poupe, donc je n’ai pas à me plaindre.
À quoi rêvez-vous en tant qu’organisateur, propriétaire de chevaux mais aussi cavalier?
Si l’un des chevaux de l’écurie de sport du haras des Grillons peut participer aux Jeux olympiques de Tokyo, en espérant que ceux-ci soient maintenus, avec Carlos López, ce serait une magnifique récompense. Du reste, nous pensons déjà aux Jeux de Paris 2024. Le récent achat d’Evita SG (Z, Verdi TN x Codexco, ancienne monture de l’Italien Emilio Bicocchi, ndlr), s’inscrit dans ce cadre. En tant qu’organisateur, j’ai pas mal d’idées pour de futurs concours. J’espère les concrétiser dans les prochaines années. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, mais nous avons encore de belles perspectives de développement, au-delà même de Valence et de Saint-Tropez.