Passionnément Genève : en 2008, Éric Lamaze et Hickstead déroulent à Palexpo
Si la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 n’en avait pas décidé autrement, le CHI de Genève aurait débuté aujourd’hui à Palexpo. À travers quatre émissions retransmises en direct sur GRANDPRIX.tv, à partir de ce soir à 18h30, les organisateurs ont souhaité entretenir la flamme de cet événement majeur, qui attire chaque automne le gratin du saut d’obstacles, mais aussi du concours complet et de l’attelage. De son côté, GRANDPRIX a choisi de remettre en lumière, texte, photos et vidéos à l’appui, quatre des nombreuses victoires qui ont marqué l’histoire récente du rendez-vous suisse. Aujourd’hui, retour sur l’époustouflante victoire d’Éric Lamaze et Hickstead dans le Grand Prix de l’édition 2008.
Première impression à l’arrivée au CHI de Genève: le gigantisme. La halle 4 de Palexpo présente des dimensions gargantuesques. Après cinq bonnes minutes de marche, on comprend mieux pourquoi certains membres du comité d’organisation se déplacent en véhicules électriques. Le déploiement de forces vives et de moyens respire le professionnalisme, même si la tenue de ce rendez-vous immanquable de la saison indoor repose en grande partie sur l’engagement de plusieurs centaines de fidèles bénévoles, encadrés par une toute petite équipe de salariés passionnés. Que dire de la piste, qui demeure la plus grande surface de sport de tous les concours intérieurs. Une réplique miniature du Léman trône à l’une des extrémités, tout près de la joyeuse et vibrante tribune populaire. Loin d’être un décor, ce lac, complété par une butte, sert à différentes épreuves, dont la Grande Chasse, la Coupe du monde d’attelage et, depuis plus récemment, le cross indoor. Les metteurs en scène ont même pensé au fameux jet d’eau de Genève, qui se met en route avant chaque début d’épreuve, accompagné de magnifiques jeux de lumières.
En cette édition 2008, le vendredi 12 décembre au soir, tous les regards sont tournés vers l’épreuve qualificative pour le Grand Prix dominical Rolex, alors étape de la Coupe du monde. Cinquante partants pour quarante places disponibles. Au terme du parcours initial, quatorze couples s’en sortent sans-faute. Au barrage, c’est au passage du Néerlandais Gerco Schröder avec Pennsylvania que le public applaudit le premier double sans-faute. Edwina Tops-Alexander, auteur d’un tracé incroyable avec Itot du Château, fait retentir le premier coup de tonnerre. Mais le plaisir de l’Australienne ne dure pas plus de trois minutes puisque l’Irlandais Cian O’Connor se montre plus rapide avec Complete. Eugénie Angot joue la carte de la prudence avec Ilostra Dark, Septième. Tout comme le Canadien Éric Lamaze, sixième, qui ne sollicite pas trop son étalon Hickstead pour cette mise en jambe. Laura Kraut impose finalement sa longiligne grise Miss Independent au terme d’une épreuve pleine de suspense.
Un Grand Prix shakespearien
Venue avec cinq représentants, la France réussit à qualifier quatre couples pour le Grand Prix, dernière confrontation du concours. Julien Épaillard hérite de la lourde tâche d’inaugurer le parcours, et commet deux fautes avec Loops de Batilly. Puis vient le tour de Timothée Anciaume. “Avec Gilles (Bertran de Balanda, alors sélectionneur de l’équipe de France, ndlr) et Grégory (Mars, propriétaire du cheval, ndlr), nous voulions tester Lamm de Fétan plusieurs jours de suite dans de grosses épreuves afin de voir s’il pouvait supporter le rythme d’un championnat”, explique le Normand. “Même avec quatre points sur ce dernier parcours, il a démontré qu’il en était capable.” Un duo plein de promesses, qui disputera d’ailleurs les championnats d’Europe l’été suivant à Windsor quelques semaines après une victoire d’anthologie dans la Coupe des nations d’Aix-la-Chapelle.
Le public suisse manifeste bruyamment son soutien à ses cavaliers. Manfred Müller, l’une de ses mascottes, abandonne. Heureusement, l’impressionnant contingent helvétique permit aux tribunes de reprendre rapidement des couleurs. Werner Muff, qui a retrouvé en Quax II le remplaçant de son ancien crack Plot Blue, futur vainqueur de la finale de la Coupe du monde – un an et demi plus tard… à Genève! – avec l’Allemand Marcus Ehning, signe le premier sans-faute de ce Grand Prix. S’ensuit un incroyable scénario pour la France. En effet, Eugénie Angot entame son parcours de la pire des manières avec Ilostra Dark et préfère tirer sa révérence dès l’obstacle numéro trois. Michel Robert entre alors en piste avec Koro d’Or, auréolé de son titre dans le glorieux Top Ten, glané deux semaines plus tôt à Bruxelles avec Kellémoi de Pepita. Imitant hélas sa compatriote, le maître rhônalpin préfère abandonner après un mauvais début de parcours.
Ils sont onze à se qualifier pour le barrage. “Huit sans-faute auraient été le chiffre parfait, mais c’est bien quand même. Le parcours a joué son rôle. Il y a juste ce virage avant le numéro six qui nous a posé problème”, déclare dit Rolf Lüdi, le chef de piste. En effet, une portion de la piste avait été inondée lors de l’étape de la Coupe du monde d’attelage courue le matin-même avait, obligeant le constructeur suisse à revoir son tracé. Seul subsistait dans cette zone le numéro six, un gros oxer rouge sombre, imitant parfaitement la lice, confondant barres et pare-bottes. “Il devrait y avoir une à deux fautes ici”, avait d’ailleurs confié Rolf Lüdi à la reconnaissance. Il y en a eu cinq, sans compter les innombrables sauts acrobatiques. L’Allemagne dispose de trois chances au barrage, comme la Suisse, les autres nations se contentant d’une cartouche. L’ouvreur, Werner Muff, joue crânement sa chance avec son jeune Quax II et signe d’emblée un rapide double sans-faute
La victoire se jouera sur deux plans: l’amplitude et la capacité à tourner très court. Beaucoup ont vraiment du mal à relancer leur monture, à l’instar du Suédois Rolf Goran Bengtsson, auteur du sans-faute le plus lent et finalement septième sur Quintero. La victoire n’est pas loin de revenir aux Allemands. Ainsi, Marcus Ehning, finalement quatrième, prend la tête avec Plot Blue, avant de se faire doubler par sa compatriote Meredith Michaels-Beerbaum sur un Shutterfly aérien. Edwina Alexander pêche par excès de confiance, fautant sur le numéro trois avec Itot, huitième cette fois mais qui finira par remporter cette épreuve en 2012.
Irrésistible Hickstead
C’est alors qu’un Eric Lamaze déterminé entre en scène. “Lorsque Hickstead est comme ça, calme et serein, je sais que nous pouvons tenter notre chance”, dira-t-il quelques minutes plus tard en conférence de presse. Le couple donne tout, augmentant son amplitude à chaque foulée, avalant les mètres à une vitesse ahurissante, tutoyant les barres et tournant au-dessus des obstacles. Malgré un virage difficile en sortie de double, le duo sacré champion olympique quatre mois plus tôt à Hong Kong, abaisse de plus d’une demi-seconde le chrono de Meredith et Shutterfly. Chapeau! Imaginez alors la pression sur les épaules de Steve Guerdat, suivant à passer. Le jeune Jurassien, déjà chouchou du public, mise sur le cœur de sa Selle Français Jalisca Solier. Dans un style totalement différent, le Suisse parvient Brillamment à s’intercaler entre Éric et Meredith. “Il m’était difficile d’aller plus vite”, avoue Steve, qui remportera Top Ten et Grand Prix deux ans plus tard avec sa jument favorite. “Il n’y a pas un obstacle que j’aurais pu mieux soigner. je reste content de me retrouver au milieu de deux grands champions. Ma jument ne pouvait pas mieux sauter, elle a donné son maximum. Désormais, je suis qualifié pour la finale, donc je vais me reposer avant d’entamer l’année 2009 à Zurich”, conclut le Roman, qui souffre alors de douleurs dorsales.
De son côté, Meredith Michaels-Beerbaum semble se contentera de sa troisième place. “J’ai réussi à gérer mes chevaux au mieux. Ils sont tous un peu âgés et je dois aménager leur planning. Malheureusement, Markus (son mari, ndlr) n’était pas là pour me conseiller au barrage…” Avec 1,5 million d’euros de gains en 2008, son Shutterfly n’accuse pas encore le poids des années. Il remportera d’ailleurs sa troisième et dernière finale de la Coupe du monde quelques mois plus tard à Las Vegas.
Enfin, comme à son habitude, Éric Lamaze affiche un sourire détendu, lui qui découvrait Genève pour la première fois. “C’est un moment de sport fantastique, sur une très grande piste où il fallait courir le barrage très, très vite. Hickstead était vraiment très relax, et quand il est comme ça, on peut avancer et se rapprocher des obstacles. Le barrage était fait pour lui!” Après ses victoires à Caen et Toronto, le KWPN est au mieux de sa forme. “C’était notre dernière épreuve de l’année. Hickstead va se reposer quelques mois et être prélevé pour la monte 2009.” Après une très bonne année 2009, marquée par de nombreux classements en Grands Prix CSIO et CSI 5*, le Caribou et son majestueux lion réussiront une saison 2010 de rêve, avec des victoires à Calgary et surtout dans le Grand Prix d’Aix-la-Chapelle, avant de glaner une médaille de bronze aux Jeux équestres mondiaux de Lexington. En 2011, il finiront deuxièmes de la finale de la Coupe du monde à Leipzig et remporteront coup sur coup les Grands Prix CSIO 5* de La Baule et Rome, puis encore celui de Calgary, gravant des souvenirs indélébiles dans la mémoires de leurs innombrables fans, avant que l’étalon ne s’effondre sur la piste du CSI 5*-W de Vérone, plongeant son monde dans une peine inconsolable. Mais cela, c’est une autre histoire…
Les résultats de cette épreuve de légende
Revivez le magnifique tour initial suivi du barrage d’anthologie d’Éric Lamaze et Hickstead